[A] Le risque du Deus Ex Machina

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Topaze
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[A] Le risque du Deus Ex Machina

Message par Topaze »

Salut à tous !

Voilà, je viens avec un sujet qui me tarabuste depuis quelques temps.

Comment éviter le deus ex machina dans une intrigue bien programmée ?

Le problème peut être global, au niveau macroscopique (par exemple, pour la résolution de l'intrigue lorsque l'intrigue n'a pas été parfaitement programmée - aïe !) ou bien au niveau de granularité inférieur : par exemple, l'introduction d'un personnage précis.

Je bute aujourd'hui sur ce point : l'introduction d'un faux-allié (et par conséquent d'un adversaire...), programmé dans mon plan. Je me dis qu'il faut que ce soit naturel, pour que mon personnage ne se méfie pas, et surtout, pour que le lecteur ne se méfie pas. Mais je ne parviens pas à gommer les contours.

Vous, vous utilisez quoi, comme trucs, pour estomper vos ficelles ?

:mage:

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Stef-
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Re: Le risque du deus ex machina.

Message par Stef- »

Beaucoup d'ouvrages sur la dramaturgie traitent de cette question.

(Lavandier et Roth au moins, mais sûrement beaucoup d'autres auteurs d'ouvrages techniques sur le récit)
Ce qu'il m'a semblé en synthétiser, si je ne me trompe pas, c'est qu'en gros, il faut préparer le terrain, et si possible de manière subtile.

L'intervention d'un personnage ou d'un facteur qui sauve le héros d'une situation ne devrait pas sembler complètement imprévu ou arbitraire, car c'est cela qui donne l'effet au lecteur que l'auteur intervient pour réparer une faiblesse de son intrigue ?

Si le personnage ou l'élément qui intervient est présenté dans le début du récit (mais là aussi avec de bonnes raisons, il ne faudrait pas que cela apparaisse comme un élément artificiel de l'intrigue), le lecteur acceptera plus facilement par la suite l'intervention "divine". Il y a toute une palette de nuances là-dedans, souvent, pour que l'histoire soit fluide, à propos, il faut travailler les intrigues secondaires, celles qui amène la principale, avec le même soin de détail et de réalisme (même si elles ne font que quelques pages dans le roman.)
Sur ce dernier point réfère-toi à Ecriture de scénarios de Jean-Marie Roth ? Il présente comment une intrigue secondaire peut aider à crédibiliser l'intrigue principale, et cela rejoint la notion de Deus es Machina.

Quand au Deus es Machina abordé d'une façon plus générale, relativise aussi avec le fait que le pdv des lecteurs qui le bannissent est arbitraire lui aussi, mais admis par le plus grand nombre dans la littérature ou au cinéma etc. On veut que l'intrigue tienne la route et que l'auteur/scénariste n'use pas d'un artifice facile pour résoudre le climax final (si on caricature.)
Pourtant, bien que perçu maintenant comme un défaut scénaristique, le Deus es Machina était au départ un passage obligé dans la dramaturgie grecque (il était attendu, même, comme un des ingrédients indispensable), et toujours présent comme ingrédient nécessaire dans le cinéma indien "Bollywood"… Bref

Bonnes recherches !

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Yzabel
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Re: Le risque du deus ex machina.

Message par Yzabel »

Mes trucs pour estomper les ficelles... Heu... Bonne question. Je pense que de base, comme je n'écris jamais en point de vue "omniscient", je gomme d'office le problème du "mensonge au lecteur": il ne peut y avoir de mensonge, puisque l'histoire est vue du PDV des personnages, que ce soit en 1ère personne ou en 3ème personne (PDV limité). Par conséquent, le(s) narrateur(s) sont du genre auquel on ne peut faire totalement confiance (ils ne savent pas tout de ce qui se passe autour d'eux). Cela ne supprime pas le problème, et n'empêche pas que je doive éviter d'oublier des bouts d'intrigue en route, mais si je ne me rajoute pas la difficulté supplémentaire du "PDV du faux-allié en question", disons que cela fait une épine en moins dans le pied.

Si tu écris en PDV omniscient, c'est autre chose: là, le lecteur attendra effectivement des indices, et s'il ne les a pas, le retournement de veste du faux allié passera pour un deus ex machina, ou pour une tromperie (pas dans le bon sens) de la part de l'auteur.

