Le premier jet dont on n'est jamais satisfait

[chenipancinq]

Hello tout le monde !

Juste une question qui me taraude, et plus généralement, un problème qui me colle à la peau. Alors voilà : je me suis mise de nouveau dans le premier jet de mon projet La Dame de l'Aube (titre provisoire). C'est un projet que je recommence à zéro, mais je ne suis pas du tout satisfaite de ce que j'écris... Je sais que les premiers jets sont faits pour être mauvais, pas particulièrement mélodieux, etc., mais je ne peux pas m'empêcher d'être insatisfaite et je trouve ça déprimant et pas du tout encourageant pour continuer...

Cela vous arrive, à vous ? Comment vous faites pour régler ce problème ?

Bonne soirée !
chenipancinq

[Léonore]

Salut.

Oui ça m'arrive tout le temps.
Alors je pratique l'écriture itérative.

Phase 1 : J'écris un chapitre.
Phase 2 : Je le relis, je le corrige, je l'augmente.
Phase 3 : Je répète la phase 2 ad libitum.
Phase 4 : Quand j'arrive à me dire "Ouais ça claque", j'arrête.
Phase 5 : Je relis l’entièreté des chapitres précédents pour voir si celui que je viens de terminer est cohérent avec le reste.
Phase 6 : Je peaufine l'ensemble si besoin.
Phase 7 : Je repasse à la phase 1 pour l'écriture du chapitre suivant.

Le but de la manœuvre c'est d’entraîner petit à petit le cerveau à écrire directement bien (enfin du mieux possible) pour faire diminuer le nombre de phases 2 et 6.
Alors ça à l'air cool sur le papier (ahah, humour) mais c'est un processus trèèèès long surtout au début, et donc ça demande du soutien et de la motivation extrinsèque. Moi sans mon équipe de choc du NaNo j'aurais lâché l'affaire.
En parlant du NaNo, j'ai adopté cette méthode "en cours de route" ce qui fait que là en fait, mes chapitres 1 et 6 sont tout à fait satisfaisant, mais les 2 à 5, pas du tout.
J'étais partie, comme beaucoup de monde le recommande, en mode "écrit ton caca en entier et tu nettoieras le tout ensuite".
Quand je me suis rendue compte que, au final, cette méthode ne marchait pas avec moi, j'avais déjà 5 chapitres de caca. J'ai donc repris tout ça pour rendre le chapitre 1 satisfaisant et les autres juste acceptables. Parce que ma motivation n'aurait pas résisté à une nouvelle passe de correction globale, j'ai ensuite décidé de continuer sur le chapitre 6 (qui est aujourd'hui une perle de satisfaction ). Donc là de façon temporaire, j'améliore les chapitres insatisfaisant entre deux phases, quand j'ai envie de me changer les idées. Et à terme je devrais revenir au shéma optimal que j'ai décrit au début.

Bref c'est encore un peu bancal pour l'instant, mais en tout cas j'ai senti que mes compétences littéraires ont vraiment progressé, même en seulement un mois et demi.

Bon voilà.
Et pour finir, un petit rappel : la meilleurs des méthodes, c'est juste celle qui marche pour soi.

[Pi.]

C'est en effet une grande question et je pense que la réponse est très individuelle.
Personnellement, je n'ai pas eu ce problème. Non que mon premier jet soit bon, mais parce que je suis très tolérant avec mes propres écrits. Avant d'arriver sur CoCyclics, je ne voyais pas du tout mes défauts. Alors c'était forcément bien, non ?

Dans l'insatisfaction que tu ressens , il y a deux éléments distincts:
- La qualité objective de ce que tu écris
- Ta réaction et ton jugement personnel.
Peut-être que tu es simplement trop dure et trop exigeante avec toi même ? L'écriture doit d'abord rester une détente, un moment agréable. Tu te mets trop la pression.
Je pense que la solution serait d'utiliser très tôt les papyrus, sur un premier jet que tu juges très mauvais, pour voir ce qu'en pensent les grenouilles. Tu pourrais être agréablement surprise.
Je ne sais pas combien de fois tu as retravaillé tes extraits avant d'oser les publier dans les challenges, mais je ne me souviens pas les avoir trouvés mauvais ou moches...

[NaNa]

Sur le fond, si c'est un problème qui me fait partir dans la mauvaise direction, et qu'il faut que je réécrive pour éviter ça, je reviens en arrière. Par contre, si c'est un problème du style : ce truc ne va pas mais je sais comment corriger et je peux continuer, je mets éventuellement une note et je continue. En gros c'est si ça me bloque, je corrige, si ça me bloque pas, j'écris.
Pour la forme, pareil. Si je me rends compte que je veux un gros changement de style qui pourrait remettre en cause ce que j'ai écrit jusqu'à maintenant, je corrige. Si c'est plus mineur du style que je me rends compte que finalement je voulais écrire au présent et à la première personne, je vais corriger si je n'ai pas écrit beaucoup de chapitres, ou écrire la suite avec le nouveau style et corriger après les chapitres précédents s'il y en a beaucoup. Et les trucs mineurs du style "cette phrase est mal écrite", en premier jet ça ne me dérange absolument pas, y a même des fois où je me dis sciemment "c'est mal formulé mais je verrai en corrections", donc j'attends d'avoir fini. En plus, vu que je change parfois le fond en corrections, je me dis que ça ne sert vraiment à rien de corriger pour avoir des phrases parfaites alors que si ça se trouve, je vais couper la scène.

