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Re: La faiblesse morale du héros

Posté : mer. avr. 18, 2012 10:01 am
par Tristane Suzette
Koïnsky a écrit :@swald : Oui, Luke a des faiblesses psychologiques : naïf, inexpérimenté, obéissant... mais ce ne sont pas des faiblesses morales au sens où je le comprends. Les faiblesses morales, je comprends ça comme des défauts qui font que les personnages ne sont pas "tout blancs"
Pour moi, être obéissant rentre dans le cadre moral dans le sens où on peut respecter les ordres sans se poser de questions morales sur ses actes. Dès qu'on obéit sans réfléchir on n'est plus "tout blancs" :lol:
Oui je sais j'ai un problème avec l'autorité...

Re: La faiblesse morale du héros

Posté : mer. avr. 18, 2012 10:02 am
par Koïnsky
Swald a écrit :Est-ce une évolution des spectateurs, je l'ignore, mais je peux témoigner que mon fiston ne jure que par Dark Vador (ce n'est pas le déguisement de Luke qu'il a demandé).
Je demande, pour l'évolution des spectateurs, parce que les enfants sont peut-être devenus comme nous, plus attirés par les anti-héros.
Ca doit dépendre de l'âge, et peut-être aussi du sexe et du caractère de l'enfant.
Le tien est attiré par le côté obscur : tournée de nénuphou !

Pour l'évolution des mœurs, ça doit jouer aussi, je suppose. Les enfants sont habitués plus jeunes aux anti-héros (il me semble que les dessins animés comme Belle et Sébastien, ça ne se fait plus beaucoup de nos jours...)

Re: La faiblesse morale du héros

Posté : mer. avr. 18, 2012 10:13 am
par Elikya
Je rejoins Roanne. Luke était mon héros lorsque j'étais petite. C'est en grandissant que j'ai davantage apprécié le personnage de Han.

De façon générale, j'apprécie leur opposition et leur complémentarité et je me demande s'il est bon d'appliquer la recette de Truby à TOUS les personnages d'un roman. Certes, elle permet de donner de la profondeur à un personnage, de le rendre torturé et donc humain et attachant. Mais si tous les personnages principaux fonctionnent selon le même schéma, alors la ficelle risque de devenir énorme et lassante. Au contraire, je pense que l'intérêt c'est d'opposer des personnages radicalement différents, qui ne suivent pas la même evolution. Donc, ficelle à utiliser avec modération.

Re: La faiblesse morale du héros

Posté : mer. avr. 18, 2012 10:22 am
par Tristeplume
Koïnsky a écrit :@swald : Oui, Luke a des faiblesses psychologiques : naïf, inexpérimenté, obéissant... mais ce ne sont pas des faiblesses morales au sens où je le comprends. Les faiblesses morales, je comprends ça comme des défauts qui font que les personnages ne sont pas "tout blancs" : avarice, lâcheté, xénophobie (ça me rappelle American history X, tiens, un cas qui s'applique bien au sujet)
Il est aussi arrogant. Sous prétexte qu'il a un sabre et qu'il peut se recoiffer sans les mains, il croit qu'il peut mater Dark Vador.

Après, c'est bien pour ça que le terme de "morale" est embêtant parce qu'il prète à débat.
Est-ce que la naïveté ou l'inexpérience sont des excuses "morales" quand on fait une grosse boulette ?
Est-ce que l'obéissance est une excuse "morale" quand on va massacrer tout un village d'innocents sous prétexte que ce sont les ordres ?

Ce sont aussi des faiblesses condamnables dans le sens où elles peuvent engendrer des méfaits.
Mais ce ne sont, en effet, pas forcément des travers moraux, au sens commun de la morale.

