La mare aux nénuphars

1. Arrêtez de fuir
Là, c’est votre histoire. Votre manuscrit. Votre (future ?) carrière. Alors pourquoi vous courez dans l’autre sens, bon Dieu ? L’écriture ne vous poursuivra pas – ça devrait être l’inverse. Si c’est ce que vous voulez, poursuivez-la. C’est faux si on considère l’ensemble d’une carrière d’écrivain, mais c’est exact pour chacun de ses composants. Vous voulez un truc mais travaillez en permanence à son contraire. Vous dites vouloir écrire un roman mais vous partez sur un paquet de nouvelles à la place. Vous dites vouloir écrire cette histoire-ci, mais essayez d’écrire cette histoire-là. Choisissez-en une et bossez là-dessus.

2. Arrêtez d'arrêter
(la première phrase me laisse perplexe). Coupez les circuits de frein. Gambadez sauvagement en direction de votre but. Je ne voudrais pas vous fracasser le crâne avec un marteau forgé dans les flammes de la Montagne Evidence, mais le seul moyen de finir quelque chose est de ne pas arrêter. Cette histoire va pas s’écrire toute seule !

3. Arrêtez de vouloir écrire comme quelqu'un d'autre
Vous avez un ton bien à vous. Personne ne va vous le voler, et tenter de le copier serait aussi maladroit que deux ados essayant de s’embrasser dans un placard à balais. Cela vaut pour vous aussi : n’essayez pas d’écrire comme quelqu’un d’autre. Eventuellement, au début, d’accord, mais passez vite là-dessus. Entraînez-vous, trouvez votre ton. C’est quelque chose d’important en ce début d’année : trouvez ces éléments de votre ton. Ecrivez comme vous seul pouvez le faire.

4. Arrêtez de vous inquiéter
L’inquiétude, c’est de la merde. C’est inutile et totalement détaché de la réalité. Nous nous inquiétons sur des choses totalement hors de notre contrôle : sur les tendances de publication à la mode, de savoir si Barnes & Noble va se coller une grenade dans le *** et autres bêtises. Vous avez le droit de chercher les futurs problèmes éventuels pour commencer à les résoudre, mais cela n’a rien d’inquiétant. C’est un barrage à contourner, pas besoin de s’arracher les ongles jusqu’au sang en s’inquiétant là-dessus. Fermez-la, calmez-vous, arrêtez de vous inquiéter.

5. Arrêtez de vous dépêcher
Avec l’auto-publication, on a eu une augmentation notable de la quantité, comme si on essayait tous d’occuper un espace avec davantage qu’il ne peut contenir (expression exacte intraductible en français…). Une histoire est comme un bon vin, elle a besoin de temps. Alors prenez-le. On n’est pas à un concours de manger de hot-dogs, vous n’êtes pas jugés sur combien vous pouvez écrire, mais sur la qualité. Il faut un équilibre, être un minimum productif sinon vous risquez de couler comme une pierre et finir par retrouver des poissons qui barbotent dans votre rectum. Mais production et créativité passent après la qualité. Donnez-leur le temps et la patience qu’elles méritent. Pour résumer : reste cool.

6. Arrêtez d'attendre
J’ai dit « pas de précipitation », pas « arrêtez-vous en route pour pioncer ». La vie récompense l’action, pas l’apathie. Qu’est-ce que vous attendez, bon sang ? Si vous voulez avoir quelque chose à récolter par la suite, agissez maintenant. Alors faites-le.

7. Arrêtez de penser que c'est trop dur
Ça ne va pas être plus facile, pourquoi le serait-ce ? Ce qui en vaut vraiment la peine nécessite des tonnes de boulot. Si on pouvait escalader le Kilimandjaro avec un sac à dos dans un ascenseur avec l’air climatisé, ça aurait aucun intérêt, pas vrai ? Vous voulez écrire, alors ne vous attendez pas seulement à devoir bosser beaucoup, mais réjouissez-vous que ce soit le cas. Arrêtez de me regarder comme ça. Et retournez bosser, tiens !

8. Revoyez vos priorités
Vous ne serez jamais un bon conteur en mettant cette activité sur votre liste de trucs à faire entre « changer la cage du hamster » et « se mettre au macramé ». Si tu veux que ce soit fait, mets-le dans le top 5. Vous savez que vous êtes écrivain parce que ce n’est pas ce que vous faites, mais ce que vous êtes. Alors pourquoi reléguer ça après tout le reste ?

9. Prenez soin de votre corps aussi
L’esprit est l’arme de l’écrivain, son fouet, son fusil et sa dague. Si vous traitez votre corps comme le sol collant d’un cinéma porno (non, ce n’est pas du milk-shake par terre), alors vous abîmez votre arme la plus puissante. Le corps nourrit l’esprit, alors arrêtez de le pourrir. Mangez sainement, faites du sport, sinon y’aura des nœuds dans le fouet, du beurre de cacahuète dans le chargeur du fusil et la dague sera trop émoussée pour pouvoir couper une motte de gelée anglaise.

10. Arrêtez de pleurer
Se plaindre, c’est comme s’inquiéter, comme les regrets, comme le bouton sur le grille-pain qui dit pouvoir griller davantage les toasts : ça sert à rien (et se plaindre de ceux qui se plaignent, comme je le fais ici, est doublement inutile). Blabla, publication, blabla, Amazon, blabla, Hollywood. Arrêtez de chialer. Quelque chose vous dérange ? Corrigez-le ou oubliez. Et passez à autre chose.

11. Arrêtez de rejeter la faute
Vous entendez beaucoup de reproches tout autour : sur les barrières dans le milieu, l’auto-publication, etc. Vous allez mériter vos succès, et il faudra admettre vos erreurs. Cette carrière est la vôtre. Certains facteurs externes peuvent se mettre en travers du chemin, mais c’est à vous de réagir. Arrêtez les reproches. Avancez la tête haute, avec la dignité d’un chien qui court enroulé dans une peau d’élan (what ? ). C’est quelque chose que j’ai fait faire à un chien, d’ailleurs. C’est…assez bizarre.

12. Arrêtez d'avoir honte
Les auteurs ont souvent honte de qui ils sont er de ce qu’ils font. Il y a d’autres gens dehors qui font la guerre et qui empoisonnent le pays à coups d’emprunts toxiques, alors que nous sommes là dans nos pyjamas, à écrire des histoires de vampires et de licornes, de cœurs brisés et de mâchoires fracassées. Bien souvent, ça ne nous attirera pas de respect particulier, mais vous savez quoi ? On s’en cale. Prenez le respect que vous méritez. Les conteurs aident à faire que le monde tourne. La création est importante. L’art aussi. Les histoires aussi. Buvez une bière et un verre de whisky, puis mettez votre honte dans un sac et brûlez-le.