Quelle est exactement la nature de ce faux allié? Son comportement? Ses habitudes? Donne-t-il (ou elle) l'impression d'être un pur gentil? Ou au contraire joue-t-il (elle) sur un comportement volontairement ambigu – une sorte de psychologie inversée, dans le genre: "Regarde, je ne suis pas parfait, j'ai certaines méthodes pas toujours très morales, mais je t'aide quand même, et si je fais un truc chelou de temps en temps, c'est pour t'aider. Alors que si j'étais parfait, gentil, tout beau tout propre, ce serait ça qui serait louche." Cela pourrait permettre de faire agir ce faux allié, de temps en temps, d'une manière en effet un peu bizarre. Comme tu auras préparé le terrain par des actions de ce type qui aidaient le héros, le lecteur se méfiera moins; inversement, lors du retournement de veste, le lecteur ne pourra pas dire que tu (l'auteur) a sorti un deux ex, puisque "finalement, on le voyait depuis le début, que ce perso faisait parfois des trucs bizarres: j'aurais dû m'en douter!"

J'espère que je suis assez claire. Là, comme ça, sans détails sur le personnage concerné, il est difficile de donner de vrais avis. Ce que j'ai marqué ci-dessus serait l'une de mes méthodes, en tous cas.
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Stef-
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Re: Le risque du deus ex machina.

Message par Stef- »

Hum… Pour moi la notion de pdv de narration est étrangère à ce problème. Un deus es machina, disons, mal amené et qui floue le lecteur en donnant une sensation de retournement trop facile, sera perçu comme tel quel que soit le pdv de narration employé. C'est surtout une question de déroulement d'intrigue.

Par contre, pour trouver des solutions, il faudra bien sûr les adapter aux outils de narration définis pour le roman (d'où le plaisir d'être écrivain et de se créer des problèmes à résoudre ! ^^)

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Yzabel
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Re: Le risque du deus ex machina.

Message par Yzabel »

Pas tellement pour moi, justement. Dans le cas du PDV omniscient, cacher le côté traître d'un perso (à moins qu'il ne s'agisse d'un amnésique, un traître qui s'ignore encore, ou quoi que ce soit du genre), constitue une tromperie vis-à-vis du lecteur: le narrateur omniscient est censé tout savoir... sauf *ça*, oh, tiens, comme par hasard, comme c'est étrange. En tous cas, c'est comme cela que je le percevrais en tant que lectrice, à me retrouver ainsi soudain face à un narrateur que je croyais digne de confiance, et puis en fait non. (Je précise que pour moi, le PDV totalement omniscient n'est PAS un PDV de "unreliable narrator".) Pour éviter que le retournement de veste arrive comme un cheveu sur la soupe ("et à ce moment-là, chose qu'il avait prévue depuis le début, mais que tout le monde ignorait, Machin plongea son couteau entre les côtes de Truc, révélant ainsi sa vraie nature"), il faut donc des indices. Or ce PDV ne favorise pas forcément la dissémination très discrète de petits indices; et si le lecteur ne les sent qu'un tout petit peu, il va aussi sentir que le narrateur dissimule quelque chose... ce qui peut, certes, servir l'auteur si le but de celui-ci était que le lecteur se méfie, mais annulera dans ce cas tout effet de surprise.

C'est pour cela qu'à mon avis, cela rentre tout de même en jeu. Après, bien sûr, tout dépend de tellement de facteurs: ce que recherche l'auteur, le type de personnage impliqué, la narration, l'intrigue elle-même, les différents points-clés du scénario... Là, en fait, je donnais surtout mon avis par rapport au post d'origine et à cette histoire de faux allié.

Je précise aussi que pour moi, le terme de "deus ex machina", sauf dans les genres aux contrats desquels il appartient, n'est pas une bonne chose, et constitue un élément mal amené, ou du moins par des ficelles tellement grosses qu'on pourrait y suspendre un camion. S'il est bien amené, je lui préfère le terme de "retournement de situation".
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Topaze
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Re: Le risque du deus ex machina.

Message par Topaze »

Merci pour vos interventions à tous les deux.

