Un sujet très intéressant… ! Je vais donc tenter d’apporter ma pierre à l’édifice.
Mais avant de rebondir sur ce qui a été dit, je vais parler un peu de la façon dont j’ai abordé la question du lieu dans mon roman.
Je suis parti d’un endroit que je connais bien, pour être allé m’y promener souvent : la montagne noire, au-dessus de Revel. Ce lieu me paraissait adapté pour mon roman. Néanmoins, une chose ne collait pas : il me fallait une ville proche de quelques kilomètres et possédant un hôpital digne de ce nom. Imaginer un nouvel hôpital dans la ville de Revel me paraissait hasardeux. De plus, j’avais en tête l’image de ma ville « idéale », construite sur la base d’un petit village tout près de Revel.
J’ai donc décidé, à l’instar de certains écrivains (notamment US comme Stephen King) d’inventer une ville. Je l’ai plantée à la place du village dont j’ai parlé plus haut, ce qui m’a permis de croire, moi aussi, à mon propre décor et, donc, de maintenir une certaine cohérence (il m’est déjà arrivé d’inventer un lieu en partant de rien, puis de constater, au bout de quelques pages, que mon cerveau se mélangeait les pinceaux au point d’imaginer des éléments incohérents les uns avec les autres !).
Finalement, je suis content du choix que j’ai fait. Cela m’a permis d’écrire sans trop me préoccuper du lieu, puisque je le connaissais déjà. J’ai juste fait une ballade là-bas, peu de temps avant de me mettre à écrire, afin de m’imprégner des endroits où mes personnages allaient évoluer. J’ai pris des notes, aussi, durant cette promenade : flore, géographie, histoire, ambiance, chemins et lieux remarquables. Je ne les ai pas toutes intégrées dans mon récit : je n’ai utilisé que les informations qui me paraissaient utiles ; celles, en fin de compte, qui me sont revenues spontanément en mémoire au fur et à mesure que j’écrivais. Je n'ai consulté mes notes que pour apporter quelques détails. Mon unique but était d’apporter une touche de crédibilité à mon histoire, pas de dresser une carte détaillée.
Ma réponse à la question posée au début de ce topic est donc évidente : je mélange le réel et l’imaginaire et cela me va très bien ainsi, pour le moment. Cela me permet de baliser le terrain, tout en gardant une grande liberté de création et, ainsi, réduire le risque de tomber dans des incohérences.
Je ne me vois pas encore écrire une histoire qui se déroulerait dans un pays où je ne serais jamais allé. Au fond de moi, j’aurais du mal à croire à mon récit. Je ne me sens pas prêt pour ce genre d'exercice. En revanche, imaginer tout un monde me plairait bien. J’y songe. Mais ce ne sera pas pour tout de suite.
Asia M a écrit :
Mais c'est vrai que c'est étrange: les Français aiment les histoires qui se passent hors de France, parce que ça les dépayse. Les Américains aiment les histoires qui se passent aux États-Unis, parce que cela leur est familier. Ça en dit long sur la mentalité de ces deux peuples et leur rapport à leur propre pays...
Je suis d’accord avec toi. Quant à l’argument de l’aspect financier qui veut qu’un roman se passant à l’étranger (à fortiori les USA) soit plus vendeur, je pense qu’il joue aussi chez les éditeurs et les auteurs depuis quelques années. Et je pense que l’une des principales raisons est que Marc Lévy a lancé la mode. Son premier livre a fait un carton. Du coup, un engouement pour ce genre de « délocalisation » (
) a vu le jour et d’autres auteurs se sont engouffrés dans le filon. Alors, bien sûr, les écrivains parlent de ce qu’ils connaissent en premier, car c’est un gage de crédibilité pour un récit. Mais n’y avait-il pas une demande ou, plutôt, une attente du lectorat français à ce niveau-là ? Car il ne faut pas perdre de vue que les adultes d’aujourd’hui ont baigné depuis leur enfance dans la culture américaine avec l’arrivée des séries US en France dans les années 70-80. Et c’est encore plus vrai aujourd’hui. La culture US s’exporte bien depuis toujours, ce n’est pas nouveau. Du coup, rien d’étonnant à ce que ces lecteurs adhèrent en masse à cette « américanisation » des écrivains français (et les écrivains des autres pays, d'ailleurs: sont-ils touchés par le même "mal" ?). Dernier point que je voulais souligner sur ce sujet : la mondialisation. A l’heure où Internet abolit les frontières, à une époque où les voyages d’un pays à l’autre (ou d’un continent à un autre) deviennent de plus en plus simples et abordables pour le commun des mortels, et tandis que le monde semble avancer inexorablement vers une sorte de « village mondial », où les peuples, autrefois si éloignés qu’ils s’affrontaient sans cesse, deviennent presque des voisins de palier prêts à s’entraider comme les membres d’une même famille, ce phénomène n’est-il pas tout simplement dans l’ordre des choses ? Si des romans comme ceux de Marc Lévy se vendent si bien aux quatre coins de la planète, n’est-ce pas aussi, peut-être, parce que nous, lecteurs, considérons que le monde (et non plus notre pays) est notre maison et que nous avons pris conscience que ce qui se passe à 10000 km d'ici nous affecte autant que si la distance n’était que de 100 m ?