Re: La faiblesse morale du héros

Posté : mer. avr. 18, 2012 10:27 am
par Celia
Je ne pense pas que l'adjectif "moral" soit lié à une quelconque moralité, ni qu'elle excuse quoique ce soit ^^
Je pense plus qu'elle lie la faiblesse proprement dite au système de pensée personnel du héros. Est-ce que, dans son propre schéma individuel, la naïveté l'empêche d'évoluer ? Est-ce que c'est ce point de sa personnalité qu'il va devoir dépasser pour évoluer et devenir un vrai héros ? Pour arriver au bout de son voyage ?
La faiblesse moral n'est pas une excuse, mais c'est un tremplin pour faire avancer le personnage, dans son ego propre.
A mon avis.

Re: La faiblesse morale du héros

Posté : mer. avr. 18, 2012 10:31 am
par Beorn
Swald a écrit :Est-ce une évolution des spectateurs, je l'ignore, mais je peux témoigner que mon fiston ne jure que par Dark Vador (ce n'est pas le déguisement de Luke qu'il a demandé).
Je demande, pour l'évolution des spectateurs, parce que les enfants sont peut-être devenus comme nous, plus attirés par les anti-héros.
C'est possible, j'ai un neveu qui a été tellement fasciné par Dark Vador que maintenant, quel que soit le jeu, il veut toujours "être le méchant" (ce qui m'inquiète un peu, à titre perso ^^).
Cependant, je crois que Dark Vador a fasciné très tôt les enfants et que ça se voit dans les ventes d'objets dérivés.

En tout cas, je trouve la remarque de Roanne très juste : je pense que le public jeune est quand même moins sensible au "moral need". On le voit avec les tout petits quand on leur raconte une anecdote de la grande Histoire. La première question, c'est "qui sont les gentils et les méchants ?" (question épineuse quand on parle de la première guerre mondiale, par exemple...).
Plus ils sont jeunes, plus ils se coulent dans les enjeux et les personnages "clairs", même si ce n'est qu'une tendance et que les enfants ne sont pas tous pareils.

Cela dit, je ne pense pas que le "moral need" fasse forcément un "anti-héros". Je reconnais que c'est évidemment une tendance (puisqu'il fait du mal à quelqu'un au début, de préférence un innocent), mais ce n'est pas forcément une personne mauvaise ou antipathique. Le mal qu'il commet, il peut ne pas en avoir conscience, ou le faire sans le vouloir.

EDIT : posts croisés avec Célia.

Re: La faiblesse morale du héros

Posté : mer. avr. 18, 2012 10:32 am
par Iluinar
Elikya a écrit :Mais si tous les personnages principaux fonctionnent selon le même schéma, alors la ficelle risque de devenir énorme et lassante.
Cette remarque me fait penser à la Roue du Temps et ses persos féminins. Au début, on se dit tiens, des femmes qui ont du caractère et ne sont pas que des potiches, c'est intéressant. Ce n'est pas si courant en fantasy.
Le problème, c'est quand après une bonne dizaine de tomes on se retrouve avec une bonne centaine de persos féminins tous construits sur le même schéma, on se dit juste que l'auteur doit avoir un sérieux problème psychologique avec la gent féminine ^^

Re: La faiblesse morale du héros

Posté : mer. avr. 18, 2012 10:37 am
par Koïnsky
S'il n'y a pas de notion de morale dans le concept, alors on en revient à la simple notion d'obstacle interne, que le protagoniste doit surmonter... c'est ce que vos derniers posts me donnent à penser, mais je m'y perds un peu.

