Aux allergiques des manuels de construction du récit

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Garulfo
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Aux allergiques des manuels de construction du récit

Message par Garulfo »

Bonjour !

Dans le cadre d’un projet avec Christophe Lambert, j’ai une question pour les allergiques aux manuels de construction du récit (storytelling) : quelles sont vos réserves ou vos craintes ? Qu’est-ce qui vous rebute ? Votre allergie tient au contenu que vous y avez trouvé ou n’avez-vous jamais ouvert un de ces manuels parce que vous ne voyez pas en quoi cela peut vous aider ?

Petite question bonus : A ceux qui étaient réticents mais qui ne le sont plus, pouvez-vous me dire pourquoi ?

Merci beaucoup !

Note : je sais qu'un sujet est déjà dispo dans plume dans la palme à ce propos mais je voulais surtout m'adresser aux allergiques et méfiants, et j'avais peur qu'ils ne lisent pas le fil déjà existant :)
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Kira
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Re: Aux allergiques des manuels de construction du récit

Message par Kira »

Tu as raison, je n'avais pas mis les palmes sur l'autre sujet :oops:

Je t'ai déjà répondu sur FB, mais en gros :

Oui, j'ai déjà lu des livres sur la construction du récit (j'en ai même un en anglais sur les comics qui est vraiment très bien). Je les trouve très intéressants, surtout les exemples concrets. D'ailleurs j'avais adoré la conférence avec Christophe Lambert.

Mais je ne les utilise pas quand je construis mes récits. Je suis plus intuitive qu'architecturale et si j'essaie de faire rentrer ce qui me vient à l'esprit dans un schéma, ça me bloque (surtout les principes du genre "tel événement doit intervenir à tel moment du récit").

Maintenant, si j'analyse lesdits récits après coup, je me rends compte que bien souvent, ils rentrent quand même dans lesdits schémas. (Et j'aurais tendance à penser que c'est aussi le cas d'une partie des exemples analysés dans les livres en question, par exemple Stephen King, dans son livre sur l'écriture, explique que quand il commence une histoire, il ne sait pas où il va - il utilise l'exemple de l'archéologue qui découvre peu à peu un fossile).

Bref, pour reprendre tes questions:

Quelles sont vos réserves ou vos craintes ?
=> Réserve : il me semble qu'une partie de la théorie appartient à de la reconstruction a posteriori, qui ne relève pas de la volonté consciente de l'auteur (un peu comme les analyses de textes que l'on faisait au lycée)
Qu’est-ce qui vous rebute ?
=> La théorie pure. Il me faut des exemples concrets.
Votre allergie tient au contenu que vous y avez trouvé ou n’avez-vous jamais ouvert un de ces manuels parce que vous ne voyez pas en quoi cela peut vous aider ?
=> Je ne suis pas allergique à proprement parler, j'ai déjà ouvert ces manuels par curiosité, simplement ça ne correspond pas à ma façon d'écrire. Je comprends tout à fait que ça puisse aider d'autres auteurs qui ont un raisonnement plus structurel. La seule chose qui m'agacerait, éventuellement, ce sont les jugements du genre "cet auteur n'a pas respecté la structure en trois actes, son histoire ne vaut rien".

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Conteuse
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Re: Aux allergiques des manuels de construction du récit

Message par Conteuse »

Allergique, peut-être pas.
Mais méfiante sur le sujet, par expérience, certainement. Je tiens à dire que je ne mets nullement en doute la valeur des contenus de ces ouvrages, le plus souvent très riches et très pensés.
Seulement, dans mon cas, il me faut éviter de les lire avant de me mettre à écrire, au risque de me trouver complètement bridée dans mon élan, et de ne plus réussir à écrire. Car j'ai alors l'impression d'avoir une sorte de prof penchée sur mon épaule, qui lit et commente au fur et à mesure. Certains connaissent peut-être le phénomène : "Ah, oui, mais là, mais non, ça ne va pas parce que... " au lieu de se laisser porter par l'envie et les mots qui viennent.
Je crois que pour moi il est plus judicieux d'étudier ce genre d'ouvrage à distance d'une écriture, ou après, afin de parvenir sereinement à en tirer le plus utile sans se laisser freiner ou impressionner.
Quand on a écrit suffisament, on peut alors prendre le recul qu'il faut afin d'identifier ses défauts et de mesurer les avantages et les inconvénients d'appliquer les règles.
A mon sens, l'écriture, c'est avant tout très personnel, et si, comme pour toute activité sérieuse, il vaut mieux en connaître les règles, il faut surtout garder le plaisir d'écrire, le vivre avant de s'approprier les règles, quitte parfois à prendre le risque d'en ignorer ou d'en dépasser quelques-unes.
bêta-lectrice, auteur
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Milora
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Re: Aux allergiques des manuels de construction du récit

Message par Milora »

Garulfo a écrit : quelles sont vos réserves ou vos craintes ? Qu’est-ce qui vous rebute ? Votre allergie tient au contenu que vous y avez trouvé ou n’avez-vous jamais ouvert un de ces manuels parce que vous ne voyez pas en quoi cela peut vous aider ?
Je n'en ai jamais ouvert un mais j'ai lu des équivalents qui se trouvent sur le net et les résumés qui sont faits ici.