Après ça, c'est moi. Peut-être qu'avec toi ça ne fonctionnerait pas. L'important c'est que tu te demandes : qu'est-ce qui te bloque pour continuer ? Pourquoi ? Et que tu adaptes en conséquences.

[Louisia]

Coucou Chenipancinq,

Cette question de la qualité du premier jet (et même des versions suivantes) s'est toujours posée à moi. J'ai travaillé de plusieurs manières différentes : j'ai tenté le côté itératif dont parle Léonore, mais ça n'a pas fonctionné, car au bout de 15 chapitres, j'étais épuisée d'avoir fait trop d'aller retour et finalement j'étais déprimé de ne jamais arriver à la fin de mes romans alors que d'autres allaient si vite. J'ai tenté également d'écrire sans regarder en arrière, mais arrivé à un certain moment j'étais bloquée, car je ne voyais pas l'utilité de continuer alors que je savais pertinemment que ce qui avait été écrit était mauvais.

A la différence de Pi, j'ai tendance à voir mes erreurs dans toutes les phrases et je me suis rendue compte qu'en réalité les bêta-lecteurs ne remarquaient pas les 256 problèmes que j'avais relevés, mais seulement 1 ou 2. Je me suis alors rendue compte que le problème, ce n'était pas le texte en lui-même, mais moi-même. Mon jugement est totalement faussé, car je suis trop exigeante. Je me mets la pression, je me compare avec mes auteurs préférés ou d'autres grenouilles dont je suis fan, et je manque cruellement de confiance en soi. Bilan : tout ce que j'écris n'est jamais satisfaisant. Quelquefois, je concède que certains bouts sont bons (mais les BL montrerons qu'en fait non alors tout s'effondre !).

Je pense donc (et ce n'est que mon avis issu de mon expérience personnel énoncé ci-dessus) que le travail principal à réaliser n'est pas sur le texte en lui-même, mais sur les blocages personnels qui nous empêchent d'avancer.

mais je ne peux pas m'empêcher d'être insatisfaite et je trouve ça déprimant et pas du tout encourageant pour continuer...

Il faut réussir à comprendre pourquoi tu n'es pas satisfaite, qu'est-ce qui te gêne ? La forme ? Est-ce important que ce soit super bien écrit dans une première version ? Le fond ? Y a-t-il un personnage qui t'embête ? Change le. Est-ce que l'idée que tu te représentes dans la tête n'est pas du tout la même que celle que tu as écrite ? (j'ai aussi tendance à trouver ça fade entre l'imagination et l'écrit) Mets de côté les descriptions compliquées, tu pourras y revenir plus tard, etc.

Je suis sûre que tu arriveras à avancer. L'écriture est un long processus d'apprentissage.

[Léonore]

J'ai tenté le côté itératif dont parle Léonore, mais ça n'a pas fonctionné, car au bout de 15 chapitres, j'étais épuisée d'avoir fait trop d'aller retour et finalement j'étais déprimé de ne jamais arriver à la fin de mes romans alors que d'autres allaient si vite.

Ah du coup j'ai une question, moi qui n'ai écrit de 6 chapitres : Est-ce que tu as accéléré au long de ton écriture de ses 15 chapitres ?

Moi je compte quand même là-dessus pour garder ma motivation au long court (pas que, hein, mais ça joue beaucoup, la patience c'est pas trop mon fort.) Pour l'instant ça marche, mais je me demande si on atteint pas une vitesse max impossible à dépasser. Enfin si, évidemment que c'est le cas, mais ce que je veux dire c'est que avec de l’entraînement j'espère pouvoir aller suffisamment vite et écrire suffisamment bien pour que le résultat me satisfasse avec un minimum d'effort et en un minium de temps. Le but c'est que ma motivation s'auto-alimente et que je n'ai presque plus à faire d"effort à ce niveau là.

C'est juste que j'ai peur de me heurter à une sorte de plafond de verre à un moment donné ; avant d'atteindre mon but, s'entend. Du coup, toi qui as testé plus longtemps que moi, est-ce que tu as expérimenté ce phénomène ?

Je me suis alors rendue compte que le problème, ce n'était pas le texte en lui-même, mais moi-même.
[...]
Je pense donc (et ce n'est que mon avis issu de mon expérience personnel énoncé ci-dessus) que le travail principal à réaliser n'est pas sur le texte en lui-même, mais sur les blocages personnels qui nous empêchent d'avancer.