Je ne jette donc pas la pierre à ceux qui ont fait ce choix, d’autant qu’il se pourrait bien que je le fasse aussi un jour pour un futur roman. Et si cela devait arriver, d’ailleurs, ce serait peut-être pour souligner cette théorie de la « globalisation des consciences »…
Milora a écrit :
Est-ce que je peux élargir un petit peu la question de départ ? (si c'est hors sujet, j'ouvrirai un nouveau fil)
Pour ceux qui écrivent dans des lieux où ils n'ont pas été... Comment faites-vous, concrètement, pour que ça fasse vrai ? Autant en fantasy j'ai l'impression que c'est faisable, parce que TOUT vient de l'auteur. Autant, dans ce cas-là...
Eh bien, en fait, je crois que j’ai apporté des éléments de réponse à ta question plus haut, en partageant mon expérience.
Macalys a écrit :
Surtout, depuis que j'ai découvert son petit bonhomme qui se balade dans les rues et permet de voyager dans plein de paysages du monde, je suis une adepte de Google Map.
Merci pour cette info ! Cela pourrait bien me dépanner en cas de besoin…
Iluinar a écrit :
Si c'est un endroit que je ne connais pas (je me rappelle avoir essayé un texte se passant en Palestine. J'ai abandonné en cours de route), j'ai beau faire des tas de recherches lire des textes, regarder des photos, ça ne suffit pas à s’imprégner assez de l'ambiance pour pouvoir la retranscrire. Parce que je crois que tout ce qu'on peut lire ou voir (y compris avec Google map), reste surtout dans le visuel. Or, une bonne description doit intégrer les cinq sens, le bruit, l'odeur, les sensations de toucher.
Macada a écrit :
Je n'écris pas sur un lieu ou un milieu culturel/social où je n'ai pas vécu ou que je n'ai pas l'impression de bien connaître.
Pour avoir cette impression, il me faut :
- au moins une petite expérience vécue : avoir été sur les lieux ou des lieux analogues, avoir connu personnellement des personnes de la culture/du milieu social
- avoir beaucoup lu de romans dessus et notamment d'auteurs "locaux". J'insiste sur "romans" parce que ce sont eux qui me donnent vraiment l'ambiance d'un endroit et de sa culture, qui permettent d'entrer dans la peau des gens du coin
- une bonne documentation écrite, photographique,... mais aussi audiovisuelle (les documentaires permettent aussi de "sentir" l'ambiance).
Autant écrire sur ce qu'on connaît bien, non ?
Je suis d’accord avec vous deux à 100%.
Rien ne remplace l’expérience directe. Et cela n’est pas uniquement valable pour le lieu de l’action.
Blackwatch a écrit :
Pour la question du "comment faire vrai alors qu'on n'y est jamais allé" il y a bien sûr la question de la documentation mais il y a aussi le piège où il ne faut pas tomber, à savoir noyer le lecteur sous des tonnes d'infos parce que l'auteur veut vraiment exposer ses recherches. C'est valable du point de vue historique comme géographique d'ailleurs.
Là encore, je ne peux qu’adhérer : le plus important, me semble-t-il, c’est l’histoire elle-même. Tout le reste ne doit avoir qu'un seul but : soutenir l'histoire, la rendre aussi réelle et crédible dans l'esprit du lecteur qu'elle l'est dans celui de l'auteur.
Et c’est tout ce que j’ai à dire à ce sujet…
(Petit jeu, tiens ! Qui trouvera d’où vient cette réplique ?)
A plus tard amies grenouilles !