[A] Le héros qui tue

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Sylmar
Batracien
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[A] Le héros qui tue

Message par Sylmar »

Ca vous inspire quoi ?
Je pense au "héros" ou "personnage" qui fracasse...des crânes.

Des exemples où les personnages sont des tueurs, des habitués (Gagner la Guerre, pour citer je crois, la seule référence dont je dispose), il y en a...la chose y est facilitée.
Mais si le personnage est une personne "normale" dans ses grandes lignes (vous allez explorer autre chose chez lui), comment placer la mort dans son quotidien ? Je pense à ces personnages qui se battent, dont on s'évertue à définir une psychologie. Puis voilà qu'on les fait tuer. Qu'ils se soient défendus, qu'ils aient attaqué, sauvé une vie en échange, voire défait le méchant...qu'est-ce qu'il va se passer ? A quel point en tenir compte ?
A mille différents degrés, et de mille façons différentes peut-être, et on aurait raison de le dire comme ça. Est-ce une facilité que de reléguer systématiquement la question de "tuer" ? Créerait-on un personnage qui ne tuerait pas, dans le cas extrême opposé ?

Tout est possible évidemment, dans l'idée. Mais j'aimerais savoir comment vous avez (ou pas) bûté là dessus en écrivant une telle scène. J'aimerais savoir si un point de non retour est atteint, pour un personnage qui tue.

Si vous pensez que la question de "tuer" est directement liée, dans mon esprit, au fait que j'utilise plus le terme "héros" que personnage, vous pouvez aussi le faire remarquer... :)
Avale, me disais-je...
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Ereneril
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Re: Le héros qui tue

Message par Ereneril »

C'est effectivement un point très important.

Basculer dans le camp de ceux qui ont tué, ça doit être sacrément traumatisant (surtout dans nos sociétés contemporaines).

Ensuite il y a la façon dont on tue et le pourquoi. L'impact psychologique est différent.

Il m'est arrivé 2 ou 3 fois de décrire ce genre de scène et autant les scènes elles-mêmes sont venues assez naturellement, autant je ne suis pas certain d'avoir fait perdurer un impact sur les comportements à long terme de mes personnages.

Ainsi lorsque Anastase combat dans une bataille et se contente de tirer à l'arc du haut de rempart, il n'y a pas d'impact. C'est la guerre et il faut faire avec. Par contre, il finit par poignarder de sang-froid un adversaire désarmé. Il en ressort choqué, vomissant de dégoût de son acte peu après. Cet acte le fait basculer de la candeur (le bien triomphe par lui-même) dans le réalisme (il faut se donner les moyens de ses ambitions et le prix est parfois cher). Est-ce réussi dans la personnalisation du héros ? C'est une bonne question...
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Deidril
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Re: Le héros qui tue

Message par Deidril »

L'action de tuer n'est pas anodine. Je ne pense pas qu'un jeune érudit de 15 ans qui, même s'il est le héro de la prophétie qui va défaire l'armée des ténèbres et du fisc à lui tout seul, enjambera son premier cadavre comme s'il changeait de chaussette.

Je pense qu'il y a plusieurs manières de franchir le pas pour un personnage qui n'est pas, à l'origine, un guerrier ou un aventurier. Par contre, une manière dont je suis sûr que je ne l'utiliserai jamais, c'est la dramatico réaliste : "Oh mon dieu, j'ai du sang sur les mains. Je l'ai tué!!!"

Car après tout, dans la plupart des univers, la mort s'inscrit dans une cosmologie qui, à la différence du monde réel, intègre de façon certaine la mort. C'est à dire qu'un homme qui meurt va laisser son corps et s'envoler spirituellement vers le gardien des âmes qui le jugera sur une balance toussa ... La mort n'est en rien une fin absolue dans le genre que l'on écrit. Elle est donc beaucoup moins dramatique que dans la vie réelle. Un mec mort retourne à son dieu pour une réincarnation suivante. Une sorte de 'play again' quoi...

De plus, dans la fantasy, le combat est une fin en soit. C'est à dire qu'être un guerrier c'est un mode de vie. Tuer est une mode de vie, voire un métier. Et les gens normaux, qui même s'ils ne sont pas de ce genre là, connaissent tout de même cette vie là, par les bardes, les histoires, les légendes. S'ils sont amenés à tuer, pourquoi cela serait-il horrible pour eux alors que cela fut glorieux pour Ronald le Paladin !

