Comment écrire des histoires simples ?

[Léonore]

Coucou par ici

Alors la question peut surprendre, mais, en fait, moi, écrire des histoires simples, je n'y arrive pas. Enfin disons les trois ou quatre premiers chapitres, ça va. Mais après vient le temps de la cohérence, et là, il y a un univers entier qui se met en place et qui se complexifie de plus en plus et l'intrigue avec lui.

Bon je vais vous donner l'exemple de mon challenge actuel.
À la base j'avais 2 perso :
- Un roi (antagoniste) et une archimage (protagoniste)
Sont venus s'ajouter :
- deux mages mercenaires, la princesse, le magicien du roi

Spoiler: montrer

(qui est en vérité le vrai père de la princesse)

Puis :
- Cinq autres mercenaires dont l'un est le parent du duc de machinTruc le future époux de la princesse.
Et encore :
- La princesse de l'empire d'à coté qui va devenir une des concubines de l'archimage mais qui ne peut pas blairer la princesse du royaume.
Et aussi :

Spoiler: montrer

Le fils caché de l'archimage qui va mener une guerre contre sa mère.

etc, etc, etc,

Et tout ce petit monde a des relations les uns avec les autres. (et je ne vous par le même pas des relations politiques entre les royaumes).

Bref, vous voyez mon souci ?
Vous, vous faites comment ?

[Tsumire]

Ecrire une histoire riche et complexe n'est pas un souci.
Mais, si je comprends bien ton problème, c'est le nombre de personnages qui te pose soucis.

Quand je veux limiter le nombre de personnages, je veille à maximiser les liens que je peux faire entre eux, d'une part, et avec l'intrigue de l'autre. Ainsi, ça me permet de porter l'histoire sur un petit nombre de personnages qui peuvent, en revanche, gagner en complexité. Quand je veux rajouter un fil à l'intrigue, au lieu de chercher à ajouter un personnage, je m'interroge sur mes personnages déjà existants et s'il est possible que ce soit l'un d'entre eux qui soit le porteur de cet intrigue. Par conséquent, ça conduit souvent à "adapter" son personnage. A le modifier. A le compléter. Ainsi, ça me permet également de me questionner sur l’intérêt de cette nouvelle intrigue.
Suis-je prête à changer mon personnage pour elle ?
Est-ce une valeur ajoutée ou non pour l'histoire ?
Pour le personnage lui-même ?

A l’inverse, si cette nouvelle intrigue ne peut être portée par aucun de mes personnages, je peux envisager en ajouter un. Mais, pour que je le valide, je dois être capable de lier à l’intégralité de l’intrigue, même de manière discrète, mais il doit exister au-delà de sa propre intrigue. Et si je n’y arrive pas, alors j’abandonne souvent ce personnage (et l’intrigue qui allait avec).

[Escaal]

Je trouve ça raisonnable, si chacun de ces personnages a un vrai rôle à jouer ? Je suppose qu'ils n'ont pas tous le même niveau d'importance et donc le même "temps d'antenne".

De mon bord, j'adopte une technique similaire à celle de Tsumire : je réutilise au maximum chaque personnage. Les personnages principaux, ça va de soi, le lecteur va vite les identifier et savoir quels sont leur buts / leurs liens avec l'intrigue. Pour les personnages secondaires, je m'arrange pour que chacun :

Choix #1 : Aide un des personnages principaux à avancer vers son but (que ce soit le but initial ou le « vrai » but).
OU
Choix #2 : Fasse avancer l'intrigue plus d'une fois.

Par exemple, dans mon challenge en cours, on retrouve :

Personnages principaux

• Une jeune fille qui veut réussir les épreuves de sa grand-mère,
• Un robot qui veut se faire accepter parmi les siens, malgré une déficience de naissance qui fait qu'il est rejeté.

Personnages secondaires

• La grand-mère de la jeune fille, qui continue de faire échouer sa petite fille → Mon personnage principal est poussé en avant par ce personnage secondaire. (choix #1)
• Un voisin de mon robot → Il fait avancer l'intrigue à trois reprises : 1) Il apporte l'élément déclencheur initial de l'intrigue. 2) Il pousse mon robot à faire un choix qui modifie son objectif. 3) Vers la fin, il introduit mes personnages principaux dans un lieu où l'intrigue se terminera. (choix #2)
• "L'antagoniste", qui est au final un simple personnage incompris car forcé de garder un secret qui le fait paraitre mal → 1) L'intrigue a pris place autour de ses actes passés. 2) Il fait changer d'objectif mes deux personnages principaux au cours de l'aventure. (choix #1 et choix #2)

Personnages tertiaires

• Deux autres grand-mères de ma jeune fille → Leur présence pousse ma jeune fille à continuer dans la même voie, malgré ses échecs répétés qui auraient pu la faire abandonner. (choix #1)
• Un autre voisin de mon robot → Il fait avancer l'intrigue à trois reprises : 1) Il apporte un objet essentiel à la quête de mon robot. 2) Plus tard, il apporte une info essentielle (que lui seul possède) qui bouleverse l'objectif de mon robot. (choix #1 et choix #2)
• Etc.

