Traduire le désespoir

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EtienneB
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Traduire le désespoir

Message par EtienneB »

A un moment de "face aux démons", mon roman de fantasy en cours d'écriture, Fronin, le personnage principal, se voit condamné.
Spoiler: montrer
En résumé, il est la victime d'une malédiction qui le condamne s'il ne fait pas une certaine action à un intervalle régulier. Et dans la situation où il se trouve, il ne peut pas accomplir cette action
.

Je manque cruellement de vocabulaire pour traduire l'abattement qui va être le sien. Il va passer par une phase de colère froide (ce n'est pas dans la nature du personnage de se mettre en colère d'une façon outrancière, à tout casser autour de luii) puis par le désespoir le plus noir au fur et à mesure où il se sent basculer dans la folie.

Sur ce dernier point, je manque désespérément de vocabulaire et d'expression.

Donc, si on vous parle de désespoir, de fin imminente, de situation injuste, que dites-vous ? Qu'est ce qui vous passe par la plume ?

Merci d'avance, les grenouilles !

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Celia
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Re: Traduire le désespoir

Message par Celia »

Je ne sais pas, j'arrive relativement facilement à écrire ce genre de choses (je ne dis pas que je le fais bien par contre)
Ceci dit, j'écoute énormément d'émissions radiophoniques (qui permettent d'écouter bien mieux que quand on regardé la télé, et qui ont aussi l'immense avantage d'entendre le "ton" de la voix) et j'avoue avoir toujours été très frappée (et donc peut-être influencée) par des témoignages de personnes "condamnées" : condamnés à mort (reportages sur la peine de mort aux Etats-Unis), grands malades, survivants de catastrophes naturelles (je me souviens très bien de cette petite fille qui s'était accrochée à une branche d'arbre après une très forte inondation et y a survécu des jours), survivants de la Shoah.
Il est très difficile de dire comment, avec quel vocabulaire et dans quel style, raconter ce genre de choses. Mais en les écoutant, je trouve que ça donne des pistes. Après je suis quelqu'un de très instinctif plus que théorique, donc je ne sais pas si cette façon de travailler te sera utile ou non.
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Macada
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Re: Traduire le désespoir

Message par Macada »

Sous le coup d'une émotion négative violente, le vocabulaire se simplifie (ex : on ne souffre pas atrocement, on a mal ), la structure des phrases aussi (phrases courtes, voire très courtes). On s'exprime souvent avec des interjections, des gros mots et dans la langue de notre enfance (par chez moi, l'émotion s'exprime en créole par exemple). En fait, on perd ses facultés intellectuelles et on régresse mentalement vers l'enfance. Voire, on ne peut même plus parler.
Souvent, pour les émotions négatives, on pratique spontanément la "distanciation" : on a l'impression que le malheur arrive à quelqu'un d'autre ("ce n'est pas à moi que cela arrive", "c'est impossible, pas moi !"), on se concentre sur des détails anecdotiques et/ou incongrus ("Tiens, j'avais jamais remarqué qu'il y avait une tache au plafond". "Tiens, j'aurais pas cru que "fendre le coeur" était plus qu'une façon de parler").

Plus globalement, quand on est en pleine émotion, l'intellect décroche : on n'est plus capable d'analyse ni de rationalité (notamment pas de raisonnement liant logiquement les faits les uns aux autres).

Perso, j'utilise tout ça au niveau du style et du contenu pour faire passer une émotion.
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EtienneB
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Re: Traduire le désespoir

Message par EtienneB »

Merci, Macada.

Pour le moment, j'en suis au passage : il me reste 3 ou 4 jours, peut-être 5. Que faire ?

Parchemin

Re: Traduire le désespoir

Message par Parchemin »

Éventuellement, tu peux ajouter des passages de dénie, aussi. Du genre "Non, cela ne peut pas m'arriver, pas à moi, quelque chose va se passer, ce n'est pas possible, je ne peux absolument pas mourir dans 5 jours, non non non". Ce qui débouche généralement sur des périodes de prostrations quand la bulle d'espoir fou éclate.
D'une façon générale, je pense que l'humeur de toute personne condamnée ainsi oscille de manière assez violente d'une heure à l'autre, voire d'une minute à l'autre et que son état d'esprit est à peu près aussi stable qu'une assiette de jelly pendant un tremblement de terre.
Oh, et il y a aussi, dans le genre du dénie, les "croyances idiotes", faute d'autre mot. Du genre "Tiens, des gouttes tombent de la tache au plafond, si 100 tombent au même endroit, quelqu'un viendra me sauver, c'est un signe" ou encore "Cette tache a une forme de coeur, c'est un signe". Comme le dit si bien Macada, quand quelque chose ne va pas, l'intellect décroche et on a tendance à se conduire comme un enfant et à se raccrocher à tout ce qu'on peut.