Je suis réticente à cause du sens de l'explication.
Je m'explique.
Je suis d'accord pour considérer qu'il y a des formes de règles en écriture (et en construction de récit : y a une nuance entre les deux mais pour la question que tu poses ici, c'est pareil). Mais ce ne sont pas des règles à appliquer : ce sont des règles générales que l'on a souvent observées dans des récits. Ça ne veut pas dire que c'est comme ça qu'IL FAUT faire : ça veut dire que beaucoup de textes ont fonctionné comme ça.
De ce fait, il me semble très profitable d'étudier la façon dont d'autres livres sont construits, de voir comment un récit s'articule, quels auteurs ont tenté - voire réussi - de contourner ces supposées règles, etc. Bref, d'observer la construction de récit. Soi-même, ou en passant par des gens qui ont fait l'analyse pour vous, des cours de lettres pourquoi pas, des ouvrages de critiques littéraires (pas "critiques" au sens de ceux qui disent "c'est bien" ou "c'est pas bien", critiques au sens des chercheurs en lettres. Genette, Barthes, tout ça, et sans doute plein d'autres moins connus que je ne connais pas). Et surtout, de ne pas les prendre pour des règles, mais de comprendre pourquoi c'est comme ça que, au final, le texte passe par telle ou telle étape.




Donc, là où j'ai un problème c'est avec l'approche inversée qu'il semble y avoir dans ces manuels. La notion de "je vous donne un mode d'emploi" (même si ça peut être nuancé par l'affirmation qu'il y a des exceptions). Pour plusieurs raisons :

- Déjà, la plupart du temps, on peut trouver en effet des exceptions aux "règles" édictées.

- Ensuite, pour ceux que j'ai vus (c'est à dire, c'est vrai, des résumés le plus souvent, comme je disais), ça décomposait le fonctionnement d'une histoire stéréotypée. Les récits qui sortent de l'ordinaire - soit très souvent ceux qui ont le plus de qualités - ne rentraient pas dans le schéma (alors ça dépend des cas et des "règles", bien sûr). Donc vouloir suivre ce modèle me donne l'impression de former bien souvent des récits eux aussi très normés

- Et puis, pour ceux que j'ai vus toujours, j'ai eu l'impression que ces "règles" définissaient un seul type de récit : les romans d'aventure. Si on essaie de les appliquer à une autre structure de livre, ça ne colle pas. Or, je trouve que la richesse des littératures de l'imaginaire c'est justement de pouvoir avoir plein de formes d'expression. Pas nécessairement celle d'un héros partant dans une quête (je caricature, la notion de quête peut être tout autre, mais c'est pour exprimer l'idée de façon synthétique). Donc là encore, il me semble que les fameuses normes qui sont présentées comme les règles du récit, sont celles d'un type de récit, très codifié.

- Enfin, j'ai beaucoup de mal avec la notion de mode d'emploi en écriture. Alors là j'ai cru comprendre que ce n'était pas le cas de tous les ouvrages de ce type. Mais le fait même qu'un livre vous dise : "pour écrire, il faut faire ceci, ceci et cela", ça me dérange. Je pense que les règles de fonctionnement d'un texte (envisagées comme je le disais au tout début, hein : pas sous forme de "il faut faire comme ça", mais sous forme de "le plus souvent, ça fonctionne comme ça, parce que blabla") doivent être intégrées par l'auteur, mais réutilisées de façon un peu inconsciente. Que si on se dit "je dois trouver un personnage d'adjuvant à tel endroit, il faut que je recentre l'action dans un espace clos à tel autre", ça risque de sonner très, très téléphoné à la lecture. Ou alors très standard, stéréotypé. Et que la mayonnaise prend quand l'auteur le fait presque sans s'en rendre compte. Qu'il soit capable, si on lui demande pourquoi son récit est comme ça, de comprendre quelle est la logique qui lui a fait placer telle péripétie, construire tel personnage. Mais que quand il le fait, il ne se dise pas que c'est pour obéir à telle instruction.
Je parle pas d'une inspiration magique et mystique, hein, pas du tout. Mais quand on joue du piano on ne se dit pas "je suis en train d'appuyer sur un fa parce qu'il faut monter d'un demi ton diatonique" (j'ai aucune notion de musique, je dis n'importe quoi :lol: ). On joue en sachant que pour produire tel effet, il a fallu appuyer entre autres sur cette touche. Si on vous le demande, vous pouvez répondre : oui c'était un fa. Quand quand vous jouez le morceau, le fait d'appuyer sur telles touches se fait tout seul pour servir le but (transmettre le morceau, la musique, l'émotion).
Idem en écriture. Je suis persuadée qu'il est profitable de réfléchir et de comprendre les systèmes de fonctionnement d'un texte (ou d'un récit quel qu'il soit). Mais pas de les appliquer tels quels. Même pas de les appliquer a posteriori en se demandant "mon texte comporte-t-il les étapes édictées par le manuel ?".

