Petit retour d'expérience sur StoryBook, que j'utilise depuis plusieurs mois maintenant, et qui m'est devenu indispensable.
Storybook kesseussé
Storybook c'est un de ces logiciels qui paraissent monstrueux quand on veut juste écrire une petite histoire. C'est un peu à l'écriture d'une histoire ce que InDesign est pour faire de la PAO (en gros tout ce qui va du flyer au magazine). Bref, ça fait énormément de choses, mais le ticket d'entrée est extrêmement élevé. Surtout sur celui ci, on le verra
Est-ce que cela peut m'intéresser ?
A vrai dire, tout dépend de ce que vous voulez écrire, et la façon dont vous écrivez. Comme je le disais, appréhender ce logiciel n'est pas facile, il faut vraiment que vous ayez sous la main une histoire qui vous dépasse un peu pour vous lancer la dedans la première fois.
Quand je dis "qui vous dépasse un peu" : projet de très grande taille (rappel d'usage : évitez une décalogie comme premier travail), qu'il soit un roman ou un univers (cf le Silmarillon), projet dont vous n'arrivez pas à concevoir la fin, etc.
Maintenant que j'en ai pris l'habitude, je l'utiliserais pour des choses plus simples si le besoin se fait sentir, comme par exemple une pièce de théâtre. Parce que, comme on le verra plus tard, apprendre à l'utiliser débloque d'autres choses
L'histoire éclatée
La première chose pour apprendre à utiliser Storybook, ou un de ses concurrents (Scryvener, Writer's Cafe), c'est désapprendre à écrire.
L'histoire n'est plus une suite de chapitres. Elle est beaucoup plus "éclatée" que cela. Et voici les "unités de découpage" que propose StoryBook
Structurel (ce qui a trait au "rendu final")
- Part : est prévu pour correspondre à un "tome". Une "Part" contient des "chapters", donc les chapitres
- Chapter : un chapitre est un assemblage de scènes. Ils sont traités en séquence, mais ici ils ne sont que structurels et ne préjugent pas de la chronologie de l'histoire (ce qui permet une structure narrative créative comme le "passé/présent/futur" de Dune)
Ces découpages structurels vont conditionner comment l'histoire sera "imprimée" dans le livre final.
Narratif (ce qui à l'historie elle même)
- Strands : c'est ce que je trouve être une particularité intéressante de StoryBook que je n'ai pas réussi à trouver ailleurs, c'est à dire les "trames scénaristiques". Certaines histoires sont racontées de plusieurs points de vue, ou ne sont compréhensibles qu'en ayant une compréhension de diverses sous histoires. Si on cite les aventuriers de la mer, on peut par exemple dégager une trame pour les pirates (2 personnages clefs), une pour les négociants (3/4 personnages), une pour les "renégats" (4 personnages, sans doute les plus centraux) et une pour les serpents (celle qui fait le lien avec les histoires suivantes). Il y a des moments où personnellement, je ne peux continuer à développer mon histoire globale qu'en me concentrant sur une trame particulière
- Characters, locations, items : les personnages, les objets et les lieux, sur lesquels il est possible d'être plus ou moins précis, jusqu'a précis des "espèces et genres" différents. Par exemple, si l'histoire se passe en 2013, que vous avez un vampire né en 1642, l'outil pourra vous dire s'il parait vieux ou pas, son age dans une scène précise, etc. De la même façon, si vous placez bien vos scènes dans le temps, alors vous aurez en permanence une évaluation de l'age de votre personnage (en gros vous ne vous retrouvez pas avec un personnage qui est adolescent pendant 24 ans) Vraiment pratique pour peaufiner au maximum l'histoire.
- Scenes : une scène est datée, localisée, s'inscrit dans une trame principale, mais peut être un lien entre plusieurs trames. Une scène, c'est un peu comme au théâtre : elle commence dès que le nombre de personnages et le lieu sont fixés. Un personnage rentre ? changement de scène. Changement de décor ? Changement de scène.
Comment se dépatouiller de tout cela
Et là, j'en ai déjà perdu certains. C'est plutôt compliqué, j'avais prévenu. Mais voyez plutôt.
Etape 1 : définir ses trames
C'est l'étape synoptique : vous pouvez avoir une seule trame, c'est assez vrai dans beaucoup de cas. Dans les caractéristiques de la trame, vous écrivez votre synopsis
Etape 2 : première ébauche scénaristique
C'est le moment ou vous "exorcicez" les trucs qui vous prennent le plus au tripes quand vous pensez à votre histoire. Grossièrement, vous créez juste les scènes, les personnages, les lieux, et vous donnez une description brêve, sans forcément rentrer dans le détail.
A cette étape, il est encore trop tôt pour penser chronologie exacte, personnalité peaufinée, etc.
