Salut Cédric
Boite en carton a écrit :Je pense qu'il y a autant de façon de procéder que d'auteur, voire que d'oeuvre.
Oui, à première vue, je dirais bien que "d'oeuvres".
Reste que j'ai l'impression d'une certaine confusion ici, d'un mélange entre divers éléments.
Comme si tenir une idée pouvait suffire à bâtir un roman, quitte à l'en-synopsiser.
Y a-t-il vraiment mille et une façons de procéder ?
Je vais, une fois de plus, paraître insolent, mais la réponse est NON.
Cédric, je vais t'expliquer pourquoi.
Dans l'approche d'un roman (d'un texte), il te faut au moins trois ingrédients.
Une fin... Qui tient la fin, tient les moyens.
Tant que tu n'as pas la fin, tu n'as pas les moyens... Ce qui ne veut pas dire qu'il est impossible de commencer sans une "finale", mais cette fin doit pointer le bout de son nez très vite.
Le début conditionne la fin.
Quelqu'un a dit très justement
une idée de la fin (Feldo)
On dit toujours aux (jeunes ?) auteurs de raconter : et ensuite, et ensuite...
Alors qu'il faudrait dire : et avant, et avant ? (Que s'est-il passé...
avant ? )
Quand tu tiens la fin, tu peux dire : et avant, et avant.
Sans la fin, tu ne sais pas où tu vas.
Je précise cependant que, pour moi, la "fin" c'est le climax.
Le climax : le moment suprême où l'aventure explose, où l'univers est transformé par l'action du héros.
Où le héros ne peut plus revenir en arrière, tout est enclenché jusqu'à l'explosion finale.
Le premier bon ingrédient d'un roman (et d'une histoire) c'est la fin.
C'est là où le lecteur achève sa course (même si le texte se poursuit un peu plus loin, pour que l'histoire revienne au repos)
Le deuxième bon ingrédient (non, ce n'est pas le début
)
Le deuxième bon ingrédient, c'est une montée en puissance.
Un roman, c'est comme un escalier à trois marches.
1) Une première marche de mise en condition. (de compréhension du monde, des enjeux, pour le lecteur)
2) Une deuxième marche d'échauffement et de tests, où la marmite bouillonne, où les premiers coups entre héros/méchants/obstacles s'échangent.
3) La troisième et dernière marche où on se bagarre pour de vrai, où les enjeux posés sur les deux premières marches arrivent à ébullition, à l'explosion volcanique. Le climax.
Le deuxième ingrédient du roman, c'est une progression.
Et dans chaque partie 1), 2), 3), tu as ces étapes à trois marches.
Ce qui te donne un escalier qui monte crescendo vers le climax.
Tout ça pour dire que si, à un moment ou à un autre, tu redescends, c'est tout ton roman - comme le soufflé - qui en subit le contrecoup. Au mieux, tu ne dois avoir que des plateaux.
On monte vers la finale. On y est aspiré.
Ce qui oblige à avoir une finale maximale.
On est dans un système d'enchères. Fort, plus fort, de plus en plus fort.
Si la tension se relâche en cours de route, ou si elle monte trop fort avant d'arriver à la fin, on tombe dans un trou d'air... ou alors - plus juste - le roman ne tient pas ses promesses.
Tu essaies, de cette manière, en cuisine : tu rates ta recette.
C'est toute la différence entre pas assez cuit, bien cuit, trop cuit, voire cramé parce que four trop chaud au milieu du temps de cuisson !
Le troisième ingrédient. Du matériel, des choses à dire.
Beaucoup plus que tu ne vas en mettre dans ton récit.
Des scènes, des images, des idées, des idées et leur contraire.
Des contraintes,
Des conflits, des obstacles,
Des résolutions (des scènes où certains éléments de l'histoire vont se trouver résolus), des scènes invisibles (pour le lecteur, pour le héros)
Et des trous, des espaces vides, pour laisser de la place aux héros (et pour te laisser les moyens de relier les éléments entre eux, voire d'en introduire de nouveaux qui vont - peut-être, sans doute - s'imposer d'eux-mêmes en cour d'écriture.)
Bref, du charbon pour la locomotive écriture.
C'est ce que certains créent en se lançant aussitôt dans l'écriture. S'ils ne confondent pas cette phase de remplissage de la locomotive avec le début du voyage.
Des héros ?
Pas encore.