Je me souviens, même si je l'ai lu il ya 10 ans, du premier combat de Garion dans la Belgariade. Alors qu'il allait tuer son premier ennemi, quelqu'un intervient et le termine. Garion se retourne et l'engueule : Eh ! C'était le mien !

Ajout:

Voici un exemple de comment je l'ai traité :

Dans les Larmes du Spectre, le traumatisme du premier tué est effacé par la motivation du personnage:

Un jeune noble brisé cherchera à se venger et éliminera sans état d'ame l'homme qui vient de tuer sa femme. Suite à cela, ceux qui traverseront sa route mourront. Il marchera sur les cadavres avec une telle indiférence pour le mort, avec une telle haine en lui, que le traumatisme sera plutot inverse : ou est le suivant ...

une jeune magicienne est écoeurée par les exactions de ses ennemis: Au lieu de faire son introspection après la mort de celui-ci, elle fera son procès avant: "il est hors de question de te laisser en vie parce que ..." .
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Celia
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Re: Le héros qui tue

Message par Celia »

Je suis relativement d'accord avec le post de Deirdril. Par contre, quand on se tourne vers le fantastique contemporain ou la fantasy urbaine, on change de plan. Elevé dans un univers où la mort est combattue (par les recherches scientifiques), évitée (des mondes pacifiés donc peu de combats), ignorée (moins de spiritualité, la mort réduite à quelque chose de physique et naturel), etc. un personnage lambda qui se retrouve à tuer quelqu'un en aura toujours de graves séquelles et se retrouver complètement hors du monde : il n'y a qu'à lire les témoignages ou les études sur les gamins revenus des tranchées de 14-18 ou de la guerre de Vietnam, pour citer les deux cas historiques les plus connus.
En SF on touche encore un autre plan : la mort est lointaine et froide, surtout dans le cas du space opera. La guerre peut être faite par des robots, les robots peuvent être ceux qui sont le plus menacés par des morts brutales, on se tue par vaisseaux interposés, on ne voit pas les morts, etc. Du coup, quand le héros lambda se retrouve littéralement avec du sang sur les mains, là aussi le choc peut être énorme, comme une venue non bienvenue de la chair et de la abrbarie dans un monde complètement virtualisé.
Et effectivement, dans ces deux genres de cas, il y a une multitudes de variations, de contre-exemples, de manière autre de faire. Comme d'habitude on démontre un truc et on se retrouve avec le contraire ! :mrgreen:

Dans mon cas personnel, dans Les Chasseurs, mon jeune héros doit faire une décision cruciale entre tirer sur un monstre dont il sait qu'il est immortel et tirer sur sa soeur pour la sauver de souffrances plus grandes. Résultat il devient asocial, psychotique, incapable de mener une relation sur le long terme, etc, etc. Par contre, il continue de tuer (jusqu'au jour où il recrée ce trauma, et là quelque chose explose dans sa tête)
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anonymedeux

Re: Le héros qui tue

Message par anonymedeux »

Tout est question d'éducation et de perception.

UN enfant élevé dans une société proscrivant le fait de tuer se sentira mal s'il tue.
Un enfant élevé dans une société où tuer est culturel n'aura aucun souci à tuer.

Entre ces deux enfants, le fait de tuer pour la première fois entraînera des réactions différentes :

- l'horreur et le dégoût de soi pour le premier (à moins que cela ne lui plaise, mais là, il devient un pervers).
- Le triomphe et la joie d'être un homme pour le second.

Ensuite, selon l'univers, le rapport à la mort ne sera pas le même comme le dit Célia :

- Derrière un ordinateur, un homme ne voit pas les morts qu'il entraîne, juste des chiffres et des objectifs.
- Un gars qui tue au corps à corps sera traumatisé (lis l'excellent J'ai tué de Blaise Cendrars qui raconte comment il a tué un Allemand pendant la Première Guerre mondiale, conflit dont il reviendra manchot).

Voilà ma petite contribution.

Bisous !

Daerel.

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Sylmar
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Re: Le héros qui tue

Message par Sylmar »

Deidril a écrit :
Car après tout, dans la plupart des univers, la mort s'inscrit dans une cosmologie qui, à la différence du monde réel, intègre de façon certaine la mort. C'est à dire qu'un homme qui meurt va laisser son corps et s'envoler spirituellement vers le gardien des âmes qui le jugera sur une balance toussa ... La mort n'est en rien une fin absolue dans le genre que l'on écrit. Elle est donc beaucoup moins dramatique que dans la vie réelle.

