[A] Varier ou ne pas varier son style ?

[Milora]

Pas une grande question existentielle sur l'écriture, mais juste une petite question de curiosité.

Est-ce que vous cherchez plutôt à développer un style qui vous est propre, ou à travailler plein de styles différents pour être capables d'écrire n'importe quoi ?

Je m'explique : je suppose qu'en plus d'écrire des histoires, vous avez une vague vision de ce que vous voudriez faire de votre "style" ? Comment dire... Vous avez une idée du résultat que vous voudriez obtenir avec telle ou telle histoire.

Et du coup, votre idéal pour votre propre style, je veux dire la capacité que vous aimeriez avoir dans le domaine de l'écriture, ce serait plutôt :
- développer un style qui vous soit propre et vous caractérise ? (ledit style pouvant tout à fait être le style "neutre" au service de l'histoire qui ne se remarque pas, hein.)
ou
- être capable d'écrire dans tous les styles - même s'il y en a que vous préférez utiliser ?

D'ailleurs, la question s'étend au-delà du style, formel, à proprement parler : on pourrait aussi la poser pour les genres d'histoires que vous aimez essayer d'écrire, et surtout aux registres (sérieux, humoristique, triste, léger, grave, etc.)


Je sais que depuis petite je me disais que mon idéal, ce serait d'arriver à écrire plein de choses différentes, plein de registres. J'avais l'impression que c'était ça, bien écrire : être capable de faire ce qu'on veut, et ensuite choisir ce qu'on préfère, pour tel ou tel but dans un texte.
Je ne pensais plus vraiment à cette idée (je devais avoir dans les 16 ans quand elle m'occupait), mais je me suis aperçue l'autre jour en discutant avec une amie qu'elle était toujours un peu là, cette idée. Parce que j'essaie souvent d'écrire des choses différentes, juste pour essayer, pour m'entraîner. Avec cette vague idée, en toile de fond, d'apprendre à varier.
Ça vaut aussi pour les registres.

Pour la question des genres d'histoires, là aussi j'aime bien varier, mais je crois que c'est moins dans l'optique d'essayer autre chose que parce que je m'ennuie, si je fais toujours pareil. En même temps, pour les nouvelles, le genre de l'histoire reste quand même beaucoup lié au registre (et là pour le registre, ça rejoint ce que je disais sur le style).

Bref, du coup, je me demandais si j'étais la seule à avoir cette façon de voir les choses, ou pas

(et j'adore toujours autant les nouvelles binettes du forum)

[Mariedelabas]

Je ne suis pas assez expérimentée pour parler de ça, mais je pense que les nouvelles m'aident à travailler des genres/registres différents. Du moins, j'essaie. De là à dire qu'un jour je serai capable d'écrire dans n'importe quel genre ou style... Je pense que c'est comme tout, ça se travaille. Par exemple en faisant du pastiche. Tu essaies d'écrire "à la manière de". Je ne me suis pas amusée à cela pour l'instant, mais je pense que c'est un exercice intéressant. Comme pour un peintre d'essayer de copier un grand maître. Même si on est moins bon, on apprend des trucs.

[Milora]

Ah ouais mais non, j'aime pas le pastiche En fait j'aime pas les exercices de style pour eux-même : je n'arrive pas à prendre plaisir à écrire une histoire si c'est pas, avant tout, pour raconter une histoire, quelque chose qui me tient à coeur et qui me correspond

En fait, quand je dis "pour m'entraîner", c'est pas dans le sens où je cherche à m'entraîner pour atteindre un certain niveau. C'est plutôt que j'aime écrire différentes histoires, et j'essaie plusieurs façons, pour voir ce que ça donne

Merci pour ta réponse !