Comme tu le constates, si tu n'as pas la fin.
Tu ne sais pas à quelle hauteur tu dois monter.
Tu ne sais pas non plus quels ingrédients utiliser.
Si tu pars pour confectionner une salade de fruits, et que tu n'arrives pas à trouver de fruits. Tu échoues.
Si tu assembles, en désespoir de cause, une pâte sablée... et que soudain tu trouves des fruits, il te faudra une énorme force de caractère pour jeter ta pâte et repartir sur ta salade de fruits. Au lieu de quoi, tu vas tenter l'improbable gloubi-boulga.
Quand tu sais que tu as trois marches à franchir, tu comprends sans difficulté qu'il te faut au moins trois bonnes idées, avec deux mini-climax. Ces moments où les héros ne peuvent plus faire machine arrière, ni aller se coucher la conscience tranquille, sans y perdre le sommeil, l'honneur ou d'autres choses à déterminer.
Dans ces trois moments tes héros vont apprendre quelque chose, l'aventure est une montée en puissance, une progression... et une évolution des héros.
Quand tu as la fin, tu sais jusqu'où le héros va aller, combien il va changer.
S'il n'évolue pas, l'histoire ne bouillonnera pas, la pâte ne montera pas. Tu auras soit un héros trop fort pour sa "mission", soit pas assez fort (et l'auteur poussera au cul avec sa "magie" du lapin sorti du chapeau) ce qui va rendre l'histoire peu crédible. Alors que les héros peuvent apprendre, chercher les moyens de gravir chaque échelon, chaque obstacle. (les héros = le lecteur ? à ne pas perdre de vue non plus)
Le climax est un contraste entre le début et l'endroit où "finit" le héros dans sa quête. Un noir et blanc, une teinte de gris. Ce qui permet, alors, d'avoir un héros qui cherche quelque chose, et trouve (ou non) réponse à son questionnement, à son ambition, à ses buts et aspirations.
Et là, tu poses la "morale" de ton histoire, un autre ingrédient à prendre en compte.
Le second degré. (Je veux grandir dans telle direction, mais à quel prix ? dit le héros)
Sans la fin,
Sans les trois marches de progression,
Comment obtenir les bons ingrédients de départ ?
Maintenant, tu peux choisir ton héros.
Sauf que...
Sauf que tu l'as déjà créé dans le climax. Dans cet affrontement final.
Et que tu vas enrichir les protagonistes, avant, pour que ce climax soit unique.
Ce qui va engendrer des scènes visibles (du côté des héros) et invisibles (ou moins visibles) du côté des méchants.
On monte une pyramide.
2 côtés pour les héros & méchants
un côté pour le monde
un côté pour le genre
On est en haut, on regarde de chaque côté, jusqu'en bas.
Oui, je sais, ça paraît toujours étrange, presque fou de dire : commencez par la fin.
En effet, la fin conditionne tout. La fin, c'est un mal nécessaire.
En cuisine, c'est toujours de cette façon qu'on pratique.
On veut préparer un cake au chocolat (c'est le but, le climax, la finalité), on sort les bons ingrédients, on calcule les bonnes proportions et les temps de cuissons suivant la quantité envisagée.
Celui qui sort la viande et le chorizo est plutôt mal barré pour préparer son cake au chocolat.
Et pourtant, combien joue au gloubi-boulga dans l'écriture ?
Avec l'espoir de trouver le met suprême.
Perso, je veux bien qu'on me dise que dans l'écriture tout est permis, tout est possible. Que chacun peut trouver sa voix et sa voie, sans rien connaître. Qu'il existe plusieurs manières de faire... Je peux dire qu'en cuisine aussi. Sur un plan absolu, c'est exact.
Dans la réalité, ce n'est pas du tout vrai.
Certains mélanges sont même mortels !
Après, que le cuisinier ou la cuisinière mettent un tablier, (ou pas de tablier, soient à poils ou à plumes dessous), qu'il/elle utilisent un couteau de boucher, un canif ou un couteau en céramique, qu'il/elle choisissent différents ingrédients supplémentaires pour préparer la recette du cake au chocolat. Qu'en plus on trouve la touche du chef à la sortie, dans la forme, dans le moelleux.
Okay, pas de problème !
Sauf qu'il y a le mot recette. Ce qui signifie déjà quelque chose en soi.