Re: La faiblesse morale du héros

Posté : mer. avr. 18, 2012 10:38 am
par Celia
Si on reprend, encore, le personnage de Luke.
On a le schéma d'un gamin frustré et naïf. Un robot lui demande de le délivrer. Il le fait. Le robot s'enfuit. Le gamin se sentant coupable et n'ayant pas envie d'avouer son erreur à son oncle, se barre de bon matin pour tenter de réparer les pots cassés.
Par la suite, il découvre qu'en son absence son oncle et sa tante ont été massacré. Ce n'est pas, stricto sensu, sa faute. Mais dans la psychologie, basique, du personnage, il se sent coupable, coupable d'avoir été naïf et de ne pas avoir réfléchi et d'avoir abandonné sa famille pour un vulgaire robot, parce qu'il a voulu être un adulte.
C'est un poids qu'il porte et dans lequel les jeunes spectateurs, je pense, se retrouvent.
Alors que l'appat du gain, les factures après lesquels on court et l'envie de dézinguer son patron à coup de pistolaser, c'est plutôt une identification d'aulte, non ? ^^

Re: La faiblesse morale du héros

Posté : mer. avr. 18, 2012 10:41 am
par Tristeplume
Celia a écrit :Je ne pense pas que l'adjectif "moral" soit lié à une quelconque moralité, ni qu'elle excuse quoique ce soit ^^
Je pense plus qu'elle lie la faiblesse proprement dite au système de pensée personnel du héros. Est-ce que, dans son propre schéma individuel, la naïveté l'empêche d'évoluer ? Est-ce que c'est ce point de sa personnalité qu'il va devoir dépasser pour évoluer et devenir un vrai héros ? Pour arriver au bout de son voyage ?
La faiblesse moral n'est pas une excuse, mais c'est un tremplin pour faire avancer le personnage, dans son ego propre.
A mon avis.
Et ton avis est excellent je trouve.

Re: La faiblesse morale du héros

Posté : mer. avr. 18, 2012 10:42 am
par Beorn
Elikya a écrit :De façon générale, j'apprécie leur opposition et leur complémentarité et je me demande s'il est bon d'appliquer la recette de Truby à TOUS les personnages d'un roman. Certes, elle permet de donner de la profondeur à un personnage, de le rendre torturé et donc humain et attachant. Mais si tous les personnages principaux fonctionnent selon le même schéma, alors la ficelle risque de devenir énorme et lassante. Au contraire, je pense que l'intérêt c'est d'opposer des personnages radicalement différents, qui ne suivent pas la même evolution. Donc, ficelle à utiliser avec modération.
D'abord on n'est pas obligé de croire Truby. ^^
Ensuite, tous les personnages n'ont pas à être profond (il peut y avoir des myriades de personnages-figurant sans importance).
Enfin, même pour les personnages importants, on n'est pas du tout obligé de créer un moral need, même si on l'a fait pou le héros (d'après les posts échangés, il semble que Star Wars offre l'exemple de personnages qui n'en ont pas et qui mettent en valeur les autres).

Cependant, je m'élève assez vigoureusement contre la notion de "ficelle" dans le cas du moral need.
Bien sûr, évoqué schématiquement comme je l'ai fait dans mon premier post pour expliquer le concept, cela paraît simple, et même simpliste. Mais ça ne l'est pas du tout en réalité.
Entre connaître le concept et l'appliquer intelligemment, il y a un gouffre. Si l'auteur est malin et talentueux, on ne s'apercevra JAMAIS que ses personnages ont tous un "moral need". On ne verra aucun rapport entre eux, on ne verra ni la ficelle, ni la répétition, et il faudra vraiment que quelqu'un nous décortique l'histoire et nous la fasse lire dans ce sens bien précis pour qu'on se dise "ah oui, tiens."

Parce qu'il est évident qu'une fois trouvé un "moral need", on n'a encore rien fait. Un personnage, c'est beaucoup plus complexe et divers que ça (passé, famille, milieu social, pays, coutumes, désirs, liens avec les autres [surtout], apparence physique, compétences, rêve de jeunesse, etc.). Donc pour moi, la ficelle ne se voit que si l'auteur est mauvais, ou si le lecteur est lui-même un affreux auteur en train de dépiauter le scenario. ^^

Re: La faiblesse morale du héros

Posté : mer. avr. 18, 2012 10:50 am
par tigrette
En fait, Truby distingue le manque/faiblesse psychologique et le manque/faiblesse moral.

