En faisant une analogie avec le cinéma (ça s'y prête), la narration en retrait ça serait un plan d'ensemble et la narration de près un gros plan. J'ai bon ?
Je ferais plutôt un parallèle avec les jeux vidéos.
Il y a des jeux où les personnages sont des bonshommes qui se déplacent dans un décor. C'est plus pratique quand il s'agit d'élaborer des stratégies pointues, car on "voit" tout le monde, y compris le monstre qui est dans notre dos, mais c'est moins immersif. (cf Baldur's Gate, pour ceux qui connaissent)
Et il y a des jeux où le joueur est dans le personnage. On ne voit du personnage que la main qui agit (souvent en frappant de l'épée) ou le bout du canon de l'arme. (Cf Oblivion, ou de nombreux jeux de guerre)
Ce qui m'intéresse, c'est la deuxième solution.
Un des problèmes est d'arriver à faire entrer le lecteur directement dans le personnage. Branché sur ses nerfs, sur son coeur, sur son intellect. L'autre, c'est d'éviter ce qui peut l'en faire sortir.
Un petit résumé de mes problèmes récurrents :
- comment décrire un personnage quand on vit à l'intérieur de lui et qu'on ne veut pas en sortir ? On ne voit que la main qui agit. Un personnage ne pense pas tous les jours à la couleur de ses yeux, et faire défiler mes personnages devant le miroir pour qu'ils se décrivent eux-mêmes commence à devenir un tic. Parfois, je triche en profitant d'une alternance de point de vue pour faire faire ce boulot par d'autres personnages. Mais mes lecteurs découvrent souvent "en retard" à quoi ressemble le type qu'ils suivent depuis 2-3 scènes.
- quels référents utiliser ? Suite à une discussion avec Stef, j'essaye d'éviter les référents que mon personnage n'utiliserait pas lui-même. (Ex : mon perso est un esclave, mais ne pense pas à lui-même sous cet angle.) La solution ultime serait d'utiliser seulement "Il" et le nom du perso, mais je n'y arrive pas.
- le show don't tell. J'ai souvent un problème avec ce concept, parce qu'en général la solution la plus évidente de show conduit à sortir du personnage.
Exemples :
Il se sentait en colère contre cette peste. (Trop "tell", pas assez show)
Il serra les poings et sa figure vira au rouge brique. (C'est du "show", mais ça me fait sortir du personnage, puisque c'est un effet très "visuel" qui demande au lecteur de regarder les effets de la colère sur le personnage).
Merci à Swald pour ses réflexions sur le "sensoriel" et "l'indirect libre", je vais aller creuser ces notions.
- comment faire comprendre au lecteur ce qui se passe quand le personnage n'en perçoit qu'une partie? Exemple : Un soldat pris dans la mêlée ne perçoit que le l'ennemi en face de lui et le chaos autour. J'adore ce type d'immersion : le sang, la gadoue, la douleur de la blessure etc... Mais il ne voit pas les mouvements de troupes, ni quelle armée est en train de gagner. Bon, dans ce cas précis, il peut toujours l'apprendre plus tard, mais il n'est pas toujours facile de composer avec l'étroitesse de vision induite par une focalisation interne. (l'autre solution c'est bien sûr de repasser ponctuellement en focalisation externe, en prenant du champ pour tout englober, mais j'aime moins)
(bon, j'arrête là, je suis en train de me demander si je n'ai pas dévié de la question)