+1000 !

[chenipancinq]

Coucou tout le monde,

Merci pour vos réponses qui sont très intéressantes ! Je me demande si le fait que je n'ai pas écrit de VRAI synopsis (car pour l'instant j'ai juste utilisé la méthode des pourcentages) joue un rôle Parce que du coup, je suis au prologue et... c'est un peu à la one again ! J'ai l'impression de ne pas trop savoir où aller, et je sais qu'un synopsis m'aiderait à y voir beaucoup plus clair, mais je ne sais pas en écrire

En tout cas, je note ta méthode, Léonore. Je crois qu'inconsciemment, je la fais naturellement car j'ai tendance à toujours relire ce que j'ai écrit pour voir comment je pourrais continuer un chapitre. Là, le même problème que toi se pose : je suis lente comme un escargot !

Merci encore en tout cas
chenipancinq

[Kaouraintin]

Hello Chenipancinq

Je suis également dans la team improvisation, et je dois parfois m'arrêter en me disant: "bon, là, il me faut une péripétie, ça devient ennuyeux, qu'est ce que je peux mettre?"
Donc comme toi, je me suis posé la question du synopsis, et je l'ai fait, mais ça a été une grosse déception : après avoir fini le synopsis, je n'avais plus envie d'écrire l'histoire, car, ça y est, je l'avais raconté (sous une forme étrange, soit, mais elle existait, donc plus besoin de bosser dessus...)

Ainsi maintenant, je me contente de cinq tirets environ, où je décris en une phrase succinte la situation ou l'incident, ainsi que l'atmosphère globale à ce moment du récit.
Ça me donne un cap général pour que l'histoire ne parte pas en vrac, tout en me laissant une liberté complète entre deux points clés.

[NaNa]

Si tu as fait je crois 5BL, tu peux avoir accès à la section des synos. Je ne sais pas si tu as déjà accès ou non à ce sujet. C'est sur les synos de soumission, donc pas tout à fait la même chose, mais ça peut donner des pistes. Notamment dans un syno de travail, tu es beaucoup plus libre.
Il y a aussi la méthode des flocons (je te laisse chercher si ça t'intéresse) mais perso je trouve ça très lourd et chiant comme façon de faire. L'idée c'est que tu pars du pitch, puis à partir du pitch tu fais un petit résumé, à partir du petit résumé tu développes, et etc.

Sinon ce que je fais, c'est que je découpe ce qui se passe par chapitre. Cela dit je le fais de moins en moins aussi strictement sauf exception. Surtout je me demande : où est-ce que je veux être à la fin du roman ? Et ensuite : pourquoi mes persos n'y arrivent pas tout de suite et comment ils arrivent ?

[Elikya]

Coucou tout le monde,

Merci pour vos réponses qui sont très intéressantes ! Je me demande si le fait que je n'ai pas écrit de VRAI synopsis (car pour l'instant j'ai juste utilisé la méthode des pourcentages) joue un rôle Parce que du coup, je suis au prologue et... c'est un peu à la one again ! J'ai l'impression de ne pas trop savoir où aller, et je sais qu'un synopsis m'aiderait à y voir beaucoup plus clair, mais je ne sais pas en écrire

En tout cas, je note ta méthode, Léonore. Je crois qu'inconsciemment, je la fais naturellement car j'ai tendance à toujours relire ce que j'ai écrit pour voir comment je pourrais continuer un chapitre. Là, le même problème que toi se pose : je suis lente comme un escargot !

Merci encore en tout cas
chenipancinq

Pour ma part, je me dis que le seul objectif du premier jet, c’est d’exister.
Lors du premier jet, je me raconte l’histoire à moi-même, avec toutes ses imperfections, et c’est seulement lors des corrections que j’ai pour objectif de la rendre lisible par un autre lecteur. C’est une méthode qui fonctionne bien pour moi, car en bonne jardinière, je laisse beaucoup de place à mon inconscient lors de l’écriture du premier jet. Sa structure est complètement foutraque, mais avec l’expérience j’ai confiance en mes capacités de correction.
En ce qui me concerne, je considère mes romans comme une boucle, ou un serpent qui se mord la queue. Je ne peux donc pas écrire un bon début sans connaitre la fin. Le début du premier jet est mauvais, c’est normal, et c’est seulement en ayant écrit la fin que je pourrai écrire un bon début. C’est pour cela que m’acharner à réécrire le début ne servirait à rien avant d’avoir fini le premier jet.
On dit que la première phrase du roman doit contenir le roman tout entier.
Il faut donc écrire le roman tout entier pour que la première phrase soit bonne.

[chenipancinq]

Misère ! je vois à vos différentes réponses qu'en fait... il n'y a pas une seule et unique manière de faire !!
Je vais essayer la méthode du flocon qui me paraît plutôt bien pensée, mais je note toutes vos propositions. Si je vois que ça me ne convient pas, j'essaierai une autre etc. !

Merci encore
chenipancinq