mais est-ce que, quand on vit une expérience hallucinogène, après on est encore en état de la retranscrire? pour qu'une expérience soit racontable, il faut pouvoir garder suffisamment le contrôle pour prendre de la distance et étudier ce qui arrive. et les drogues, quelle qu'elles soient font perdre le contrôle. si on vit soi-même l'expérience que l'on veut décrire "en condition optimale", ne risque-t-on pas de ne tout simplement pas pouvoir la raconter car inconscient de ce qui est réellement arrivé?Xavier a écrit : Mais que fait-on dans ce cas du fameux "On ne parle bien que de ce qu'on connait" ? Comment peut-on décrire avec véracité une expérience hallucinogène sans en avoir connu (et risquer de passer pour un pignouf auprès des gens qui savent, eux) ?
L'écriture ; l'alcool et la drogue.
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Re: L'écriture ; l'alcool et la drogue.
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Re: L'écriture ; l'alcool et la drogue.
Je pense qu'il a une énorme confusion ici : "connaître" quelque chose n'est pas forcément le "vivre" et en faire l'expérience.sherkkhann a écrit :Pour ma part, je trouve ça absolument faux. On peut entrer complètement en phase avec son personnage, ensuite, on se renseigne pour les détails qu'on ne peut pas connaître sans expériences : forum, témoignages etc."On ne parle bien que de ce qu'on connait" ?
Je suis totalement d'accord, un auteur peut se renseigner sur des tas de sujets et écrire des textes dès lors authentiques. On le fait tous.
Le problème est qu'ici, on parle d'un sujet qui est une altération de la conscience. Et de même qu'on ne peut pas savoir ce que ça fait d'être une chauve-souris (ce qui rejoins ton point, cyberlune), j'imagine mal que juste lire sur le sujet soit suffisant - d'ailleurs, la plupart des témoignages d'altérations de conscience (drogue, méditation, transe, ce que vous voulez) sont souvent jugés incomplets par leurs propres auteurs.
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Re: L'écriture ; l'alcool et la drogue.
Bien entendu, si tu veux absolument connaître les sensations qu'on éprouve en tentant certaines expériences (que ce soit la drogue, l'alcool ou, pourquoi pas, la dégustation d'une véritable pizza italienne), il faut les vivre, ces expériences.
Mais pour écrire, quel que soit le sujet, quels que soient les sentiments, ce n'est pas à mon avis obligatoire. Les mots imposent toujours une distance, que ce soit du vécu ou du ouï-dire.
Mais pour écrire, quel que soit le sujet, quels que soient les sentiments, ce n'est pas à mon avis obligatoire. Les mots imposent toujours une distance, que ce soit du vécu ou du ouï-dire.
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Re: L'écriture ; l'alcool et la drogue.
mais si on peutXavier a écrit : Et de même qu'on ne peut pas savoir ce que ça fait d'être une chauve-souris (ce qui rejoins ton point, cyberlune)
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Re: L'écriture ; l'alcool et la drogue.
C'est pas fauxJe pense qu'il a une énorme confusion ici : "connaître" quelque chose n'est pas forcément le "vivre" et en faire l'expérience.
Pour l'exemple de la pizza : qu'est-ce qui change entre un auteur qui a déjà mangé une pizza et qui trouve ça divin, et un auteur qui n'en mange pas mais qui a lu que c'était divin ? La description sera la même. Concrètement, sur le papier, est-ce que le lecteur fera la différence entre celui qui l'a mangé et l'autre ? Là où l'auteur devra se renseigner, ce sera sur l'ustensile qu'on utilise pour la couper mais il peut aussi le trouver par des recherches et bien coller à la réalité.
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Re: L'écriture ; l'alcool et la drogue.
J'avais oublié : ne parle-t-on bien que de ce qu'on connaît ?
Tout dépend ! Si je dois décrire la sensation de chaleur qu'on ressent dans la jungle amazonienne, par exemple, je peux me documenter, argumenter sur la base de ce que d'autres décrivent, en mélangeant ça avec ce que je peux ressentir dans un hammam... Ça devrait faire quelque chose de suffisamment convaincant.