En gros, comme le dit Kira qui a posté entre temps et que je rejoins totalement (sauf sur la partie de gène face à la théorie pure : j'aime bien ce qui est théorique, moi :mrgreen: )
=> Réserve : il me semble qu'une partie de la théorie appartient à de la reconstruction a posteriori, qui ne relève pas de la volonté consciente de l'auteur (un peu comme les analyses de textes que l'on faisait au lycée)
Par-fai-te-ment d'accord :)

Donc ça me semble important de réfléchir dessus, de réfléchir sur ses lectures ou sur la littérature en général. Mais pas de chercher un mode d'emploi, même si "c'est plutôt une sorte de guide" comme disent les pirates de Jack Sparrow ^^


Bon, voilà un gros blabla, je sais que c'est juste un avis et en aucun cas je ne juge ceux qui s'appuient sur ces manuels. Après tout, chacun fonctionne de la façon qui lui va et il se peut que je prenne les choses à l'envers et que pour quelqu'un dont l'esprit fonctionne dans le sens inverse du mien, ces manuels soient au contraire très profitables ! :roll:
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takisys
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Re: Aux allergiques des manuels de construction du récit

Message par takisys »

J'ai déjà répndu sur facebook

Je suis ni contre ni pour, juste méfiante.
La plupart des recettes qu'ont trouve dans ces bouquins ne me paraissent pas mauvaises en elle-même. En revanche, en revanche je trouve qu'elle peuvent représenter un piège, un danger potentiel.

Les appliquer à la lettre risque d'enfermer le récit dans un carcan trop étroit pour certaines histoires. Il est nécessaire que l'auteur soit capable de prendre assez de recul pour sélectionner ce qui est applicable ou pas à l'histoire qu'il veut écrire, ce qui va la servir et ce qui va la dé-servir.

ça peut être un outil efficace, mais perso je préconiserais plutôt l'utilisation de tel manuel après un premier jet : quitte à devoir restructurer celui-ci complétement.

Ce que je crains par-dessus tout c'est qu'entre les mains d'un débutant ça bride son imagination. Il y a des très bons romans qui échappent complétement aux règles de scénarisation.

Perso quand un roman ou un film calque trop à ces règles, j'ai tendance à décrocher parce qu'au bout d'un moment, je ne vois plus que les ficelles.

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Vassago
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Re: Aux allergiques des manuels de construction du récit

Message par Vassago »

Mon ressenti rejoint celui de Kira : j’ai lu quelques manuels d’écriture, il y a plein de choses intéressantes dedans mais je n’ai jamais trouvé de livre qui puisse me servir de « mode d’emploi » pour écrire une bonne histoire. À mon sens, un bon bagage théorique permet dans le meilleur des cas d’établir une grille d’analyse sur le travail qu’on a déjà effectué.
Je ne suis donc pas allergique aux manuels mais je trouve qu’ils sont parfois surestimés. N’importe qui peut arriver à trouver ses propres méthodes avec un peu de bon sens en analysant les livres/films qui lui plaisent.
C’est vrai aussi que certains auteurs qui ont un univers foisonnant et beaucoup d’idées difficiles à hiérarchiser peuvent peut-être trouver dans les manuels des pistes pour structurer leurs récits.

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Lieko
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Re: Aux allergiques des manuels de construction du récit

Message par Lieko »

+10 avec le pavé de Milora.

Tout ce que je sais de ces "manuels", c'est ce que j'ai lu en parcourant les résumés qu'avait fait(s) Beorn de certains points l'année dernière sur ce même forum. De ce que je me souviens, je trouvais que la majorité des points/conseils/analyses n'étaient que l'expression un peu verbeuse de notions évidentes (genre, la faiblesse morale) ; et je n'étais pas d'accord avec le reste (les "règles" de construction, notamment).
Lourd est le parpaing de la réalité sur la tartelette aux fraises de nos illusions.

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Milora
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Re: Aux allergiques des manuels de construction du récit

Message par Milora »

vestrit a écrit :
Je dois dire aussi qu'au lycée j'étais un peu allergique au décorticage de texte, à l'analyse qui dit que tel procédé donne tel effet. J'avais envie de dire "et sinon, peut être que l'auteur a tout simplement pensé que cette phrase collait bien sans rentrer dans de tels détails". Du coup je suppose que j'étends cette allergie à ces ouvrages et au décorticage du processus créatif et de l'écriture d'un texte.
Juste, parce qu'on m'a bien fait rentrer ça dans le crâne en prépa et que ça reste gravé dans mon ciboulot ^^ : les exercices scolaires de décorticage d'un texte ne visent pas du tout à savoir ce que l'auteur a cherché à faire. Ça vise à décomposer les effets produits par le texte sur les lecteurs (entre autres). Mais pas de savoir l'intention de l'auteur.
Par ex dans La Chartreuse de Parme, Stendhal arrête pas d'appeler son protagoniste "notre héros". L'analyse de texte dit que ça crée une distance ironique par rapport au personnage. Stendhal avait écrit à l'époque qu'il mettait "notre héros" pour ne pas répéter sans arrêt "Fabrice". Mais le fait est que ça crée quand même une distance ironique, et que quand il marque "notre héros était fort peu héros en ce moment", c'est rigolo et ça se moque un peu de Fabrice. Même s'il a pas conçu sa narration dans cette optique ^^

Pour en revenir au sujet, je suis d'accord avec ce que vous dites quand vous expliquez que, un peu comme Stendhal dans mon exemple (trop classe : je vous compare à Stendhal, z'avez vu ça :mrgreen: ), même si l'analyse de l'effet produit est vraie, c'est pas avant d'écrire que l'auteur la fait, bien souvent...