Un personnage qui ne fait ni avancer mes personnages principaux ni avancer l'intrigue plus (+) qu'une seule fois ? Poubelle ! Et on ressort un personnage déjà existant

[Tsumire]

L’explication d’Escaal est parfaite (et nettement plus illustrée que la mienne). Je me reconnais dans l’approche.

J’ajouterai également qu’il faut limiter la surenchère d’idées. Souvent, lorsque l’on écrit, une foule d’idées nous vient, et on essaye de les incorporer à l’histoire en cours de rédaction. Or, une bonne idée bien traitée, bien développée fait un bon roman. Des fois, il est intéressant de garder les autres idées pour d’autres romans. Ce n’est pas une règle à graver dans le marbre, mais juste une réserve à avoir lorsque de nouvelles idées nous assaillent, histoire de ne pas se trouver avec beaucoup d’idées dans le même panier, mais souvent sous-développées. Et donc une histoire qui multiplie ses branches, sans consolider son tronc.

Après, tout reste possible. Même un roman avec une foule de personnages et une multitude d’idées. Je pense à la Passe-Miroir, par exemple.

[Le scribe]

J'aurais tendance à dire que ce type d'intrigue implique de travailler au maximum sur le plan, avant même le premier jet. Au besoin en prenant exemple sur les scénaristes, amené-e-s en général à remanier intrigues et personnages trèèès souvent au fil de la gestation de leur bébé (à cette différence que nous autres avons un budget décors et effets spéciaux illimité, gniark gniark).

Autre idée : lire et relire des classiques du genre... On peut ainsi se rendre compte que leur nombre de personnages n'est pas si élevé que ça, ou au moins observer quels "arcs narratifs" sont déployés au fil des chapitres. (Mieux vaut prendre pour modèles des livres ayant à peu près les mêmes proportions : on fait naturellement entrer plus de personnages dans les multiples trilogies de L'Assassin royal que dans un roman indépendant.)

Enfin, je ne saurais trop conseiller la lecture et la relecture des contes. Un conte bien ficelé est une petite merveille de scénario et montre qu'un rebondissement bien trouvé vaut toutes les foules de personnages secondaires du monde. (La différence à garder en tête étant que le conte a ses codes propres, que la fantasy n'ose pas toujours assumer. Au point que certaines revues de fantasy n'acceptent plus les soumissions de contes, ce qui revient un peu à fermer la porte à sa grand-mère, mais c'est un autre sujet.)

[NaNa]

La team "je n'écris que des pavés ou des sagas en plusieurs tome, et j'en ai marre"... levez la main avec moi.

De ce que tu dis, Léonore, j'ai l'impression que tu pars avec une idée d'histoire simple à la base, puis tu creuses l'univers et les persos et que la simplicité s'envole. Et comme c'est systématique, tu aimerais que ça n'arrive pas. C'est bien ça ?

Pour ajouter aux conseils déjà donnés, je dirais :

1) Bien déterminer le fil rouge de ton intrigue. Par exemple, Harry Potter essaye de trouver qui a ouvert la chambre des secrets.
A partir de ça, déterminer les intrigues secondaires directement liées au fil rouge. Par exemple, Harry et ses amis boivent du Polynectar pour vérifier si Drago a ouvert la chambre. Comme Harry parle fourchelangue, il est soupçonné d'avoir ouvert la chambre.
Ensuite, déterminer les intrigues secondaires qui ne sont pas directement liées au fil rouge. Par exemple, comment Gilderoy Lockhart a acquis sa renommée.
Si tu veux simplifier ton intrigue, regarde d'abord les intrigues qui ne sont pas en lien direct avec le fil rouge. Par exemple, Gilderoy Lockhart, il est sympa comme perso, mais il serait pas là, ça ne changerait pas la face du livre. Donc si fallait simplifier Harry Potter, on pourrait supprimer sans trop de conséquences.
Après ces intrigues ne sont pas forcément inutiles, hein ! Parfois, elle peuvent permettre de développer les personnages ou l'univers (c'est pas dans la chambre des secrets, mais par exemple, Hermione qui défend les elfes de maison, ou Neville qui aurait pu être l'élu à la place de Harry). Dans ce cas, faut voir si ça vaut le coup de les garder : le film 5 ne l'a pas fait, ce qui se discute, mais en tout cas ça n'affecte pas le fil rouge. Perso, dans l'optique de simplifier, je pense qu'il vaut mieux essayer de lier ces éléments à l'intrigue principale d'une façon ou d'une autre. Mais ce n'est pas toujours possible.
Faire un plan peut aider. Les différentes étapes du fil rouge, et au besoin tu ajoutes les intrigues secondaires qui s'y greffent.