C'est vrai que c'est toujours plus facile quand on parle de ce qu'on a vécu, ça peut enrichir le récit avec une foule de petits détails qui donnent beaucoup de cachet... Mais tout ça peut aussi s'inventer, ou être reproduit.
Par contre : que ressent un méditant que voit une Jhãna ? Les témoignages que j'en ai lu consistent à dire que c'est indescriptible, que c'est une expérience d'une telle puissance que rien au monde ne s'en rapproche et qu'aucun mot ne peut la décrire. Là, il faut tout imaginer, faire confiance à son inspiration, et se dire que si un méditant qui a vécu cette expérience, il ne pourra pas trouver la description convaincante.
Tout dépend ! Si je dois décrire la sensation de chaleur qu'on ressent dans la jungle amazonienne, par exemple, je peux me documenter, argumenter sur la base de ce que d'autres décrivent, en mélangeant ça avec ce que je peux ressentir dans un hammam... Ça devrait faire quelque chose de suffisamment convaincant.
C'est vrai que c'est toujours plus facile quand on parle de ce qu'on a vécu, ça peut enrichir le récit avec une foule de petits détails qui donnent beaucoup de cachet... Mais tout ça peut aussi s'inventer, ou être reproduit.
Par contre : que ressent un méditant que voit une Jhãna ? Les témoignages que j'en ai lu consistent à dire que c'est indescriptible, que c'est une expérience d'une telle puissance que rien au monde ne s'en rapproche et qu'aucun mot ne peut la décrire. Là, il faut tout imaginer, faire confiance à son inspiration, et se dire que si un méditant qui a vécu cette expérience, il ne pourra pas trouver la description convaincante.
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Re: L'écriture ; l'alcool et la drogue.
Perso, c'est cet aspect de l'écriture qui me botte le plus ! Quand je me mets devant mon ordi, ce n'est pas pour rester dans une réalité documentée. C'est pour m'évader, laisser libre cours à ma folie douce, sinon elle n'a jamais l'occasion de pointer le bout de son nezil faut tout imaginer, faire confiance à son inspiration
Modifié en dernier par Anaïs le ven. août 08, 2014 11:28 am, modifié 1 fois.
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Re: L'écriture ; l'alcool et la drogue.
Je trouve que ça suffit, pas besoin d'en faire une description, cette phrase parle d'elle même.Les témoignages que j'en ai lu consistent à dire que c'est indescriptible, que c'est une expérience d'une telle puissance que rien au monde ne s'en rapproche et qu'aucun mot ne peut la décrire.
Pourquoi ? Si eux même trouvent que c'est indescriptible ?Là, il faut tout imaginer, faire confiance à son inspiration, et se dire que si un méditant qui a vécu cette expérience, il ne pourra pas trouver la description convaincante.
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Re: L'écriture ; l'alcool et la drogue.
Complètement.Xavier a écrit :Je pense qu'il a une énorme confusion ici : "connaître" quelque chose n'est pas forcément le "vivre" et en faire l'expérience.
J'ai déjà écrit plusieurs roman en adoptant le point de vue d'un personnage féminin. Pourtant, même pour l'amour de l'art, je suis pas allé jusqu'à me livrer à... certaines extrémités pour vivre le fait d'être une femme.
Pardon, je
Il m'est déjà arrivé de faire moi-même certaines expériences juste pour m'imprégner des sensations, donc la question de Gobseck ne me paraît pas absurde en soi (oui, je me suis enterré, par exemple, je me suis assoiffé pendant une journée pour essayer de voir ce que ça faisait et le décrire... ). En revanche, je pense que ce n'est qu'une méthode parmi d'autres et pas forcément la meilleure. Et, dans le cas de la drogue, à mon avis, c'est vraiment une très mauvaise idée...
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Re: L'écriture ; l'alcool et la drogue.
Je trouve un peu frustrant de dire qu'aucun mot ne peux décrire une expérience, en fait, je crois que je n'arriverais pas à m'en contenter (mais je confesse que c'est probablement un tort de ma part )sherkkhann a écrit :Je trouve que ça suffit, pas besoin d'en faire une description, cette phrase parle d'elle même.Les témoignages que j'en ai lu consistent à dire que c'est indescriptible, que c'est une expérience d'une telle puissance que rien au monde ne s'en rapproche et qu'aucun mot ne peut la décrire.Pourquoi ? Si eux même trouvent que c'est indescriptible ?Là, il faut tout imaginer, faire confiance à son inspiration, et se dire que si un méditant qui a vécu cette expérience, il ne pourra pas trouver la description convaincante.