Le manque/faiblesse psychologique est ce qui pousse le personnage à agir de telle ou telle manière.
Le manque / faiblesse morale est un aspect négatif de la personnalité du personnage (qui explique son comportement aussi) que l'intrigue va réparer, (ou pas).

Je reprends mon Walter White de Breaking Bad :

Walter White va passer de prof de physique à parrain de la drogue (élément déclencheur, cancer, et besoin d'argent qui e découle):
- le manque psychologique, c'est la frustration accumulée depuis des années dans un travail mal payé, à essayer de joindre les deux bouts, méprisés de tous, alors qu'il possède un intellect brillant et qu'il a été évincé d'une start-up florissante par ses anciens compagnons de fac.
- le manque moral, c'est que le raisonnement logique de Walter ne tient pas vraiment compte de la frontière entre le bien et le mal, le cancer va débloquer un aspect très noir de sa personnalité qui sommeillait sous le vernis social. De (faux) mouton, il devient prédateur pour aider sa famille. Mais cette excuse ne va pas durer longtemps, car il aime sa nouvelle personnalité et il va faire beaucoup de mal autour de lui (les autres trafiquants, des victimes collatérales, sa propre famille).

Re: La faiblesse morale du héros

Posté : mer. avr. 18, 2012 10:52 am
par Tristeplume
Koïnsky a écrit :S'il n'y a pas de notion de morale dans le concept, alors on en revient à la simple notion d'obstacle interne, que le protagoniste doit surmonter... c'est ce que vos derniers posts me donnent à penser, mais je m'y perds un peu.
Ben c'est un peu ce que je pense, oui (mais c'est parce que je suis allergique au mot morale). Je parlerai bien de "contradiction interne" du perso.

Par exemple pour Luke, sa volonté de péter le saladier de Dark Vador contredit sa capacité réelle à y parvenir.

Re: La faiblesse morale du héros

Posté : mer. avr. 18, 2012 10:58 am
par desienne
Dans la mécanique de Walter White -qui au passage est prof de chimie-, il est plus qu'un mouton, c'est un individu soumis au début, soumis à sa femme (scène de son anniversaire), soumis à son patron (de la station de lavage), soumis à son train-train quotidien.
Si on enlève tous les à-côtés de la narrative : il ne reste qu'un homme soumis, humilié, que le cancer a libéré.
Bien sûr la maladie a fait plus que cela, mais c'est progressif, Walter n'est pas devenu mauvais du jour au lendemain, il voit d'abord la violence comme une solution à un problème mathématique (éliminer une variable). C'est ensuite qu'il se rend compte qu'il y prend une forme de plaisir (notamment quand il étouffe la petite amie de son pote dans son vomi).

EDIT : J'ajouterai que la maladie a fait de lui un homme : qui gagne de l'argent, qui assure protection à sa famille et élimine ses ennemis, et qui fait l'amour à sa femme.
Ce sont les trois poncifs de la réussite sociale made in america...

Re: La faiblesse morale du héros

Posté : mer. avr. 18, 2012 11:21 am
par Dawood
J'arrive un peu tard ! Des tas de choses ultra intéressantes ont été dites.
J'ai survolé l'essentiel du post et j'avoue me retrouver pas mal dans cette histoire de moral need, mais je suis d'accord avec vous, c'est quelque chose qui doit bien davantage parler aux adultes qu'aux enfants.
Les enfants veulent des modèles, et à un âge où on croit encore au bien, au mal, on se dirige vers les personnages bons, lisses, sans défauts. Les défauts des autres personnages nous renvoient plutôt aux petits camarades de classe avec qui on se chamaille qu'à l'idéal que l'on veut atteindre.
En grandissant, on apprend mieux la nature même de l'homme, on apprend à accepter les défauts dont on ne pourra jamais se défaire, et dès lors, nos idéaux changent, et nos héros aussi.
C'est très simplifié, mais je pense qu'il y a de ça.