[Ardawal]

Je pense que le style évolue tout au long de la vie, à force de lire et d'écrire, et au fur et à mesure qu'on prend de l'expérience.
Perso, j'écris depuis très longtemps et mon style a beaucoup changé depuis mes débuts. (Ceci dit j'avais 13 ans quand j'ai bouclé mon premier roman qui tenait à peu près la route - avec beaucoup d'imperfections, forcément... - même si aucun livre n'est parfait, bien sûr )
Pour le registre, je pense qu'on a plus de facilité dans un certain genre en fonction de sa personnalité, son vécu, sa culture, etc. Je ne crois pas qu'on puisse vraiment "bien écrire" un texte qui ne nous correspond pas (genre écrire de l'humour alors qu'on a vraiment pas le sens de l'humour...)
(mais bien sûr, comme pour le style proprement dit, les registres dans lesquels on se sent à l'aise peuvent éventuellement changer au fil du temps. Et je crois même que plus on gagne en expérience, plus on a de facilité à varier sa façon d'écrire. Selon moi, ça doit se faire naturellement.)

[Siana]

Je varie, mais pas pour "être capables d'écrire n'importe quoi", plutôt par expérimentation parce que j'ai envie de tester des trucs.
Mais je ne teste pas pour tester non plus. Si j'ai envie d'expérimenter, je recherche un résultat au delà du simple exercice de style, avec du sens.

Sinon, je pense que ça peut être bien de varier dans le sens où ça nous fait découvrir de nouvelles choses et de nouveaux angles d'approche de l'écriture. De manière générale, je pense que tout bon auteur qui se respecte n'aime pas écrire des histoire trop répétitives, dans le sens d'avoir l'impression d'écrire tout le temps la même chose. Il arrive un moment où, si l'on n'essaie pas autre chose, on commence à s'ennuyer.

[Milora]

Je varie, mais pas pour "être capables d'écrire n'importe quoi", plutôt par expérimentation parce que j'ai envie de tester des trucs.
Mais je ne teste pas pour tester non plus. Si j'ai envie d'expérimenter, je recherche un résultat au delà du simple exercice de style, avec du sens.

Oui, voilà, c'est dans ce sens-là aussi que je l'entendais

Merci pour vos réponses

[Celia]

Je ne varie plus. Du moins pas en style. Je pense avoir assez de bouteille maintenant pour ne plus avoir envie même d'expérimenter des trucs totalement différents. Le style évolue encore, mais c'est plus une question de maturité que d'évolution voulue.
Par contre je change de genre d'histoire tout le temps, parce que c'est beaucoup plus drôle que de rester toujours à faire de la SF, toujours de la fantasy, toujours ceci ou cela.

[Lieko]

J'ai passé une demi-heure à essayer de formuler quelque chose de cohérent, sans succès.
Pour résumer : j'aime tester un peu de tout et beaucoup de n'importe quoi, des phrases d'un paragraphe au registre simple/intimiste en passant par tous les intermédiaires de l'échelle. Juste pour le plaisir d'essayer.
Et je pense comme toi Milora, que style, genre et registre sont très fortement liés. Pas que pour les nouvelles, d'ailleurs.

Cela dit, le sujet m'intéresse. Est-ce que vous auriez des exemples d'auteurs qui ont employé avec succès différents styles (ou traité des registres diamétralement opposés) ? J'avoue qu'il y en a très peu qui me viennent à l'esprit, et je suis curieux de voir ce que ça peut donner.

[Milora]

Est-ce que vous auriez des exemples d'auteurs qui ont employé avec succès différents styles (ou traité des registres diamétralement opposés) ? J'avoue qu'il y en a très peu qui me viennent à l'esprit, et je suis curieux de voir ce que ça peut donner.