2) Fusionner des personnages. Ca a été dit par les autres grenouilles. Ca fait mal des fois, s'il le faut...

3) Ecrire des histoires dans le même univers. Si vraiment tu ne te résous pas à supprimer une intrigue ou un personnage, tu peux essayer de le développer dans une nouvelle. Cela permet de ne pas "encombrer" ton roman sans pour autant renoncer à ces points. Il y a quelques temps, j'ai eu une idée pour un one shot, et quand il a décidé qu'il ne voulait peut-être pas être un one shot, je me suis dit "non, je peux faire une série d'histoires indépendantes", et ça m'a libéré l'esprit.

4) Te forcer à limiter le nombre de personnages point de vue. Je ne sais pas ce qu'il en est pour ton challenge, mais dans mon cas, l'histoire devient de suite plus touffue à partir du moment où j'en ai plusieurs, encore plus s'ils ne sont pas au même endroit : je développe l'entourage de tout le monde et ça devient ingérable. Et ça fait que j'ai des persos que je veux à tout prix caser, alors que ces persos ne servent à rien. Je ne dis pas qu'ils ne sont pas intéressants, hein. Juste qu'ils n'apportent rien au fil rouge. Et c'est dur de se dire qu'ils n'apparaîtront pas, alors autant ne pas les créer dès le départ.

5) Se rappeler que les histoires complexes, c'est bien aussi. Si en essayant de simplifier, tu te rends compte que ce n'est plus l'histoire que tu veux raconter, bah tant pis. Mieux vaut un pavé qui te plaise qu'un roman simple qui ne te plaît pas.

[Léonore]

Merci beaucoup à toutes et tous pour vos réponses. Ça va bien m'aider.
(je me suis laissé un peu de temps pour vous répondre, pour voir si d'autres grenouilles souhaitaient prendre part au fil)

J'ai découvert un truc, en plus : Il ne m'était jamais venu à l'esprit qu'on pouvait fusionner des personnages. Ça m'ouvre de nouvelles possibilités en terme de méthode de construction de d'histoire.

La team "je n'écris que des pavés ou des sagas en plusieurs tome, et j'en ai marre"... levez la main avec moi.

Je ne suis pas encore allée assez loin dans l'écriture d'un roman pour lever la main, mais je pense que je suis une bonne future candidate pour cette team.

De ce que tu dis, Léonore, j'ai l'impression que tu pars avec une idée d'histoire simple à la base, puis tu creuses l'univers et les persos et que la simplicité s'envole. Et comme c'est systématique, tu aimerais que ça n'arrive pas. C'est bien ça ?

Oui c'est exactement ça !

Je me retrouve très bien dans ce que tu décris.

Oui comme toi et les autres l'ont dit, l'idée principale c'est de maximiser les liens entre les persos et l'intrigue et de virer les autres.

Si je prends les mercenaires qui accompagnent mon perso principal, 2 sont vraiment importants pour l'histoire, 2 autres servent de justification pour un bout de synopsis, 2 servent à justifier l'historique de ceux qui sont importants, et le dernier ne sert pas à grand chose (mais sans lui il n'y aurait qu'un seul homme de trait dans le groupe et c'est assez peu crédible. Un chevalier, un sabreur, un page, un archer, un arbalétrier, un barde (magie) et un valet)
Du coup je vais voir si des perso ne pourraient pas cumuler deux utilités ou plus, et comme ça je ne traiterais les perso restant que comme des perso tertiaires, sans chercher à les développer.
(Bon en fait il y a une voix dans ma tête qui dit : "Invente leur plutôt une raison d'être dans le fil rouge, quitte à rendre ce dernier plus compliqué. C'est pas grave, j'aime ces persos". Des fois ma muse m'em...de.)

Je vais voir aussi pour écrire les histoires annexes sous forme de nouvelles ou de spin-off, ça peut être un bon plan.


Encore merci à toustes !