+10 avec le pavé de Milora.
Désolée de vous asséner des posts kilométriques : je suis bavarde j'ai le plus grand mal à être synthétique :roll:
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Selsynn
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Re: Aux allergiques des manuels de construction du récit

Message par Selsynn »

Pour ma part, j'ai toujours été très hautaine avec l'écriture. J'ai été élevée comme ça. J'estimais que les autres n'avaient pas à m'expliquer comment je pouvais raconter des histoires. Puis après, plus insidieuse, il y a eu la peur de faire quelques chose de plat, en suivant les guides, que cela m'enlève la saveur d'une histoire.

Le plus gros soucis, je pense, c'est que je pense aux histoires par une association de scène, et que je me lançais à corps perdu dans l'écriture, pour arrêter très vite, une fois les bases de l'histoire posée, pour reprendre avec les bases mieux expliqués.

J'estime maintenant que je m'attache un peu trop à ce genre de bouquins. J'ai tendance à vouloir les collectionner, les comparer, vouloir en écrire, et pas forcément vouloir écrire. Donc oui, j'ai changé d'idées depuis quelques années (j'ai croisé la mare, entre autre choses qui font murir)

Pour en revenir aux questions, plutot que l'historique :

-> Quelles sont vos réserves ou vos craintes :
Clairement, c'est dénaturer un objet d'art en lui imposant une structure ou des outils qui ne lui conviennent pas. Un peu comme le fait qu'il y ait environ 250 structures de contes, et donc que si on essaye de tout faire avec une seule structure, on fonce droit sur un mur.
Et un jour, j'ai lu (de Beorn, si mes souvenirs sont bons) que ce n'était qu'une caisse à outils. On prenait ce qu'on voulait dedans, et ce qui s'appliquait à notre cas, au moment où on le prend;
Cette idée en poche, j'ai pu acheter un livre de technique narrative. Je l'ai trouvé tellement intéressant, que j'ai commencé une "collection" dont je ne lirais surement pas la totalité.

-> Qu’est-ce qui vous rebute ?
L'idée que ce soit quelqu'un de l'extérieur qui m'impose ses idées, sa manière de voir l'Art. Je suis comme déjà dit, quelqu'un d'assez orgueilleuse, et j'accepte très mal qu'on me dise comment faire ce que j'aime faire. (mais je me soigne, vous inquiétez pas).
J'aime écrire et j'ai utilisé cette activité à une époque (l'adolescence) où j'étais totalement réfractaire à l'enseignement de ce qui n'était pas scolaire.
(Je vous dit pas mon année de terminale avec une prof de philo bloquée dans sa petite conception coincée du monde... La première à faire des lois de généralités. Et j'étais la première à lui dire que cette loi était un ramassis de **** qui ne correspondait en rien au monde dans lequel je vivais...)
L'idée que quelqu'un puisse te dire, puisse te découper, puisse te charcuter un art me paraissait sacrilège (me parait toujours un peu, on casse le mythe quand on s'intéresse à comment c'est fait. Comme les effets spéciaux au cinémas. Je refuse les explications technique pour rêver quand je vois un film)

-> Votre allergie tient au contenu que vous y avez trouvé ou n’avez-vous jamais ouvert un de ces manuels parce que vous ne voyez pas en quoi cela peut vous aider ?
Ce n'est plus de l'allergie, mais au moment où ça l'était, je trouvais ça sacrilège de vouloir découper un roman ou une histoire, pour savoir comment ça tient debout.
Et en plus, je ne savais pas ce qui manquait dans mes histoires, mais ça, c'est simplement venu avec la maturation, et la prise de conscience de ce que je ne savais pas bien faire.

-> A ceux qui étaient réticents mais qui ne le sont plus, pouvez-vous me dire pourquoi ?
Je suis dans cette catégorie, et comme j'aime bien raconter ma vie, je vais en rajouter une couche.
J'ai commencé à écrire dans une période où je considérais que j'étais la meilleure (j'étais orgueilleuse, et je le suis toujours un peu, mais je sais le cacher)
Je me suis retrouvé confronté à des soucis technique. J'avais une idée de ce que je voulais faire, mais je ne savais pas du tout comment.

