Nadine a écrit :Dès le premier chapitre où il intervient vraiment, je le présente comme quelqu'un qui ne sait ni lire, ni écrire, et qui a un panel de mots assez restreint.
Je note plusieurs points dans tes questions.
D'abord, je dois préciser qu'analphabète, ça ne veut pas dire idiot.
Ça veut simplement dire : n'a pas appris à lire ou à écrire.
C'est tout !
Ce qui signifie en clair qu'on peut avoir un vocabulaire très étendu, et être analphabète.
Tu peux aller au théâtre, écouter les plus grands orateurs et savants du monde, leur répondre... tout en étant analphabète.
Donc, l'utilisation des verbes faibles me paraît sujette à caution... surtout en se basant seulement sur le côté analphabète. Idem pour son côté "limité" dans le langage, qui l'attire plus vers le côté débile que vers celui de l'intelligent que tu décris.
Petit exemple... regarde les enfants de 2, 3, 4, 5 ans qui ne savent encore ni lire, ni écrire. Ils sont analphabètes, mais ô combien chiants avec leurs questions pointues.
Tu leur donnes un mot, même compliqué, ils l'utilisent. Très souvent de manière juste et efficace. Les plus intelligents (les plus curieux ? *) d'entre eux comprennent quand même (en voyant leurs parents, ou leurs aînés) qu'une bonne part du monde (de notre monde "écrit") ne leur est pas accessible s'ils ne savent pas lire, ni comprendre les signes.
(* : ici, je ne dis pas qu'un enfant qui reste tranquille dans son coin n'est pas curieux. L'eau qui dort enregistre beaucoup de choses,
et un enfant perçoit - plus souvent qu'un adulte - autre chose, dont les conflits latents entre les parents. Parce qu'il apprend à décoder le langage non verbal. Et là, on est tous analphabètes à ce niveau... mais on apprend quand même !)
Donc, l'analphabétisme ne justifie pas les verbes faibles. (sauf pour un enfant retardé)
Par contre, on peut les justifier dans l'enfance de ton héros.
Et dans cette appropriation de nouveaux mots dans son vocabulaire (ce qui montre une évolution)
Si je devais me baser sur la société que tu décris, je pencherais aussi pour une volonté affirmée des riches à empêcher l'intelligence des "pauvres", ce qui pourrait - de nouveau - expliquer la carence du vocabulaire de ton héros. (l'effacement des signes, des lettres, l'élimination discrète des "profs" - ceux qui donnent du sens aux lettres - pourrait aussi contribuer à cette carence)
Là où je ne crois pas trop à
"(il essaye même d'aider une bande de jeunes qui tente de percer les mystères de la lecture, comment fait-on pour former un son, puis un mot avec des lettres quand on ne nous a pas appris : constat qui part qu'un nom ça fait des sons avec des lettres)"
c'est qu'il y manque l'inévitable pierre de Rosette.
Prends des hiéroglyphes égyptiennes et amuse-toi à les prononcer.
Je te souhaite bien du plaisir... et on a de nombreuses tablettes où des signes sont écrits, mais complètement "illisibles" (au niveau du sens)
Si tu n'as personne pour t'apprendre le sens des lettres, tu ne peux pas y arriver.
(Toutefois, une machine peut te l'apprendre, mais c'est une personne par défaut)
Autre point qui me chagrine dans ton histoire.
C'est la notion de Soleil Vert... du fait que les riches vont manger les pauvres.
A cela s'oppose deux évidences, l'une mathématique, l'autre biologique.
La mathématique est là pour dire : si tu as de quoi nourrir dix personnes, tu n'as pas de quoi en nourrir cent.
Et certainement pas pendant 16 ans de vie !
Donc, on peut accepter qu'une chute brutale des ressources en nourriture oblige les riches à canibaliser les pauvres... mais cette situation ne peut pas durer.
Pas durer sans apport extérieur.
Ce qui amène à la part biologique de l'histoire.
Si tu as des prédateurs en petit nombre par rapport aux herbivores de tout poils et plumes, c'est bien pour une raison. La niche écologique ne peut par nourrir un prédateur pour un herbivore.
Et l'herbivore ne peut pas non plus se nourrir d'une seule plante.