Etape 3 : l'affinage successif
c'est le moment où l'on commence à remplir les vides : étapes intermédiaires, personnages secondaires ou personnages principaux non envisagés, lieux manquants, scènes liantes
Etape 3 bis : Commencer à écrire
Oui, ça parait être un peu tard. Vous pouvez à la rigueur commencer avant. A ce moment là, ne pensez pas encore "et avant ?" ou "et après" ? Ne pensez
surtout pas au chapitrage. Ouvrez une scène, et commencez à rédiger dans la fenêtre de la scène. Ecrivez la scène telle que vous l'avez décrite. Vous aurez le temps de repasser plus tard (pratique : vous pouvez mettre son status en "draft","première édition", "deuxième édition", etc)
Etape 4 : le détail
C'est à ce moment là que l'on va réellement utiliser le storyboard et les choses précises :
- Dates
- Distances
et regarder les rapports que donne l'outil : qui est ou, à quel moment, avec qui, avec quel objet ? C'est le moment où on écarte toutes les incohérences
Etape 5 : le chapitrage
Le storyboard vous donne une vision de votre histoire dans le temps... Mais vous n'êtes pas obligés de faire "scène 1 = chapitre 1". Il suffit juste de glisser les scènes sur les chapitres
Etape 6 : Admirer le résultat
Une fois le chapitrage fait, le logiciel générera un "livre", avec les chapitres dans l'ordre que vous avez défini, et le texte que vous aurez tapé dans les scènes
Les plus
Le premier, évident : le roman ne s'écrit pas "étape après étape". On peut écrire une scène vers la fin, une vers le début, les choses s'assemblent à la fin. Pour ceux qui s’essoufflent, une scène joliment décrite, qui sautera peut être au montage ou pas, peut remplacer une nouvelle (sauf si vous avez vraiment besoin de sortir de l'univers de votre écrit)
Les rapports : certes limités à la version payante, ils vous éviteront bien des haussements de sourcils
L'approche par dégrossissement : c'est une aide fabuleuse, elle permet de faire apparaitre les "manques" ou les "opportunités".
Par exemple : j'ai deux scènes majeures, mais en regardant de loin, je vois que rien ne peut lier l'une à l'autre. Il me manque une scène, peut être un lieu, un personnage, etc.
Du côté des opportunités, c'est vraiment là que je trouve que les choses deviennent magiques. On a une poignée de scènes en tête, avec les personnages, et on regarde ce qui se passe et "chpouf" , gros sourire : sans aller au darling, il peut se passer une situation extraordinaire que vous n'aviez juste pas imaginée auparavant. Et ça peut être tout un pan d'histoire qui apparait comme cela. Et cela parait tellement évident qu'après coup vous vous demandez pourquoi vous n'y avez pas pensé.
Avantages particulier de Storybook par rapport à la concurrence
- Les rapports
- La séparation entre le structurel et le narratif
- L'exhaustivité des détails
- Les trames
Les moins
C'est
lourd. J'insiste. On a presque l'impression de bosser plus que d'écrire parfois
On est vraiment dans l'approche méthodique douloureuse. Ca passe ou ça passe pas. Oubliez complètement ce genre d'outils pour écrire des nouvelles, à mon humble avis (sauf si vos nouvelles sont toutes dans un univers cohérent, mais à ce niveau là vous feriez mieux de tenir des fiches)
StoryBook en particulier est probablement le plus LOURD de tous. D'abord parce qu'il faut définir d'entrée dans quel niveau de détail vous allez vous aventurer. Et je vous garantis, StoryBook peut aller dans le pointilleux (coordonnées GPS d'un lieu et altitude ? Check - Stades de maturité d'un germinion, la petite créature mascotte de l'histoire ? Check)
StoryBook est OpenSource, mais
payant ! 40$ ce n'est pas la mort pour tout ce qu'il fait, mais quand même. La version gratuite existe, mais rajoutez à l'interface déjà pas très pratique un gros panneau de pub à gauche, et enlevez les rapports. Et si vous n'êtes pas connecté à internet ? Vous êtes considéré en version gratuite.
Enfin, et surtout, afin de marcher sur toutes les plateformes, StoryBook utilise une interface graphique Java extrêmement lourde, mal pensée, et peu réactive.
Conclusion
Un logiciel pas pour tout le monde décidément. A reserver aux bourrins du scenario. Pensez niveau Hobb, Martin, Herbert. Moins ambitieux, et ce logiciel est peut être un tantinet "trop" pour vous.
Auquel cas, vous pourrez vous rabattre vers des logiciels moins détaillés comme Scryvener ou Writer's Cafe
Mais pour être dans le cas ou comme votre serviteur (tout idiot que je suis, je sais, j'ai lu les aventures de Robert, mais c'est pas de ma faute, c'est l'histoire qui est comme ça) vous avez un énorme morceau à digérer... Je ne vois pas mieux.