Et surtout, ce qui a été très très mauvais pour moi, c'est que je me suis rendue compte que ce que je lisais était mauvais.
J'ai toujours aimé comprendre pourquoi telle chose fonctionnait, tel jeu m'accrochait et tel autre jeu me laissait tellement indifférente. Tel thème dans une histoire m'accrochait et quel autre thème me faisait fuir.
Sans le savoir, sans ses mots là, je décortiquais comment ça me plaisait. Pourquoi.
Et je me suis aussi mise à décortiquer pourquoi certaines histoires étaient mauvaise. Jusqu'à ce moment, je lisais tout, tant que c'était écrit dans une langue que je comprenais.
Puis j'ai découvert que des histoires que j'avais adoré... était en fait simplissime, trop simple, trop fouillis, trop ... trop mal écrit, en fait.

Il m'a fallu deux ans, tout de même pour accepter l'idée que des histoires puissent être mauvaise, puis pour comprendre que ce n'est pas forcément l'histoire en elle-même, mais peut-être la technique autour, qui est mauvaise.
Je ne crois pas qu'on puisse dire qu'une idée puisse être mauvaise. Avant je ne regardais que l'idée. Maintenant, je sais regarder la façon de traiter l'idée, et surtout, j'ai compris que c'est surtout ça qui est important.

Pour moi, il s'agit d'un cycle organique. Au début, on ne voit pas, on a pas le regard aiguisé.
Puis on voit, on veut aller au fond des choses, on dévore les bouquins de théorie.
Après, je pense qu'on peut s'en passer... C'est intégré dans la façon de penser. On l'a digéré.

Il s'agit évidement aussi d'une manière très scolaire de voir l'écriture. Elle répond à des contraintes et des schémas plus ou moins répétitifs, plus ou moins différents. On peut rester à un niveau où on cherche à comprendre les différents exemplaires de schémas, ou alors aller dans la théorie et comprendre le méta-modèle.

Un dernier truc que je voudrais dire avant de laisser la parole à quelqu'un d'autre, c'est que je pense que cela dépend beaucoup du premier ouvrage de ce genre qu'on ouvre. Pour ma part, cela s'est fait avec Personnages et Point de vues, d'Orson Scott Card, qui est un auteur dont j'admire énormément les livres, et je suis certaines que cela a joué dans le coté "je comprends ce qu'il veut dire par là".
(Et aussi un peu de "si lui il le dit, ça doit pas être de la **** vu que j'aime beaucoup ses histoires") Ce qui n'empêche pas que j'adore la focalisation interne en première personne, et que dans ce livre c'est pas forcément bien vu, mais ça ne m'a pas empêcher de continuer à écrire à la première personne...
Ce sont des outils à notre disposition, c'est pas une science exacte, et encore moins une parole divine.


Edit : plein de monde a répondu. J'espère que mon intervention reste dans le sujet, je vais lire maintenant les interventions;
En tout cas, un sujet passionnant ^^
Au fait, j'ai oublié de demander mais c'est pour quoi comme projet ? Tu nous tiendras au courant ?
Selsynn
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Syven
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Re: Aux allergiques des manuels de construction du récit

Message par Syven »

Garulfo a écrit :Bonjour !
Dans le cadre d’un projet avec Christophe Lambert, j’ai une question pour les allergiques aux manuels de construction du récit (storytelling) : quelles sont vos réserves ou vos craintes ?
Je n'ai aucune réserve ou crainte. Je lis aussi régulièrement que possible ce genre d'ouvrage pour cultiver mes propres techniques. Ca rentre dans ma "culture générale", mais je ne m'en sers pas pour créer un texte en collant à une recette. Par contre, ils m'aident dans mon processus créatif à comprendre ce que je fais, voire à sortir de certaines ornières.
Qu’est-ce qui vous rebute ?
Ce qui me rebute parfois, c'est le côté tout ou rien que prennent les auteurs, façon: c'est comme ça que ça marche et pas autrement. Ou aussi, lorsque l'auteur du bouquin ne prend pas en compte que ses conseils s'appliquent à certains types de récit, mais pas à tous. Bref, je n'aime pas quand l'auteur manque de recul sur sa propre analyse.
Ah, et je déteste quand l'auteur, pour étayer une affirmation, détourne un exemple de sorte à le faire coller à son argumentaire.

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Kashiira
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Re: Aux allergiques des manuels de construction du récit

Message par Kashiira »

Avant j'écrivais à l'instinct, ce qui donnait des romans inachevés parce que je me retrouvais bloquée avec une quarantaine de personnages principaux éparpillés (mon MJ de mari appelle ça des électrons libres ^^). (autant dire que je me suis considérablement calmée, à ce niveau-là...)

Puis, j'ai lu les livres d'Orson Scott Card et ça a été un peu un déclic dans le sens où je m'y suis retrouvée. (D'ailleurs, c'est en réfléchissant aux "règles" de la magie dans Assombre que l'idée du Flux Universel et de la Malombre me sont venues).

Puis, cela faisait déjà un bon moment que j'étais bloquée dans Tueurs de Dragons (genre 4 ans humhum) et j'ai finalement décidé de tester la méthode flocon dessus. Je n'ai été qu'à l'étape 4 ou 5 et, encore, en tortillant la méthode à ma sauce mais ça a suffi à me débloquer.