De plus, dans la fantasy, le combat est une fin en soit. C'est à dire qu'être un guerrier c'est un mode de vie. Tuer est une mode de vie, voire un métier. Et les gens normaux, qui même s'ils ne sont pas de ce genre là, connaissent tout de même cette vie là, par les bardes, les histoires, les légendes. S'ils sont amenés à tuer, pourquoi cela serait-il horrible pour eux alors que cela fut glorieux pour Ronald le Paladin !
Eh oui, je sais bien. Mais doit-on penser (*mode schtroumpf à lunettes*) qu'il faut rester dans ce cadre ? Certes, ceux qui choisissent de parler d'autre chose, et qui n'en feront pas grand cas, et bien ceux là se préoccupent moins de la question, d'accord. Mais est-ce qu'il faut vraiment, et doit-on, oui, encore, :) éluder la question parce que la cosmologie fait que ... ?
J'ai choisi zéro cosmologie justement. (voilà pourquoi j'insiste autant, comme si mon cas était une règle générale !!)

Je suis plus nuancé sur la deuxième partie quotée, dans le sens où, ne voulant pas "faire fantasy", je me suis pourtant rendu compte que la question du "tuer" se posait ; ce qui était déjà admettre que je comptais en fait, un peu, "faire fantasy" ;) . Si j'avais d'emblée pensé que la mort était très complexe à traiter, et qu'elle ne pouvait se passer du "traitement adéquat", je n'aurais peut-être pas posté... mais il fallait que je l'écrive pour m'en rendre compte, 'marrant ça.

Ereneril : tes exemples parlent bien, le coup de la flèche décochée d'en haut d'une muraille de 50 mètres de haut, et le coup de poignard... on est en plein dedans. Il y a des nuances qu'on explore, quand on est en mesure de les faire sentir. On est rattrapé par certaines situations qui nous commandent une explication, et d'ailleurs, on est ravi de les donner. Mais comme tu te demandes si c'est réussi niveau caractérisation "durable", je me demande un peu pareillement peut-être, si les personnages créés dans un cadre "fantasy" et agissant "fantasy" (tuer, par exemple !! ^^ ), ne sont justement pas une plaie pour la caractérisation.

Bon, dans mes questions, j'ai la sensation qu'il y a beaucoup d'idéal...


Daerel : très juste. Quand on parle "culturel", je comprends mieux que fantasy, parce que ça me rattache au réél et donc à ce qui est possible en fantasy ( peut-être que je tiens pas le raisonnement par le bout, mais si je peux lire de la fantasy comme Elric sans aucun mais alors aucun souci, je ne sais pas si je peux l'écrire...)

Celia : très vrai aussi dans le cadre SF space opéra. C'est le gigantisme des mondes qui peut aussi faire tourner la tête, et propulser la mort comme une donnée d'un autre style.


Pour tout ce qui touche au traumatisme, j'y pensais aussi avec Mailer dans "Un rêve américain", où le type devient dingue parce qu'il a tué pendant la guerre, et qu'il a été plus rapide que son assaillant...
Avale, me disais-je...
Allez...avale !

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Celia
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Re: Le héros qui tue

Message par Celia »

Là j'amènerai juste une petite précision.

D'abord dans une société où la mort est très présente et l'acte de tuer "normalisé", l'acte en lui même n'est pas systématiquement apprécié par le personnage. A moins de vivre dans un monde complètement barbare où tous les personnages se ressemblent, ce qui est rarement le cas. Les sensibilités ne sont pas les mêmes d'une personne à l'autre, même quand elles ont la même éducation générale. Attention je ne me limite pas, par exemple, au jouvenceau qui a appris la poésie avant de manier une épée, mais également au guerrier aguerri qui en a ras-le-bol de toute cette fumisterie (un sujet ô combien peu original selon moi ^o^)

De plus dans une société plus "moderne", effectivement la mort est toujours plus difficile, mais quand un homme ressent une joie ou un accomplissement à tuer, ce n'est pas juste de la perversité : il y a derrière tout un umbriglio de raisons psychologiques, familiales, sociales peut-être, de traumas infantiles et autres qui expliquent cela (et je pense, y compris quand on parle d'un soldat de métier bossant dans l'infanterie ou les milices). Où l'on en revient au sujet de ce fil : il faut toujours avoir bien construit et bien connaître son personnage avant de lui prêter une perversité telle.