Il faudrait que j'y réfléchisse plus longuement... Comme ça, à brûle-pourpoint (<-- ça s'écrit bien comme ça ce truc ? ) je pense à des auteurs très, euh, disparates :
- Jonathan Stroud (entre les Bartiméus - humour, monde proche du nôtre, narrateurs multiples et personnage de Bartiméus facétieux et dans le second degré - et Les héros de la vallée - monde de fantasy, narration beaucoup moins axée humour, héros un peu taciturne - le style est vraiment différent)
- Victor Hugo, non ? (oui j'ai prévenu que c'était disparate Enfin entre Le Dernier jour d'un condamné et Notre Dame de Paris, j'ai pas l'impression que ce soit le même style...)
- Corneille ou Shakespeare (des tragédies, des comédies, des vers, de la prose, du sérieux, du féérique, du populaire...) [mais oui, je sais, pas sûr que Shakespeare ait tout écrit lui-même, j'avoue ^ ^ ]
- Paul Beorn ? J'ai lu seulement le premier chapitre des Derniers Parfaits, mais le style m'a semblé vraiment différent de La perle et l'enfant
- Je pense que Damasio ou Beauverger n'ont pas le même style dans tous leurs livres, si ? (enfin j'ai juste feuilleté Chromozone, mais ça m'avait l'air d'un style très différent du Déchronologue)
- Serge Brussolo, peut-être ? J'ai lu que les Peggy Sue, quand j'étais petite, mais une amie avait lu un de ses romans pour adultes et ça n'avait pas l'air d'être du tout le même style

+ les cas où l'auteur change temporairement de style au sein de son roman. Je pense au quatrième tome de Thursday Next (de Jasper Fforde) ou ça change soudain de narrateur, et le style n'est plus le même. (Je crois que le principe du 6ème est le même, mais hélas ce n'est pas encore traduit )

+ les auteurs qui écrivent pour adultes et pour la jeunesse. Est-ce que c'est pas un exercice différent au niveau du style ?

Je ne varie plus. Du moins pas en style. Je pense avoir assez de bouteille maintenant pour ne plus avoir envie même d'expérimenter des trucs totalement différents. Le style évolue encore, mais c'est plus une question de maturité que d'évolution voulue.
Par contre je change de genre d'histoire tout le temps, parce que c'est beaucoup plus drôle que de rester toujours à faire de la SF, toujours de la fantasy, toujours ceci ou cela.

Tu as peut-être raison, c'est peut-être juste une phase...
J'écris depuis toute petite et je reconnais un style qui est davantage "moi" que les autres, mais je suis pas encore sortie de cette envie d'essayer de raconter les histoires autrement à chaque fois. (Même si j'avoue que j'applique plutôt ça aux nouvelles, plus ou moins longues ; j'ai pas envie de me lancer dans un roman avec un style expérimental pour moi )
Rendez-vous dans 10 ans, je te dirai si c'était juste une phase pour moi

[blackwatch]

Ca dépend du narrateur et du point de vue que j'utilise pour ma part. J'avais fait un essai récent avec un narrateur à la première personne du présent et j'ai été surprise de voir que le style était assez différent de ce que j'écris d'habitude.
Sinon, je n'expérimente pas juste pour le plaisir, j'aime bien construire un cadre autour d'un texte. Imaginer le narrateur détermine aussi comment on va raconter cette histoire.

[Elfe d'Argent]

Personnellement je ne varie pas. Mes débuts ont été une histoire de pirates, puis un polar non fini. Aujourd'hui, je ne suis à l'aise que dans la Fantasy épique. Il y a aussi quelques poèmes 'pondus' de temps en temps. Enfin, quand je dis aujourd'hui... en réalité, depuis mon premier vrai roman achevé en 1997.

[Iluinar]

- Serge Brussolo, peut-être ? J'ai lu que les Peggy Sue, quand j'étais petite, mais une amie avait lu un de ses romans pour adultes et ça n'avait pas l'air d'être du tout le même style

Ça, c'est sûr. Je n'ai pas lu les Peggy Sue, je ne connais que les romans adultes de Brussolo mais, quand j'ai appris qu'il écrivait aussi pour les enfants, j'ai eu du mal à le croire !

[YeuxVerts]

J'ai un style que j'aime, avec plusieurs narrateurs et une histoire racontée assez vite. Mais ça ne m'a pas empêcher d'explorer un peu. Par exemple, dans mon premier roman, raconté par 3/4 narrateurs à la troisième personne et au passé, il y a un court passage d'une narratrice à la première personne, au futur. Le résultat est un peu curieux.