Du coup, quand on m'a parlé du Truby, je l'ai acheté et j'ai commencé à le lire et à vouloir l'adapter. L'adaptation n'a pas fonctionné mais m'a permis de voir ce qui n'allait pas dans mon deuxième tome (qui du coup a implosé, paix à son âme).
Je suis toujours en train de lire le Truby (mais lentement) et entretemps, j'ai lu Ecriture de S. King.

Pour mon challenge actuel, j'ai commencé un squelette avec la méthode Flocon et je suis déjà en train d'en dévier.

Pour Tueurs de Dragons, j'avais un synospis de 4 pages mais qui n'est jamais resté figé. Il était divisé en 6 points (qui prenaient plus ou moins une demi pages chacun) mais je ne me gênait pas pour déplacer certaines scènes plus loin, ou commencer par la dernière ligne du point etc... Vu la longueur de la bête, j'avais besoin d'un pense-bête pour me rappeler tout ce à quoi j'avais pensé mais je ne me suis jamais sentie piégée par ce synopsis de travail qui en a vu des vertes et des pas mures.
Pour Face à la Marée (la suite) le syno n'a tenu que 30 pages du roman avant de faire boum. J'ai écrit le reste à l'instinct. C'est très jouissif aussi mais ça donne pas mal de boulot quand le point final est mis. J'ai enlevé des scènes, déplacé des passages voire des chapitres entiers, rajout de scènes prévues... Bref un beau chantier. Au moins avec le tome 1, à la fin de la rédaction tout restait en place... ^^;

Bon entre les 2 tomes je suis aussi passée de plus d'une dizaine de personnages de points de vue à 5-6 (peut-être un tout petit peu plus...) personnages de point de vue (j'ai pris les critiques en compte ^^; )

quelles sont vos réserves ou vos craintes ?

Pas vraiment de réserves. C'est utile mais pas systématiquement utilisable... Il faut en éprouver le besoin et l'utilité. C'est très utiles pour les auteurs qui ont besoin de millimétrer leur roman !

Qu’est-ce qui vous rebute ? Votre allergie tient au contenu que vous y avez trouvé ou n’avez-vous jamais ouvert un de ces manuels parce que vous ne voyez pas en quoi cela peut vous aider ?

Ça ne me rebute pas. J'ai d'ailleurs trouvé chaussure à mon pied pour certaines choses (comme la prémisse qui m'aide à partir sur le nœud de l'intrigue de ce que je veux raconter, notamment).
Mais toute la phase de construction, surtout celle des personnages ne me convient pas du tout. J'ai besoin de faire vivre un personnage sur le papier pour pouvoir le connaître et avoir son caractère et bien cerner son passé (sinon, je n'aurais sans doute jamais su à quel point le fait d'être un bâtard posait un tel problème à Corneille (Le Chant de la Malombre)...)

Petite question bonus : A ceux qui étaient réticents mais qui ne le sont plus, pouvez-vous me dire pourquoi ?

Je ne le suis pas. Je prends les méthodes comme elles sont : des boîtes à outils qui vont m'aider à appréhender et écrire mon roman... Je ne les utilise pas nécessairement mais je sais qu'elles sont là et n'attendent qu'à être utilisées. A la manière qui m'aidera le plus, tout simplement !

(j'espère que je ne suis pas hors sujet)
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macalys
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Re: Aux allergiques des manuels de construction du récit

Message par macalys »

Je réponds sans lire toutes les réponses au-dessus, j'irai voir après.
J'ai lu plusieurs livres de méthode : Points de vue et personnages de Card, Mes secrets d'écrivain d'Elizabeth George, Ecrire de King, et j'ai acheté (mais pas encore ouvert) le Lavandier et le Truby. J'ai aussi tenté et pas mal médité sur la méthode des flocons. Et enfin, j'ai assisté à la conférence de Christophe Lambert sur la construction du récit en trois actes.

De toutes ces approches, j'ai retenu une certaine impression de rigidité, comme si LE modèle présenté était applicable à tout (ce qu'essaient de nous démontrer ces auteurs à grand renfort d'exemples tirés de la littérature et du cinéma). Et à chaque fois cela m'a mis mal à l'aise. Elizabeth George fait des fiches des personnages trop détaillées pour moi qui prennent une grande importance dans sa préparation, elle s'impose une discipline qui ne me convient pas (je m'en impose une autre qui me va beaucoup mieux), King dit qu'il faut dégraisser un roman de 10 % au minimum au moment des corrections quand moi je dois faire le contraire parce que je vais trop à l'essentiel lors du premier jet, la méthode des flocons est tellement répétitive qu'elle me sort par les trous de nez, et enfin, la construction du récit en trois actes est extrêmement codifiée et semble laisser peu de marge de manoeuvre.
Bref, à chaque lecture, si j'ai pu piocher quelques astuces ou trucs, j'ai eu l'impression d'être à côté de la plaque pour le reste. En même temps ça m'effraie : est-ce que parce que je ne respecte pas ces guides à la lettre, je dois considérer que mes romans ne plairont pas autant que d'autres qui les respectent ?