Je répondais à Daerel.
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anonymetrois

Re: Le héros qui tue

Message par anonymetrois »

Moi, j'aimerais rappeler un contexte très différent du nôtre : médiéval. Ou du moins, parce que je vais tirer mes exemples d'une période assez large, pré-industriel.

La mortalité infantile est élevé. Un Jean-Jacques Rousseau déclare ( et c'est au 18ème siècle) : "La moitié des enfants meurent avant leur huitième année ; c'est la loi de la nature ; pourquoi la contrarier ?" (de mémoire, et cette citation m'a beaucoup marqué). D'ailleurs, le fameux choix "doit-on sauver la mère ou l'enfant ?" qui est posé à certains maris dans des fictions jusqu'aux 20ème siècle n'est que réaliste.

Les maladies sont bien plus fatales. La peste noire emporte la moitié de la population française (chiffre fantaisiste, je sais). La médecine "professionnelle" est crainte plutôt que recherchée.

Les guerres sont proches, concrètes. Ce sont les soldats qui pillent et violent leur propre pays (vivre sur le pays), les brigands qui profitent de l'anarchie occasionnelle (d'ailleurs, bandits ou soldats en maraude, ça ne fait pas une grande différence...). La vie est bon marché.

La faim tue également. Et les affamés peuvent devenir insensibles à la morale.

Les animaux sauvages représentent encore un risque réel. Les loups envahissent les villages en hiver. On n'entre pas dans une forêt, seul, par loisir (et puis, les brigands aussi).

Les paysans savent tous tuer, ne serait-ce que des animaux, ainsi que les cuisiniers. Ils savent également dépecer un corps. C'est une large part de l'humanité qui n'éprouve aucune répugnance physique envers ces actes. Alors, planter un poignard dans des tripes humaines et le retourner, ce n'est pas un geste qui ferait remonter la bile de ces personnes (mais le malaise moral demeure bien sûr).

La religion enseigne de ne pas tuer les chrétiens. Certes... Mais, en pratique, la religion bénit toutes les armées les veilles de bataille (Te Deum pour un massacre). Elle est également une source de conflits meurtriers. Nombreux sont les meurtriers à la conscience tranquille, approuvés par les autorités religieuses. Je dirais que ce facteur est mitigé.

La peine de mort va de soi. D'ailleurs, la peine de supplice public pousse la violence légale un cran plus loin. C'est (la peine de mort) un spectacle relativement routinier, que certains viennent d'ailleurs apprécier : voir les Tricoteuses de la Révolution Française. Cela signifie également que les gens qui n'ont jamais assisté personnellement à une mort violente sont sans doute assez rares, et s'en sont probablement délibérément tenues à l'écart.

Je ne trouve pas davantage à ajouter à la liste. Mais bon, dans un contexte où la vie est beaucoup, beaucoup plus incertaine que la nôtre, en termes de survie physique (risques médicaux, bêtes sauvages, faim, banditisme...), et se raccroche à la foi chrétienne avec beaucoup plus d'intensité qu'aujourd'hui, dans un contexte où la guerre n'est jamais très loin et le chaos et le non-droit qui l'accompagnent non plus, dans un contexte où les droits de l'homme (et notamment le droit fondamental à la vie, à la liberté, ainsi que l'égalité entre tous les êtres humains...) restent à énoncer... Je ne sais pas comment finir cette phrase... A l'aide... Bon, ça tombe à plat.

Bref, regardons les vikings. Des gens pragmatiques ! Un meurtre ? D'accord, négocions le wergild raisonnablement et n'en parlons plus (oui, parfois la vengeance allait un peu plus loin, sinon il n'y aurait jamais eu de Nibelungen pour que Wagner en fasse un opéra).

Je n'arrive vraiment pas à trouver une conclusion, mais je crois quand même que pour discuter de l'acte de tuer et de ses conséquences, il faut sortir de notre culture qui s'est bâtie dans une grande sécurité (relativement parlant), qui, dans l'ensemble, ne veut pas regarder la mort.

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Tsumire
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Re: Le héros qui tue

Message par Tsumire »

C'est étrange mais je viens de réfléchir à cette question, suite à un retour sur un chapitre.