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Celia
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Re: Traduire le désespoir

Message par Celia »

Ah désolée, je n'avais pas compris que tu avais besoin de "trucs" pour bosser visiblement dans l'urgence. A ce compte-là, mes conseils ne doivent pas t'être d'une très grande utilité.
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Cendrefeu
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Re: Traduire le désespoir

Message par Cendrefeu »

Tu peux aussi traduire le désespoir par la souffrance physique, ou dans la manière de se comporter de ton personnage. Peut-être qu'il va adopter une attitude complètement passive, résignée, du fait qu'il accepte sa destinée à défaut d'autre chose. Ou alors, des accès de colère, pourquoi pas, etc... Traduire la souffrance morale par le comportement physique est un procédé que j'utilise régulièrement.
Ma dernière parution: Realm of Broken Faces, le dernier opus des Récits du Monde Mécanique :wow:

Et les précédents: Smog of Germania et Scents of Orient !

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EtienneB
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Re: Traduire le désespoir

Message par EtienneB »

Celia a écrit :Ah désolée, je n'avais pas compris que tu avais besoin de "trucs" pour bosser visiblement dans l'urgence. A ce compte-là, mes conseils ne doivent pas t'être d'une très grande utilité.
Pas de problème, Celia !
Et je ne suis pas dans "l'urgence". Butant sur ce point précis, je vous sollicite (en me disant que ce fil pourra servir à d'autres).Si je n'avais pas de réponses qui me conviennent (mais il y a déjà matière à travailler), je passerai à un autre chapitre.

Cendrefeu, Parchemin, :merci:

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alaric
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Re: Traduire le désespoir

Message par alaric »

Je te conseil d'aller jeter un petit coup d'oeil sur ce que dit Elisabeth Kubler-Ross sur la mort annoncé: http://fr.wikipedia.org/wiki/Elisabeth_K%C3%BCbler-Ross

pour faire court:

Déni: « Ce n'est pas possible, ils ont dû se tromper."
Colère: "Pourquoi moi et pas un autre ? Ce n'est pas juste !"
Marchandage: "Laissez-moi vivre pour voir mes enfants diplômés." "Je ferai ce que vous voudrez, faites-moi vivre quelques années de plus."
Dépression: « Je suis si triste, pourquoi se préoccuper de quoi que ce soit ?", "Je vais mourir... Et alors ?"
Acceptation: "Maintenant, je suis prêt, j'attends mon dernier souffle avec sérénité."

Acédie

Re: Traduire le désespoir

Message par Acédie »

Oui, les phases du deuil sont une bonne base pour montrer une progression sur des sentiments complexes, ayant trait au désespoir.

Le désespoir a été le fond de commerce de pas mal de mes textes (dont le roman que je pense retravailler :P), et j'ai exploré beaucoup de choses très différentes.

A mon avis, tout dépend du style que tu utilises pour le reste de l'histoire, et du caractère de ton personnage. Il n'y a pas deux manières d'être désespéré. Comme l'ont souligné d'autres personnes, certains sont dans le déni, d'autres dans la compensation etc. Ce que tu as l'air d'évoquer est une sorte de descente aux enfers. Dans la descente aux enfers, un motif le plus fréquent, c'est le côté sables mouvants : plus tu te débats, et plus tu t'enfonces. Plus tu essaies de t'en sortir, et plus l'impasse t'écrase. C'est éventuellement un procédé que tu peux utiliser pour ton personnage s'il est du genre, en temps normal, à lutter : tu peux développer toutes ses ultimes tentatives de lutte contre lui-même, contre le monde. Et accentuer les obstacles infranchissables que lui assènent le monde ou sa propre rationalité. Jusqu'à ce qu'il se trouve, en quelque sorte, piégé en lui-même.

Je ne sais pas quelle est l'étape d'après "où il se sent basculer dans la folie" mais c'est, au fond, l'étape la plus importante, car c'est peut-être elle qui conditionne tout le processus qui l'anticipe (va-t-il craquer ou pas, en fait ? S'il doit craquer, il faut le préparer, s'il se reprend, il faut aussi le préparer. Les dynamiques sont différentes. S'il doit craquer, le plus payant est de le montrer en pleine confiance, en ascension avant de le briser complètement, pour créer le choc. S'il doit se reprendre, le montrer lentement descendre au fond fond du gouffre pour lui donner une petite pichenette qui l'aide à remonter à la dernière minute, c'est payant. C'est beaucoup une affaire de dynamique et d'énergie.)

Après, le style : si tu utilises un style très introspectif ou si tu es plus dans l'action dans le reste du texte... détermine énormément le traitement du désespoir. Le style introspectif peut tendre vers la poésie – pour susciter le "magma" de la pensée ou au contraire le "néant" de la pensée du personnage déchiré par un dilemme impossible. Si tu es dans l'action dans le reste du texte, voire dans une focalisation externe, les choses ne pourront se traduire que par l'action, voire la réaction de ton personnage face à ce qui lui arrive – du plus anodin ou plus terrible. Tu peux jouer sur le "changement" par rapport à une routine que tu avais installée (dans telle situation, normalement, il se comporte comme ça ; or là, les choses sont bouleversées, donc il ne réagit plus pareil, il ne fait plus les mêmes choses, il ne parle plus de la même façon). Plus le désespoir est violent, plus tu peux jouer sur un changement radical du personnage dans sa façon d'être et d'agir.

