Rendons donc à la docte prêtresse du nénuphou ce qui lui appartient!
Garulfo a écrit :Ce que Yves Lavandier dit de la caractérisation (page 129 de "La Dramaturgie")
Un auteur intéressé à présenter des personnages fouillés devrait à mon avis :
1. Bien les connaître. L’analyse transactionnelle fournit d’excellents outils pour définir un personnage. Connaître son plan de vie, ses deux ou trois jeux psychologiques favoris et les rôles qu’il y joue peut être très utiles.
2. Savoir, à tout moment de l’action, ce qui se passe dans leur tête et dans leur coeur. Cette règle vaut pour tous les personnages, y compris les méchants ou les personnages tertiaires. Chaque individu cherche avant tout à satisfaire ses besoins personnels. Se mettre à la place de chacun, c’est être capable de lui donner raison, dans son système à lui.
3. Aimer ses personnages, tous ses personnages, y compris les moins aimables. Le mot "aimer" n’a pas le sens ici de "vouloir être aimé par" ou "d’éprouver de l’amour pour" mais, plus profondément, de comprendre, d’accepter. L’amour inconditionnel, la denrée la plus précieuse du monde, se donne simplement en acceptant l’autre. Un bon truc pour aimer un personnage consiste à voir en lui son enfant blessé.
4. Montrer les traits de caractère qui ont une importance pour l’histoire et l’intention voulue. Et pour cela, il n’y a qu’un seul moyen : le conflit. L’objectif du personnage doit être clair pour le spectateur, à défaut de ses motivations.
5. Compter sur les actions pour caractériser, plus que sur ce que les personnages disent, d’eux-mêmes ou des autres. On ne retient pas grand-chose d’une info qui est dite au lieu d’être montrée.
6. Ne pas être incohérent. C’est-à-dire faire sentir que derrière ces bribes de caractérisation, se trouve un véritable être humain, complexe, à la limite ambigu et contradictoire mais néanmoins cohérent.
7. Montrer une facette puis apporter des nuances. Sans faire d’un personnage une chose et son contraire, lui apporter des nuances ou montrer qu’il est en proie à des contradictions est une façon de l’enrichir et de l’humaniser.
Lavandier dit quelque chose d’autre qui me semble très important par rapport à la caractérisation et aux choix de l’auteur. Je vais donc le citer à nouveau (p. 123 de "La Dramaturgie").
Dans beaucoup d’oeuvres, les personnages sont essentiellement des marionnettes, le propos de l’auteur n’étant pas de s’attarder sur la caractérisation. Encore une fois, ce n’est pas nécessairement indigne. De nombreux récits, à commencer par les contes de fée, s’attachent à explorer un objectif plus qu’un personnage. Une deuxième catégorie d’oeuvres se soucie de caractériser ses personnages mais se contente d’un trait de caractère par personnage. Là encore, le but du jeu n’est pas de faire un portrait mais d’explorer une caractéristique humaine. C’est le rôle qui importe. Et puis, certaines oeuvres proposent un portrait fouillé. Elles donnent souvent l’impression de montrer de vrais humains.
Les portraits fouillés sont souvent gratifiants pour cette raison-là mais on remarquera qu’un personnage peut être extrêmement attachant sans que sa caractérisation soit profonde.
Donc, ce que j'en retiens c'est : il n'est pas nécessaire de faire des portraits hyper fouillés, quelques traits peuvent rendre un personnage attachant (il ne faut pas forcément passer beaucoup de temps avec lui non plus) mais il faut être cohérent. Et surtout, c'est par leurs actions que les personnages sont caractérisés plus que par ce qu'ils disent ou pensent (d'eux ou des autres, et - pour moi - de l'histoire). C'était mon résumé du résumé de Lavandier.
Je rappelle également que Lavandier traite de l'art cinématographie et visuel, pas de littérature même si beaucoup de choses peuvent être appliquées à l'un comme à l'autre (mais pas tout : pour le savoir, il faut lire la bible qu'il a écrite).