Donc, en bref, les manuels m'effraient car ils érigent une espèce de doctrine de l'écriture que-si-tu-la-respectes-pas-tu-vas-te-planter-grave et en même temps, je pioche quand même dedans deux trois idées par-ci par là. Je les utilise comme des boîtes à outils toutes faites, où tu iras sûrement te servir du marteau et des clous, mais pas des boulons ni de la clé à mollette.
Ce que je préfère, c'est que des gens qui ont lu ces théories m'en parlent, comme ça on discute de telle ou telle idée, je le comprends à ma manière et j'essaie de l'intégrer.

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Nanaille
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Re: Aux allergiques des manuels de construction du récit

Message par Nanaille »

Je suis un peu perplexe personnellement par rapport à vos réactions. En gros, si sentiment de méfiance il y a, c'est toujours par rapport à la "peur" de ne pouvoir se détacher d'une méthode ou d'une technique de construction. Or, il me semble n'avoir jamais lu dans ce genre de bouquin des formules telles que "c'est comme ça et c'est pas autrement". Chaque auteur de manuel prend toujours la précaution de préciser qu'il s'agit d'une vision personnelle, qui a certes de la valeur car ils sont souvent reconnus dans leur milieu.
Après, cela tombe un peu sous le sens que chacun mettra en jeu son esprit critique pour prendre de la distance par rapport aux conseils prodigués.

On reste toujours dans la vision de la boite à outil : elle reste sous la main, mais personne nous oblige à garder le marteau dans la main gauche et une poignée de vis dans la main droite pendant toute la durée de l'écriture.
Ce que je crains par-dessus tout c'est qu'entre les mains d'un débutant ça bride son imagination. Il y a des très bons romans qui échappent complètement aux règles de scénarisation.
Je ne suis loin d'être d'accord avec ça. Je pense qu'au contraire, ce genre de manuel fait gagner un temps précieux quand on débute. Il existe effectivement de très bons romans de ce genre, mais il me semble qu'ils sont le plus souvent écrits par des auteurs ayant de la bouteille et beaucoup de recul par rapport aux constructions classiques. Etre autodidacte c'est très bien, avec de la persévérance et de l'autoanalyse efficace. Mais c'est long et coûteux.

L'écriture est un processus créatif comme un autre. Il me semble juste de considérer qu'il existe des règles générales de construction et de structure permettant de supporter la technique pure, et le tout produisant toujours une oeuvre fondamentalement personnelle.
On peut considérer effectivement qu'une recette peut être contre-productive, qu'elle menace l'oeuvre de devenir stéréotypée. En filigrane, on sent que la peur de produire une oeuvre pas assez individuelle fait naître cette méfiance.
Je trouve intéressant en tout cas de s'intéresser à la question. Pourquoi l'écriture est-elle un art qui ne s'enseigne pas en France ? Dans les pays anglo-saxons, apprendre à écrire une oeuvre (que ce soit de la poésie ou de la fiction) est un cursus universitaire. Toutes les autres formes d'art s'enseignent et s'apprennent grâce à des règles et des principes qui vont au-delà de la technique pure.
Composer un tableau, une photo, un morceau de musique, une chorégraphie, cela s'apprend.
Est-ce pour autant que l'on bride le processus créatif à cause de ça ? Est-ce que l'imagination aura plus de puissance et de portée si elle est pure, débridée?
En gros, c'est une question qui se rapporte au sujet de la lisibilité de l'oeuvre, et de sa portée communicative. On imagine qu'une oeuvre est d'autant plus facile à comprendre et à intégrer par quelqu'un d'extérieur que sa structure répond aux "classiques", à des chemins de pensées familiers et maints fois empruntés (d'où également le facteur "potentiel block buster"). Un lecteur vous suivra d'autant mieux qu'il a une vague idée d'où vous voulez l'emmener (même si le tracé du chemin lui est connu, vous n'êtes pas obligé de lui servir exactement le même paysage).
(Entre parenthèses et pour la petite histoire, la compréhension de la musique et le plaisir qu'elle apporte à l'auditeur est fondée sur le sentiment d'anticipation qu'elle parvient à construire. La musique et sa perception est culturo-dépendante, elle est le fruit d'un apprentissage fondée sur l'écoute répétée de schèmes et d'associations particulières qui ont été repris au fil des siècles dans des régions bien définies du monde : notre musique occidentale est extrêmement désagréable et dissonante à entendre pour certaines tribus isolées ne connaissant que la musique rythmique par exemple.)