Bon voilà, je baratine, mais le sujet m'intéresse beaucoup, je dois dire. :)

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Celia
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Re: Traduire le désespoir

Message par Celia »

D'après le résumé succinct d'EtienneB, je ne pense pas qu'il s'agisse d'une descente au enfers sans espoir. Après tout, son héros est soumis à une torture psychologique MAIS il peut y échapper s'il fait ceci ou cela. Il y a donc une possibilité de s'en sortir.
Sauf que là, il ne peut pas faire cette action. Les sentiments que je mettrai, personnellement, en avant iraient plutôt vers la colère : contre la malédiction et contre lui-même : car en faisant un choix (celui de rester là où il pouvait accomplir l'action), ou en faisant plus d'efforts (parce que c'est bien connu que quand on rate quelque chose, c'est qu'on aurait pu réussir et qu'on ne s'est pas donné vraiment à fond), il aurait pu échapper à cette condamnation.
C'est un sentiment encore plus complexe que l'impuissance devant laquelle on se trouve quand on a un canon de pistolet dans la bouche sans aucune possibilité d'agir sur son destin. Là, le héros a (même si ce n'est qu'une illusion) son destin entre les mains et il a échoué (encore une fois je ne parle pas en termes de possibilité physique, mais vraiment en me plaçant dans la t^te de quelqu'un qui se dit qu'il aurait pu, même si cette probabilité fantasmé n'existe pas dans la réalité)
Pour résumé de façon plus synthétique, je lui mettrai dans la bouche une discours du genre: "M****, mais pourquoi j'ai fait ça ?" et pas "oh non, pitié, épargnez-moi !" Sauf si ton personnage est un lâche qui rejette toutes les fautes sur les autres.
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Re: Traduire le désespoir

Message par Roanne »

Célia a une vision intéressante du phénomène. Ca peut aussi passer par une sensation d'injustice (vu qu'on lui demande de réaliser une action qu'il n'a pas les moyens de faire, dans les faits, il serait légitime qu'il trouve ça injuste ; après est-ce qu'il va se mettre en colère, s'apitoyer sur lui-même ou les deux à tour de rôle, à Etienne de voir).
Vous n'aimez pas Noël ? ça tombe bien, nous non plus ! Du coup, avec Chapardeuse, nous vous invitons sur Wattpad pour (re)découvrir le Noël cataclysmique de Claire et Chan.

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Re: Traduire le désespoir

Message par EtienneB »

Je vais plutôt rejoindre Celia sur son traitement du sujet. Fronin est un personnage complexe avec lequel j'aime bien surprendre mes lecteurs. Il va donc se révolter devant ce destin injuste (alors qu'il est d'un naturel très calme doublé d'une éducation de gentilhomme et de lettré, à laquelle il tient beaucoup et qu'il met souvent en avant) et devant sa propre inconscience (s'il s'est mis dans les ennuis, il en est en grande partie le seul responsable) mais j'ai besoin de montrer sa descente aux enfers.

Vous m'ouvrez tous des pistes intéressantes que je ne suivrai certes pas toutes, mais qui vont bien m'aider.

A tous, grand merci et une petite :tournee: !

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Stef-
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Re: Traduire le désespoir

Message par Stef- »

EtienneB a écrit :Je manque cruellement de vocabulaire pour traduire l'abattement qui va être le sien. Il va passer par une phase de colère froide (ce n'est pas dans la nature du personnage de se mettre en colère d'une façon outrancière, à tout casser autour de luii) puis par le désespoir le plus noir au fur et à mesure où il se sent basculer dans la folie.

Sur ce dernier point, je manque désespérément de vocabulaire et d'expression.

Donc, si on vous parle de désespoir, de fin imminente, de situation injuste, que dites-vous ? Qu'est ce qui vous passe par la plume ?

Merci d'avance, les grenouilles !
C'est sous-entendu dans les bonnes remarques plus haut, si tu es en pdv interne (3ème ou 1ère personne), il faut adapter le ton du récit à la fois à ton personnage et à l'état psychologique qu'il traverse.

Si tu es en pdv 3ème personne, faire des incursions à la 1ère personne (les interjections, exclamations suggérées de Macada, raccourcis dans le vocabulaire comme des phrases nominales -en tant qu'effet de style-...) peut être intéressant. A noter que souvent, ce type de phrases restent "à la 3ème personne" sans utiliser le "je". C'est fréquent dans les narrations actuelles de beaucoup de romans.

Quand au traitement et à la crédibilité des sentiments, comme de la situation, ce n'est pas simple. Immerge-toi dans ton perso, dans ses motivations profondes ? (pas trop non plus).

Tu dois appréhender les thèmes du dilemme et de la folie ? Moi cela me fait penser aussitôt à Hamlet. Bon Ophélie a une solution qui ne te convient sans doute pas pour traiter sa folie, elle se suicide, par contre les autres personnages explorent doutes et dilemmes.

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