D'ailleurs, la question s'étend au-delà du style, formel, à proprement parler : on pourrait aussi la poser pour les genres d'histoires que vous aimez essayer d'écrire, et surtout aux registres (sérieux, humoristique, triste, léger, grave, etc.)

Je me sens plus à l'aise dans des histoires adultes de science-fiction, mais mon deuxième récit est une histoire de fantasy héroïque sans magie. Pourquoi ? Parce que l'idée me traînait dans la tête.

Bref, je teste ce qui m'inspire, ce qui me donne envie. L'écriture peut être une corvée parfois, alors il faut savoir ajouter des touches de plaisir.

[Helike]

D'ailleurs, la question s'étend au-delà du style, formel, à proprement parler : on pourrait aussi la poser pour les genres d'histoires que vous aimez essayer d'écrire, et surtout aux registres (sérieux, humoristique, triste, léger, grave, etc.)

Bref, je teste ce qui m'inspire, ce qui me donne envie. L'écriture peut être une corvée parfois, alors il faut savoir ajouter des touches de plaisir.

Je rejoins ta façon de penser, YeuxVerts. Mon style est pour moi un cadre rassurant qui me permet de m'évader de façon plaisante. Je suis très fantastique (enfin, le genre je veux dire ) et je me suis lancée dans le steampunk. Je crois que c'est le côté esthétique qui m'a interpelée. Mais comme une aiguille attirée par un aimant, je n'ai pas pu m'empêcher de rejoindre mes schémas d'histoire, mon environnement habituel. C'est très profond chez moi et je pense me raconter dans ce que j'écris, d'une manière ou d'une autre.
Quant au registre humoristique, je crois que c'est un véritable don... que je n'ai pas. J'envie les auteurs qui sont capables de faire naître ne serait-ce qu'un sourire, et je ne pense pas que cela se travaille. C'est inné.
Moi, je fais plutôt pleurer dans les chaumières...

[Beorn]

Je sais que depuis petite je me disais que mon idéal, ce serait d'arriver à écrire plein de choses différentes, plein de registres. J'avais l'impression que c'était ça, bien écrire : être capable de faire ce qu'on veut, et ensuite choisir ce qu'on préfère, pour tel ou tel but dans un texte.

Copine.
Oui, j'ai eu ce désir aussi : celui de la liberté magique en écriture.
Cette liberté qui permet de ne pas s'enfermer dans un genre, dans un style, dans un type d'histoire. D'ouvrir au maximum l'horizon devant soi.

Concrètement, j'ai toujours eu l'impression d'inventer un nouveau style à chaque histoire, même pas vraiment par choix, mais parce que c'est la "voix" de l'histoire, ou le "ton", je ne sais pas comment l'appeler.
C'est encore plus vrai en fantasy, je trouve, où il s'agit de créer un monde de toutes pièces avec des mots.
Comme dit Blacky, c'est aussi une nécessité quand le point de vue est celui d'un narrateur en particulier.

- Paul Beorn ? J'ai lu seulement le premier chapitre des Derniers Parfaits, mais le style m'a semblé vraiment différent de La perle et l'enfant

Effectivement, c'est différent.
Et mon prochain roman chez Castelmore sera encore autre chose.

Cependant, je pense que cela ne doit pas occulter totalement une certaine façon d'écrire. On trouve des points communs : des expressions, une sensibilité, une façon de raconter ou de présenter les choses, qui font aussi partie du style, à mon avis.
Plusieurs lecteurs l'ont dit que malgré le "ton" différent, on voyait toujours poindre des similitudes de style dans ce que j'écrivais.

En réalité, même si ça se voit plus chez certains que chez d'autres, je pense qu'on a quand même tous un style propre. Même si parfois, les points communs entre différents textes sont subtils.