Excusez mes dernières divagations, surtout qu'il me semble être complètement hors sujet :rha:
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CeGu
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Re: Aux allergiques des manuels de construction du récit

Message par CeGu »

Garulfo a écrit :J’ai une question pour les allergiques aux manuels de construction du récit (storytelling) : quelles sont vos réserves ou vos craintes ? Qu’est-ce qui vous rebute ? Votre allergie tient au contenu que vous y avez trouvé ou n’avez-vous jamais ouvert un de ces manuels parce que vous ne voyez pas en quoi cela peut vous aider ?
Je ne crois pas être "allergique" ; je trouve d'ailleurs le terme un peu étrange, j'ai l'impression qu'il sous-entend que ne pas utiliser ce type de livres serait en quelque sorte une anomalie… Enfin bon.
Je n'ai jamais ouvert aucun des manuels évoqués sur la mare, et je n'ai pas l'intention de le faire. En revanche j'ai fait des études de lettres, donc j'ai lu (je lis toujours, d'ailleurs) un certain nombre de bouquins critiques, ou des livres de théorie et réflexion sur la littérature ; ça me paraît tout autant formateur.
D'autre part, les quelques discussions que j'ai suivies sur le forum ou auxquelles j'ai pris part me laisse penser que la façon dont l'écriture est abordée dans ces manuels ne coïncide pas avec ma propre vision de la littérature / l'écriture. Bref, je ne crois pas que ces livres soient faits pour moi.

Et sinon, j'adhère totalement aux propos de Milora :lect:

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Milora
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Re: Aux allergiques des manuels de construction du récit

Message par Milora »

Nainaille a écrit :Je suis un peu perplexe personnellement par rapport à vos réactions. En gros, si sentiment de méfiance il y a, c'est toujours par rapport à la "peur" de ne pouvoir se détacher d'une méthode ou d'une technique de construction. Or, il me semble n'avoir jamais lu dans ce genre de bouquin des formules telles que "c'est comme ça et c'est pas autrement". Chaque auteur de manuel prend toujours la précaution de préciser qu'il s'agit d'une vision personnelle, qui a certes de la valeur car ils sont souvent reconnus dans leur milieu.
Après, cela tombe un peu sous le sens que chacun mettra en jeu son esprit critique pour prendre de la distance par rapport aux conseils prodigués.
Plusieurs des réponses à ce fil n'expliquent pas leur méfiance par cette crainte ;)
En plus, le fait que la manuel dise "c'est ma vision des choses" c'est un peu une précaution rhétorique vu l'objectif même du livre, je pense. ^^
Je trouve intéressant en tout cas de s'intéresser à la question. Pourquoi l'écriture est-elle un art qui ne s'enseigne pas en France ? Dans les pays anglo-saxons, apprendre à écrire une oeuvre (que ce soit de la poésie ou de la fiction) est un cursus universitaire. Toutes les autres formes d'art s'enseignent et s'apprennent grâce à des règles et des principes qui vont au-delà de la technique pure.
Composer un tableau, une photo, un morceau de musique, une chorégraphie, cela s'apprend.
Est-ce pour autant que l'on bride le processus créatif à cause de ça ? Est-ce que l'imagination aura plus de puissance et de portée si elle est pure, débridée?
J'ai envie de dire que :
- il me semble bien que dans les études d'art, de photographie, de musique, etc., ce qui s'enseigne c'est la méthode de base, la "grammaire" de tel ou tel type d'expression. Or en écriture, l'équivalent c'est d'écrire un bon français, de savoir s'exprimer, etc. Et ça s'enseigne aussi ^^
- pour le reste, si je ne m'abuse (je connais pas les cursus d'arts graphiques mais des amis ou connaissances l'ont suivi en musique), il s'agit de comprendre le fonctionnement des oeuvres, les mécanismes, etc. Et ça aussi, ça s'enseigne en France pour l'écriture. C'est ça qu'on voit dans un cursus de lettre ^^
- quant aux cursus qui professionnalisent la pratique de l'écriture, c'est là que mon opinion diverge : non, j'ai pas du tout envie que ça devienne un cursus comme c'est le cas aux Etats-Unis par exemple ^^ On peut apprendre à rédiger un article de presse, à monter une photographie à visée publicitaire ou journalistique, etc. etc. Mais enseigner une pratique artistique (je parle pas de la technique de base, mais vraiment de l'expression artistique), ça me semble antinomique ^^
Mais, me répondra-t-on, ces ouvrages et ces cursus donnent justement ça : la technique de base. Sauf que je crois pas que ce soit le cas... Si en musique on vous dit (je mets n'importe quoi) : il faut ajouter des violons à la composition pour produire un sentiment, c'est plus de la technique, c'est de l'orientation.
Ça me fait le même effet qu'on m'explique comment construire une histoire selon des normes. Sans côté l'aspect un peu facile du "j'ai fait un DU d'écrivain, dont je peux écrire des romans ; toi tu l'as pas fait donc tu peux pas", sans compter les problèmes que ce système pourrait induire ensuite pour accéder à l'édition, mais c'est une autre question ^^
Et puis même, tu sembles dire que ça devrait s'enseigner... mais la question est aussi de savoir comment ça "devrait" s'enseigner. A mon sens, c'est par l'exemple, il s'agit plus d'apprendre à analyser une histoire que d'apprendre une technique.

Mais si je me souviens ce débat avait déjà eu lieu dans le fil que citait Garulfo au tout début ^ ^ (et je crois aussi qu'on dévie du sujet initial :oops: )
Jour de pluie dans une cuisine (Le Mammouth éclairé)

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