À mon avis, il y a deux niveaux à prendre en compte: l'acte et les circonstances dans lesquelles il se déroule. Prenons un chevalier, par exemple, habitué à tuer. L'acte en lui-même ne l'effraye plus. En revanche, tuer un homme désarmé est une toute autre histoire. Comme s'il n'y avait plus d'excuses, ou de raison, pour justifier son action. Et là vient le traumatisme.

Il ne nous viendrait pas à l'esprit d'appeler meurtrier un soldat, au milieu d'un champ de bataille. Parce que ses actions, bien que de finalité identique, sont (ou semblent) justifiées. La mort paraît alors moins tragique (puisqu'elle devient "excusable"). De la même manière, un personnage sera d'autant plus traumatisé qu'il ne trouve de raisons ou de logique à son acte. En clair, plus l'acte de tuer est brutal et sans fondement, plus il devient lourd à porter. La nature humaine veut que nous cherchions des excuses, avant de culpabiliser.

Mon héroïne réfléchit ainsi.
Tuer un homme, juste parce qu'il pénètre dans son domaine et menace son équilibre ne lui pose aucun souci. La raison excuse le geste et elle parvient à passer au-dessus du traumatisme.
Potier des âmes (challenge 2023)
Ma page Ko-Fi(illustratrice free-lance)

Amibe_R Nard

Re: Le héros qui tue

Message par Amibe_R Nard »

Dans la mort de l'autre, il faut savoir pourquoi on tue. Et cela a été dit : dans quelles circonstances ?

En état de légitime défense, tuer c'est peut-être la seule solution qui existe.
Et, en guerre, c'est bien tuer ou être tué. (qu'on soit le défenseur ou l'attaquant, c'est une question de survie)

Nous ne vivons plus la guerre, sauf à distance, à coup de missiles, où l'autre est invisible.
On ne sait même pas si on l'a tué, ou juste blessé.
Il faut du combat à courte distance, voir l'autre dans les yeux pour se rendre compte que l'on tue... si on a le temps de s'en rendre compte. Parce qu'on est toujours dans le tuer ou être tué.

Nous ne vivons pas non plus l'insécurité totale, où la seule réponse à une agression, c'est de blesser terriblement l'adversaire, voire de le tuer pour éviter des représailles ou assurer sa survie ultérieure.

Dans nos sociétés, il ne nous reste plus que l'accident pour nous sentir responsable, pour envisager que nous aurions pu faire autrement... c'est-à-dire pour nous rendre coupable.


Un soldat de métier accomplit son devoir. Peut-être pas de gaieté de coeur, peut-être en limitant au maximum la casse, mais il sait que ses armes peuvent donner la mort, vont donner la mort un jour ou l'autre... la mort de l'autre ou la sienne.

Un appelé, qui va repartir à la vie civile, peut se sentir très mal à l'idée d'avoir tué quelqu'un.
Ou se sentir très fier, ou encore se murer dans le silence... ça dépend des individus, de la façon dont on tente de se protéger de ce sentiment d'avoir donné la mort. De cette image qui vous poursuit tout le long de votre vie.

Il y a encore celui qui se sent investi d'une mission. (quand elle est divine, c'est la pire de toute) Là, tout est bon... "Dieu reconnaîtra les siens", chasser le démon en purifiant le corps, renvoyer l'âme à son créateur pour lui permettre une meilleure renaissance.

La mission justifie, parfois, souvent la mort de l'autre. (un test psychologique connu - où un acteur joue le rôle d'une personne qui doit répondre aux questions d'un manipulateur sous peine de recevoir des décharges, le tout sous le contrôle d'un superviseur - voit pas moins de 60 % des gens aller jusqu'à donner des décharges dangereuses pour l'acteur, et si je me souviens bien, c'est entre 20 et 30 % des gens qui vont jusqu'à pousser la machine à décharge dans la zone mortelle ! Parce que l'acteur ne répond pas bien, et que le chercheur donne l'autorisation au manipulateur d'aller aussi loin qu'il le souhaite...

Non, tiens, c'est encore plus impressionnant : expérience de Milgram en 1963, La soumission librement consentie

http://aetas.alloforum.com/psychologie-t3312-1.html
"Les résultats sont effrayants ! Sur 40 personnes testées tout niveau social confondu , 67% des professeurs ont été jusqu’à la mort de l’élève. Le reste a abandonné l’expérience vers 300 volts quand l’élève simulait le coma ! Aucun d’eux n’a abandonné quand l’élève hurlait de douleur ."