Ce que j'en tire à titre personnel :

Du côté de Stef :
Préparer le terrain. J'utilise moi-même (et peut-être même de trop) la technique dite du fusil de Tchekhov (ou techniques apparentées) qui promet souvent une bonne solution. (Cependant, dans mon cas présent, pour cette situation donnée, cela me parait difficile.)
Je note également l'usage de l'intrigue secondaire, qui va rejoindre le second point de mon propos.

Du côté d'Yzabel :
Je tire quelque chose qui ne constitue pourtant pas l'essentiel de la substance de ton propos.
Le déclic arrive avec cette série de question : "Quelle est exactement la nature de ce faux allié? Son comportement? Ses habitudes?"
De fait, je crois que la qualité de la description qui introduit le personnage peut aboutir à l'effet escompté, à savoir estomper les contours de l'introduction du faux allié. Je crois même que l'on peut aller plus loin, et rejoindre ce qu'évoque Stef avec "le plaisir d'être écrivain", ramenant tout problème au travail même de création :
La qualité de la description, le travail sur les aspérités fabriquent le réalisme. Lorsque toi, Yzabel, parle de point de vue, tu ramènes l'exercice de la description à une vision qui participe aussi à cet apport de réalisme. De même les intrigues secondaires évoquées par Stef.
AU FINAL, MON SUPER RESUME : (par Super Résumeur :sg: )
- PREPARER le terrain ;
- TRAVAILLER le réalisme de la scène, qui a (à mon sens) plus d'importance que la vraisemblance, et en tout cas y participe.
Merci les grenouilles. Bon sang ce que j'aime brainstormer ! Je me sens l'âme d'une sangsue qui vous pompe votre bon sens d'écrivain pour le faire mien. Je suis un parasite heureux. :dracula:

:merci2:

N'hésitez pas à continuer de partager vos points de vue, votre apport est inestimable :love:

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Stef-
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Re: Le risque du deus ex machina.

Message par Stef- »

Yzabel a écrit :Mes trucs pour estomper les ficelles... Heu... Bonne question. Je pense que de base, comme je n'écris jamais en point de vue "omniscient", je gomme d'office le problème du "mensonge au lecteur": il ne peut y avoir de mensonge, puisque l'histoire est vue du PDV des personnages, que ce soit en 1ère personne ou en 3ème personne (PDV limité). Par conséquent, le(s) narrateur(s) sont du genre auquel on ne peut faire totalement confiance (ils ne savent pas tout de ce qui se passe autour d'eux). Cela ne supprime pas le problème,
Exactement, même avec un ou une succession de pdv internes le lecteur peut sentir qu'il manque quelque chose ou que telle situation ne pourrait arriver ainsi sans plus d'explications, même si le ou les pdv de narrations sont bien fidèles aux personnages.

Amha, il s'agit de trouver une mise en oeuvre qui permette de concilier les deux. Même dans un roman comme Hunger Games, pourtant "mono" pdv et de plus à la 1ère personne, l'auteur parvient à jouer d'ironie dramatique et nous transmettre certaines infos dont le personnage de pdv n'a pas conscience. Et ces éléments sont, à mon sens, très importants pour l'équilibre du récit.
Yzabel a écrit :Si tu écris en PDV omniscient, c'est autre chose: là, le lecteur attendra effectivement des indices, et s'il ne les a pas, le retournement de veste du faux allié passera pour un deus ex machina, ou pour une tromperie (pas dans le bon sens) de la part de l'auteur.
Idem là je crois qu'on mélange deux notions différentes, manier un pdv omniscient, ce n'est pas forcément "tout" dire, je pense vraiment que ce n'est pas la meilleure manière d'aborder l'usage de ce pdv de narration. Il s'agirait plutôt de trouver un ton de narrateur qui sonne juste, avec sa voix propre, et en même temps suffisamment effacé (combien de lecteurs "croient" lire du pdv interne quand souvent il s'agit de pdv omniscient bien utilisé ?) pour donner la part belle aux héros.

Donc il n'y a pas d'obligation de tout révéler, mais plutôt, ce serait dans l'idée de révéler ce que sait le narrateur, la façon dont il veut mettre le lecteur dans la confidence.
Car quel que soit le pdv employé, si on révèle "tout", c'est rarement bon pour le déroulement de l'intrigue...

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