Si le prédateur en haut de la chaîne alimentaire (tes riches) peut se nourrir dans le temps, c'est bien parce que les herbivores transforment une denrée que le prédateur est incapable d'ingurgiter. Ou même s'il en est capable, le rendement de conversion énergie retiré de la nourriture est si faible qu'il n'assure pas la survie. (Par exemple, tu peux manger tes chaussures en cuir, tissu animal, mais tu ne vas pas en tirer beaucoup d'énergie)
Bref, Soleil vert est un très bon film, mais il est totalement irréaliste sur le long terme.
Si tu dois manger dix humains par mois, il vient un moment, rapide, où tu te retrouves tout seul... Sauf si tu as des élevages/champs qui produisent une quantité maximale, mais insuffisante pour nourrir "toute" la population.
Mais, dans ce cas, la population s'arrête de croître parce qu'il n'y a plus de quoi nourrir les enfants. Soleil Vert, c'est du Malthus alarmiste, qui suppose une croissance démesurée sans aucune régulation naturelle.
Or cette régulation existe dans la chaîne alimentaire.
Si tu n'as plus (ou moins) d'herbivores, les prédateurs les plus faibles meurent... soit de faim, soit tués par les plus forts.
Et si les gens n'ont plus à manger (cf. l'Afrique ou la guerre), les enfants sont les premiers à mourir. (sauf sacrifice des parents, ce qui amène la mort de toute la famille si la situation se prolonge.)
Ce qui m'amène à penser que ton histoire de boucherie humaine, doit aussi s'appuyer sur une autre potentialité... Manger, manger beaucoup n'a de sens que si les riches sont incapables de manger ou de synthétiser certaines protéines. Sinon, ils peuvent très bien manger ce que mangent les pauvres et effacer ces derniers. Ils auront des parts plus grosses !
Oui, si tu en déduis que nourrir un animal de viande est moins avantageux que de cultiver la même quantité de champs (pour l'alimentation humaine), tu as raison ! C'est exactement le cas.
Tes riches peuvent aussi avoir besoin de transfusions de sang, ou de plasma, ou autre.
Mais en tout cas, tu dois avoir une solide raison au maintien des pauvres.
L'esclavage en est souvent une... parce que l'esclave est un excellent moteur physique, un bon robot humain. Cependant il faut le nourrir. Et c'est bien plus facile de nourrir une machine avec de l'énergie. (Surtout dans un dôme !
)
Celle-là, par contre, me fait rigoler !
Les Nobles meurent jeunes eux aussi (la cinquantaine). D'infarctus, de problèmes rénaux. La viande qu'ils mangent au fast food est cuite dans la graisse.
Comment, ils ne connaissent pas la diététique dans ton dôme ?
Si en plus, il y a de la graisse, je ne vois pas où se trouve la pénurie de nourriture !
Par contre, pour les problèmes de santé, ça me paraît évident. Consommer de la viande humaine, tout le temps, c'est sans doute très mauvais. Tu choppes toutes les cellules déficientes des individus que tu manges. Et si les prédateurs d'une même espèce ne se mangent pas entre eux (sauf cas exceptionnel de famine et de survie), c'est qu'il y a des raisons.
L'une d'elles, c'est sans doute que de telles cellules passent plus facilement dans le sang, et ne sont pas bien ou pas du tout filtrées par les membranes de l'intestin.
On dit souvent qu'on devient ce qu'on mange... ce qui contient une part de vérité, et d'évidence (au moins au niveau cellulaire
).
Bref, ton histoire pose quand même quelques problèmes de fonds.
Que l'utilisation "voulue" des verbes faibles (pas facile comme tu le dis, surtout quand on veut demeurer intéressant) ne saurait résoudre à elle seule.
Oui, quand c'est voulu... c'est voulu. Et ça se voit !
Ce qui est toute la différence entre un texte premier jet où on sent que les mots ont été jetés sur le papier plutôt que pesés et réfléchis. Et la réflexion se note dans la sonorité de la phrase, dans sa cadence, dans l'absence d'ambiguïté et dans les images créées.
On peut écrire simplement.
Mais les mots faibles sont faibles parce qu'ils n'apportent pas beaucoup de sens et de matière.
Il ne faut pas les confondre avec des mots "simples".
Les mots simples peuvent être redoutables de précision.
Et n'oublie pas que ton histoire, c'est quelqu'un qui la raconte (c'est sa vision, ou la vision de plusieurs narrateurs). Ce quelqu'un n'est pas toujours le héros, même si on peut partager sa tête (sa monture) tout du long.
Bien Amicalement
L'Amibe_R Nard