Plus de détails ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Milgram
Sur l'expérience avec 636 sujets, avec des résultats - malheureusement - identiques !

Comme quoi, avec un peu d'autorité ou investi d'une mission, on permet aux gens de tuer les autres sans aucun état d'âme.


Ceci pour dire que, le héros étant investi d'une mission, il est presque en état de légitimité pour remplir sa mission. Suivant sa personnalité, il peut en être chamboulé, ou au contraire exalté (un mort, ça renforce la mission, c'est une étape, on ne peut plus reculer).

La mission, ce peut-être aussi le "plus jamais ça".
Une femme violée/humiliée, un petit garçon qui voit sa famille massacrée sous ses yeux, peut hurler plus jamais ça et se venger, au-delà de toute proportion.
La peine ou l'expérience traumatisante dans le passé peut resurgir dans le présent de l'histoire.
Même sans être traumatisante, ce peut-être un legs des ascendants : défends notre territoire, quoi qu'il en coûte.

Il existe aussi des êtres qui n'ont absolument aucun remords. On ne leur a pas appris, dans leur enfance, à en avoir ou à regretter leurs actes. Tuer n'est rien pour eux, rien de plus qu'une opportunité ou une suite logique à leur ambition/envie.
Ils veulent quelque chose, ils se servent... c'est tout !

Ça choque ceux qui ont de la sensibilité, mais pas eux.
Les juges pour enfants en voient passer régulièrement dans leurs tribunaux.



En tout cas, pour un personnage, la mort d'un autre pose aussi celle de la sienne.
Quand on tue en légitime défense ou pas, ça prouve que l'enjeu est important... on risque sa peau, on peut être tué en retour. Les enchères montent d'autant, on n'en est plus aux gentillesses ou autres captures sans risque.

Le héros peut succomber à l'appel du massacre, ou alors se montrer civilisé et refuser ce genre d'extrémité... ce qui complique sa tâche. Un gars assommé, attaché, peut encore se libérer et causer bien du préjudice au héros, voire provoquer sa perte.

Le héros va-t-il se montrer chevaleresque, lorsque le méchant n'hésite pas à utiliser tous les moyens. On rentre dans le conflit !

Et le conflit, c'est l'aliment favori d'un texte.

Bien Amicalement
L'Amibe_R Nard

Graad

Re: Le héros qui tue

Message par Graad »

Je suis un peu fatigué pour répondre, mais quand j'ai lu le sujet j'ai pensé directement à la série Dexter.
Vous savez ce professionnel du sang qui est un meurtrier pendant la nuit ?
Il tue car il répond à un besoin et n'agit que selon un code et une éthique précise.

Maintenant que j'y pense, mon héros ne tue pas dans mon livre.

Ancalimë

Re: Le héros qui tue

Message par Ancalimë »

Je viens de me replonger dans Death Note, dont le héros tue… par milliers.
Personnellement, j’aime bien ce manga. Concernant les faits et gestes de Light (le tueur donc), certains trouveront que sa descente aux enfers n’est pas réaliste et que, dans notre société (ou la société japonaise, sur ce point je pense qu’elles se rejoignent), on ne peut pas commettre de tels actes et rester absolument sain d’esprit.
Pour ma part, il me semble que le contexte change tout, la façon dont on amène les faits, dont on décrit les émotions. En fonction du monde dans lequel on se place, de l’éducation et des valeurs qui y sont donnés, etc. il faut que les personnages (et le personnage principal évidemment) semblent logique et alors, tout peut passer. Pour moi, un personnage est intéressant du moment qu’il est compréhensible et cohérent, même s’il commet des atrocités…

Pour en revenir à Death Note (s’il y en a qui connaissent) ces points me font supporter Light tel qu’il est décrit :
Spoiler: montrer
- au début il passe quand même des nuits difficiles suite à ses premiers meurtres
- Ryuk, le Dieu de la Mort, dit à un moment que Light est une exception parmi tous les humains qui ont un jour possédé un Death Note. Dans ce cas, on peut croire à cette idée de l’exception (attention : après d’autres humains possèdent un Death Note et se comportent de la même façon, mais c’est un autre problème)
- Light est un surdoué. On sait que le sens aigu de la justice associé aux enfants surdoués, peut les conduire à des extrémités étonnantes. Il est persuadé jusqu’au bout d’agir pour le bien !