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Re: L'écriture ; l'alcool et la drogue.
Disons que pour les besoins de l'écriture, de l'intrigue, de la caractérisation ou de l'approfondissement de l'univers, s'arrêter à un simple "il éprouva des sensations indicibles" est un peu frustrant (sans parler de facilité de l'auteur)...
Et pis un BL appliqué viendra forcément rouspéter sur le déséquilibre entre show et tell
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Re: L'écriture ; l'alcool et la drogue.
C'est sur, il faut que ça reste dans le cadre d'une expérience bien précise et pas que ce soit une facilité d'auteur. En tant que lecteur ou BL, ça ne me dérangerait pas de lire qu'un méditant vit quelque chose d'indescriptible tant c'est fort.
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Re: L'écriture ; l'alcool et la drogue.
un truc réputé indescriptible ! Nuance !vestrit a écrit :Hum, vivre un truc indescriptible pour pouvoir le décrire... Ya que moi que ça chatouille ?
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Re: L'écriture ; l'alcool et la drogue.
Vos réponses sont toutes très intéressantes, mais selon moi il manque un avis crucial.
Jusqu'ici, nous avons parlé d'alcool et de cannabis, c'est le deuxième qui me dérange. Les grands auteurs drogués touchaient à autre chose.
Je sais que c'est personnel, et je comprendrai que la personne en question ne me réponde pas : quelqu'un ici à déjà écrit sous l'influence d'héroïne, LSD, opium, ecxtazy etc.. ?
Jusqu'ici, nous avons parlé d'alcool et de cannabis, c'est le deuxième qui me dérange. Les grands auteurs drogués touchaient à autre chose.
Je sais que c'est personnel, et je comprendrai que la personne en question ne me réponde pas : quelqu'un ici à déjà écrit sous l'influence d'héroïne, LSD, opium, ecxtazy etc.. ?
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Re: L'écriture ; l'alcool et la drogue.
Nope, parce que quand même, faut pas déconner. Comme beaucoup de témoignages plus haut, l'acte d'écrire exige souvent un véritable état de concentration que la moindre pinte de bière peut faire perdre.Gobseck a écrit :quelqu'un ici à déjà écrit sous l'influence d'héroïne, LSD, opium, ecxtazy etc.. ?
Cela dit, il existe de nombreux cas connus d'auteurs l'ayant fait et, il faut le dire, avec succès.
Certains biographes de Stevenson estiment qu'il a écrit le second jet de Dr Jekyll & Mr Hide en six jours, sous cocaïne (wikipedia). Vol au-dessus d'un nid de coucous est connu pour avoir été écrit alors que Kesey travaillait dans un hôpital psychiatrique et prenait à la même époque mescaline et LSD (ibid.).
À l'inverse, certains ont écrit sur la drogue mais après, à jeun, donc souvent sous forme autobiographique. Les Paradis artificiels de Baudelaire en est sans doute l'exemple le plus fameux, mais on peut aussi penser à Requiem for a dream qui contient de grandes parts autobiographiques sur l'addiction à l'héroïne de Selby, ou à On the road de Kerouac.
On pourra aussi penser au Club des Hashischins qui comptait Baudelaire, Gautier, Dumas et bien d'autres, à une époque où le haschich était légal en France. Fait intéressant : la plupart des membres considérait cela comme une expérience supplémentaire mais pas comme une nécessité à leurs travaux personnels.
Et pour terminer, un artiste a fait l'expérience de tester une trentaine de drogues l'une après l'autre et de faire un autoportrait sous l'effet de chacune d'entre elles. La galerie est visible ici.
De l'expérience, on en tire facilement deux conclusions : la drogue provoque des dommages cérébraux, et si elle permet une déstructuration et une approche plus originale de l'art, elle brise aussi très facilement toute cohérence - ce qui est un frein majeur dans le cas de l'écriture, car on ne fait pas n'importe quoi avec la grammaire.