Sauf que, sauf que, il y a le but visé : le cake au chocolat.
Et ce but justifie, à lui seul, les ingrédients utilisés.
Un cake au chocolat, ça reste un cake au chocolat.
Existe-t-il mille moyens d'obtenir un cake au chocolat. Non.
Mille ustensiles, certainement.
Mille moyens, non.
A quelques variantes près, il n'en existe qu'un seul. Obtenir un cake au chocolat.
Ce qui répond à ceci
"Connaissez-vous seulement la fin de votre histoire ?"
A ça :
"Quand l'on se sent assez proche d'eux, le travail a de bonnes chances de partir." (Melanie)
"...partir sans savoir où l'on va, c'est à mon avis la meilleure façon de se planter." (Bec, élément repris par Feldo )
"Perso, j'ai appris la leçon de "s'engager-dans-un-roman-dont-on-ne-connaît-pas-la-fin". Donc, si je n'ai qu'un seul conseil à te donner, c'est de savoir où tu vas." BlackWatch
La réponse globale de Bélier.
"Mais l'inconvénient, que j'ai découvert en ayant la chance de pouvoir travailler avec un éditeur depuis 6 mois maintenant, c'est que le retravail sur mes textes est assez important." (Celtic, qui dit aussi : Personnellement je me lance avec une idée somme toute assez vague en tête.)
On a l'impression de lire différentes façons de faire.
Là où il n'en est qu'une.
Savoir où l'on va.
Se fixer un but... et voir si on a les moyens de l'atteindre.
Quitte à commencer une première course, pour voir combien d'ingrédients on utilise sur un premier tiers, s'il en reste assez pour tenir la route.
Savoir où l'on va, c'est 50 % du travail accompli.
Et c'est encore plus vrai quand tu as terminé le premier jet : mon cake au chocolat est-il un cake au chocolat, ou bien des frites enrobées de chocolat ? La cuisson du lecteur est-elle progressive ? Le héros évolue-t-il (est-il vivant), apprend-il quelque chose...
Mon idée tient-elle la route aussi loin ? Quelles sont les petites soeurs qui vont la porter plus haut et plus loin ? Se nouer autour d'elle comme des serpents.
Comment construire efficace si tu ne vises rien de précis ?
Pour ma part (et pour le défi 2010 qu'il me plairait de relever), je pense étoffer un contexte de départ pour l'instant assez pauvre. En fait, en y pensant un peu, je me suis rendu compte à quel point une idée seule était insuffisante pour se lancer dans l'écriture d'un texte intéressant (une nouvelle aussi bien qu'un roman, d'ailleurs). Cela peut paraître naïf (ça l'ai probablement, à vrai dire), mais il m'a fallu un peu de temps pour m'en rendre compte.
Par extension, je me suis aperçu que pour moi, le plus difficile était probablement de construire une histoire intéressante : une histoire à la fois cohérente et originale, si ce n'est dans le fond, au moins dans son traitement. Au final, je pense que c'est ce vers quoi tendra mon travail préliminaire.
Ce n'est pas naïf, c'est une progression.
Si tu pars à l'aventure juste avec une barre chocolatée dans ta poche, tu n'iras pas très loin.
Parce que tu ne peux pas te préparer.
Ni envisager un but, la fin de ton parcours.
Deux tours du pâté de maisons, ou le sommet de l'Himalaya ?
A présent, vas-tu "étoffer un contexte de départ" ou alimenter ta finale ?
Maintenant, j'ignore comment je vais bien pouvoir l'organiser, ce travail...
Hum, suppose un instant que tu es au bout de ce travail.
Raconte-toi comme tu y es arrivé.
C'est un procédé de visualisation créatrice. On s'imagine arrivé, et on regarde le chemin parcouru.
Quand on sait où on va, on est déjà à moitié rendu.
C'est aussi un principe de vie.
L'Himalaya, ce n'est jamais qu'à X euros, et X heures d'entraînement en haute altitude.
Tant que tu ne sais pas où tu vas, tu ne peux rien poser, rien calculer, rien organiser.
Une fois que tu sais, tu peux tout envisager, même emmener ta belle-mère, ta femme, ou ton/ta gosse de six mois. (qui aura peut-être douze... ans, le jour où tu partiras, mais c'est là un point de détail sur ton planning.
)
Bon challenge 2010.
Il te reste 363 jours.
L'Amibe_R Nard