Graad

Re: Le héros qui tue

Message par Graad »

Light est un surdoué. On sait que le sens aigu de la justice associé aux enfants surdoués, peut les conduire à des extrémités étonnantes. Il est persuadé jusqu’au bout d’agir pour le bien !
J'a fait une comparaison avec Dexter (la série) car je trouve que c'est exactement la même chose.
Ils sont persuadés de faire le bien.
Par contre, ils ont les défauts des tueurs en série : ils ont un principe et ils s'y tiennent. Ils ont des habitudes qu'ils ne changent pas.
Ils ont leur code et leur principe.

anonymetrois

Re: Le héros qui tue

Message par anonymetrois »

Moi, j'ai trouvé Light relativement sans intérêt, trop lisse et ordonné. Un surdoué ? Plutôt une grosse tête, un genre d'énarque à la japonaise avec un complexe de dieu. Ensuite, il a un intérêt pour l'intrigue, même si je ne lui en trouve pas en lui-même ; mais une bataille de surdoués n'est pas forcément plus intéressante.

Quand je compare aux affrontements psychologiques (et physiques) qu'écrit par exemple Yoshihiro Togashi, je trouve Death Note bien terne et plat. En plus, les questions soulevées dans Death Note sont énormes, et elles reçoivent des réponses pour le moins ambigües sinon malsaines. Mis à part un scénario très habile (dans le genre froid, déshumanisé) et son dessin d'un bon niveau, je n'ai pas trouvé de qualités à DN.

Bon, si ça continue, ce sujet va diverger sur Death Note entièrement et il y a davantage à dire.


A mon avis, il est possible de tuer sans penser commettre de meurtre, quand on nie l'humanité de sa victime. Dans ce cas, le meurtre ou l'acte de tuer n'entraîne que de s'enfoncer irrémédiablement dans cette négation de l'autre (racisme, intolérance religieuse, crimes commis (dans le cas où un bourreau applique la peine de mort) ou quelle que soit la condamnation morale de la victime).

Et encore, je devrais mettre à part la personne qui subit la peine de mort, ce n'est pas tout à fait pareil : ce sont ses actes qui lui ont retiré le droit de vivre, ou dans le cas d'une erreur judiciaire, c'est du moins un procès légal. Dans le cas d'une victime niée comme être humain, c'est a priori qu'elle est jugée.

Ensuite, tuer quelqu'un que l'on considère réellement comme humain est très différent. Je n'ai pas le temps de développer et puis, ce n'est pas u sujet dans lequel j'ai envie de me lancer trop vite.

chani

Re: Le héros qui tue

Message par chani »

trés intéressante cette discussion dites donc !

En effet, vous semblez avoir abordé les différentes situations qui vont influencer sur la façon dont un personnage/personne réagira face à la mort. Différents facteurs rentrent en compte, et tous ont une influence certaine. la culture, la nécessité de l'acte en terme de survie, la personnalité et l'éducation du tueur, la justification de l'acte, le contexte historique, la présence d'une autorité...
Dans le contexte de l'écriture, il peut être intéressant afin de gérer au mieux cette situation de "lister" ces différents facteurs, et d'essayer de peser leur impact sur notre personnage afin de cerner au mieux sa façon de réagir.
Ce topic est une très bonne idée.

Pour rebondir sur ce que nous dit amibe, l'expérience de Milgram montre à quel point l'assentiment d'une autorité peut conforter un individu au point de tuer quelqu'un d'autre..
Quant aux rapports surdoués/ tueurs en séries, je ne suis pas forcément d'accord. une intelligence élevée ( mesuré par un test de QI, qui je vous le rappelle ne mesure qu'une certaine forme d'intelligence, il y en a bien d'autres importantes peu mesurées par ces tests notamment l'intelligence sociale), donc je disais une intelligence élevée va souvent de faire avec une intelligence émotionnelle immature, voire avec un haut degré de sensibilité...
Par contre il est clair que les personnes possédant une intelligence sociale très supérieure auront des facilités dans la manipulation d'autrui. ce qui donne un pouvoir sur les autres très attrayant. ce qui peut mener loin parfois :)

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