J'ai lu rapidement le sujet, fort intéressant au demeurant, surtout quand on essaie soi-même de produire des écrits pour la jeunesse. Je vais donner mes idées dessus un peu dans le désordre, mais bon^^.
La fantasy a tendance à être étiquet?e jeunesse par le public non connaisseur essentiellement pour deux raisons amha:
- d'une part les oeuvres de ce genre connues des non intiés sont essentiellement destinées au jeune public (HP, Ewilan, Tara Duncan, Eragon...)
- d'autre part, la fantasy est un genre en plein essor et en plein développement qui se caractérise surtout par son côté "récr?atif", elle ne porte généralement pas de message particulier ni de réflexion contemporaine et ce n'est d'ailleurs pas ce qu'on lui demande. Il en est sans doute mieux ainsi. La SF, vieux genre, a eu le temps d'arriver à maturation et est généralement davantage porteuse de réflexions et de problématiques contemporaines que ne le laissent penser ses univers exotiques. Le futur est plus un prétexte à réfléchir sur le présent qu'un univers en soi.
Les attitudes négatives vis à vis de la fantasy que vous avez pu relever ici ou là sont regrettables, elles sont le reflet de préjugés bien franco-français qui opposent l'imaginaire, immature, au réalisme et à la réflexion sociale et philosophique. De même que les dessins animés et les films d'animation sont traditionnellement considér?s comme dévolus aux enfants en raison même du support. Je me souviendrais toujours de ma séance de ciné devant Titan AE: une salle pleine à craquer de familles avec de jeunes enfants et à la sortie, les trois quarts des gens n'avaient pas compris le film... Je n'ose même pas imaginer ce que ça aurait donné avec un film du genre "perfect blue":-D.
La littérature de jeunesse est un sujet de discussion savante qui pourrait nous emmener encore très loin: on en fait des séminaires, j'ai eu tout un cours sur le sujet dans le cadre de concours. On va dire qu'elle a des caractéristiques récurrentes mais qu'elle est tellement vaste qu'aucune généralité n'est possible dans le domaine.
- La LJ, c'est vaste: ça va des bébés lecteurs aux ados de 16-17 ans, alors c'est sûr, il y a un niveau de gore ou de violence que l'on peut se permettre avec le dernier échelon qu'on ne peut pas se permettre avec d'autres tranches d'âge. J'ai bien vu "Bunker" de Brussolo, dans la liste officielle de "Lire en fête" pour les plus de 16 ans et celui-là, il est violent^^.
Je suis d'accord avec ce que vous avez dit jusqu'à maintenant sur l'existence d'un public ado dans la littérature anglo-saxonne. On peut se demander si au final, la LJ ne se définit pas selon des choix éditoriaux. J'ai même entendu dire par un ami ancien bibliothècaire qu'il existait même des livres jeunesse peu ou pas lus par les enfants et qui servaient de base à des discussions savantes entre spécialistes...
- Les thèmes des études sérieuses tendent à montrer que des thèmes graves comme la mort, la misère, la guerre, ou encore le divorce ont tendance à être récurrents en littérature de jeunesse.Certains intéressent bien plus le jeune public en tout cas: les voyages, la piraterie etc. C'est ce qui fait que certains romans adultes, comme l'a dit Beorn, sont devenus des classiques jeunesse: Robinson Crusoe, L'île au Trésor, le dernier des Mohicans. Michel Tournier a même écrit plusieurs versions de l'histoire de Vendredi: "vendredi ou la vie sauvage" et "Vendredi ou les limbes du Pacifique" par exemple.
-Les livres de LJ ont généralement de jeunes héros auxquels s'identifier: des enfants, des ados qui deviennent héros. Certains ont toutefois de vieux héros (Pépé la Boulange, Le vieil homme et la mer, un autre livre adulte plébiscité par les enfants). Alors que paradoxalement, des livres avec héros enfants sont très adultes: les livres de Dickens par exemple.
- Les histoires de LJ ont généralement un style plus synthétique qui va à l'essentiel de l'histoire, et ce n'est pas un exercice évident pour l'auteur d'ailleurs. Ils peuvent se permettre un ton plus facétieux ou burlesque, même si ce n'est pas une règle générale: dans HP, les jeux de mots sur les noms ou certains clin d'oeil passent très bien et ne passeraient pas dans une fiction adulte.
Pour finir, des sagas comme HP ont passionné aussi les adultes car elles ont plusieurs axes et grilles de lecture: une fois pris au jeu, le lecteur adulte prend autant de plaisir que le lecteur enfant...
La domination jeunes adultes n'existent pas en France parce que c'est bien connu, les ados français ne lisent, pas, ils manifestent et bloquent, ça servirait donc à rien.
Choix éditorial malheureux: à part quelques acharnés comme le Navire, personne ne se donne la peine de comprendre ce public, de se mettre à sa place, de proposer des histoires qui en valent la peine. D'où sans doute le fait que beaucoup d'ados lâchent prise avec la lecture: tous n'arrivent pas à accrocher la production adulte sans passerelle.