Ouh là là quelle pluie de réponses !
Merci à tous, je vais essayer de récapituler tout ce que je viens de lire.
Macada a écrit :Anaïs a écrit :ne peut-on pas considérer que la répartition show/tell fait partie intégrante d'un style propre à l'auteur ?
Qu'entends-tu par là ?
En fait j'ai bien lu les exemples donnés plus haut dans le fil, comme :
Tell : "il était terrifié"
Show : "il haleta, le front couvert de sueur, tremblant de tous des membres".
Bon c'était pas ça mais c'était l'idée. En lisant ces deux phrases, j'ai eu l'impression que ce qui différait surtout, c'était le style de l'auteur. D'un côté, celui qui est concis et de l'autre celui qui ne l'est pas (voire qui en fait des kilotonnes). Je suppose que cette impression est en partie due au fait que pour illustrer le propos, on est obligé de prendre des exemples un peu caricaturaux. Du coup, ça m'a renvoyée à mes débuts d'auteur, quand j'avais tendance à verser dans le mélo en écrivant certaines scènes (soit dit sans vouloir vexer personne, mais franchement, donner minutieusement des réactions corporelles pour décrire les sentiments des personnages, ça peut avoir un côté un peu exagéré si on ne sait pas bien manier ces outils).
En tout cas, vos différentes interventions me laissent penser qu'il faut prendre la distinction show/tell à deux échelles :
- la macroscopique, quand on choisit quelles scènes on écrit - style "la bataille, en direct live" ou "compte-rendu de la bataille"
- la microscopique, quand à l'intérieur d'une scène on choisit de faire des descriptions très physiques, des actions et réactions des personnages, sans trop s'étendre sur le côté "réflexion" (ça c'est très caricatural, je sens qu'on va me tomber dessus à bras raccourcis)
Macada a écrit :Perso, la façon dont je décide ça est fonction de la tension que je veux mettre dans une scène/une péripétie.
Ok. Expliqué comme ça, je crois que je comprends plus l'intérêt du show
Beorn a écrit :A mon sens, aucune des deux techniques n'est ni bonne ni mauvaise. Le problème, c'est que beaucoup d'auteurs ont tendance à choisir le "tell" sans trop y penser, de façon naturelle, c'est un peu la voie de la facilité ("je vais vous expliquer les choses").
En effet, c'est comme pour tout, il faut savoir doser les deux. Je me souviens d'un texte auto-édité qui m'avait laissé l'impression de lire un résumé ou un syno, je réalise maintenant que c'était parce que l'auteur n'avait employé quasiment que du "tell".
Emmanuelle a écrit :le show/dont tell permet de parler davantage à l'inconscient du lecteur, donc favorise ce que les auteurs cherchent avant tout = l'identification du lecteur au personnage.
Je n'avais jamais trop réfléchi à ça, mais quand je regarde les phrases citées en exemple plus haut, je ne m'identifie pas plus spécialement à la description clinique de la peur. Je vais essayer d'y réfléchir dans mes prochaines lectures (là je suis sur du Victor Hugo, vous croyez qu'il usait plus de tell ou de show ?).
Roanne a écrit :Un autre corollaire est le fait que "montrer" demande des scènes "détaillées" et prend généralement plus de place que "dire" les choses. (décrire une éruption, c'est plus long que de dire que le volcan est en éruption)
On en revient à ce que disait Macada sur les choix à faire selon les passages où on veut de la tension ?
Roanne a écrit :Je conçois un texte selon les tensions et les relâchements de tension que je désire et cela me définit où je dois mettre une scène en show/émotions/détaillée et où je peux(dois) mettre du tell/reposant/synthétique.
C'est très intéressant en théorie, mais en pratique je me rends compte que j'ai beaucoup de mal à laisser parler ma créativité quand je me donne des guides de ce genre. Ou alors il faut travailler de cette manière une fois qu'on a le syno en tête, pour savoir où mettre la tension ?
Emmanuelle a écrit :oui, mais qu'est-ce qu'on cherche à susciter? La poésie et la beauté des mots, c'est bien, ça prouve la qualité de l'écrivain, sa culture et parfois son habileté. Mais si le but est que le lecteur rentre dans la peau du personnage, vive son histoire, soit incapable de lâcher le bouquin, et reste dedans alors même qu'il est terminé
Hum. Est-ce qu'on écrit vraiment au départ pour susciter des réactions chez le lecteur ? Est-ce qu'on n'essaie pas surtout de se faire plaisir, de vivre soi-même dans un autre monde pendant le temps de la séance d'écriture ? Je dis ça, mais je crois qu'en ce qui me concerne ça dépend des jours : parfois je veux juste que mon esprit accouche de mes histoires, pour qu'elles sortent un peu de ma tête, d'autres fois j'ai envie de devenir la nouvelle JK Rowling
(bon là je suppose qu'on est HS)
Francis Ash a écrit :Rassure-toi jeune padawane, j'ai découvert le show don't tell en mettant la première palme dans la mare
Oui, je m'en doute bien pour le terme. Mais pour l'impression à la lecture ? Tu réponds un peu plus loin dans ton post d'ailleurs : tu as déjà pressenti que parfois le déséquilibre ou le choix peu judicieux de l'un ou de l'autre pouvait te déplaire. Et en discutant ici, je me suis rendue compte que j'avais eu cette impression dans un cas extrême. Simplement, je me demande si c'est quelque chose que j'arriverai à détecter maintenant dans les romans qui hantent ma PAL... Je vous dirai ça
Francis Ash a écrit :Autre vertu du show : ça m'oblige à mieux visualiser ce que je décris.
Tout à fait d'accord là-dessus
Francis Ash a écrit :On ne peut pas tout mettre en show, sinon une nouvelle de 30K SEC se transformerait en novelle de 100K
Et surtout, le texte perdrait de l'intérêt. Tu imagines, une focalisation sur le nombre de mouvements que mettrait le protagoniste à nouer ses lacets et à vérifier qu'il a tout ce qu'il faut dans son sac ? (sauf si c'est pour une version humoristique !)
Beorn a écrit :Dire qu'un enfant est triste, cela peut passer par le show (il a les yeux vides, il pleure, il baisse la tête) mais cela peut aussi passer par le tell (raconter que sa mère le battait à mort, que dans sa tête, c'est un abîme de tristesse, etc.).
Patatras, ma compréhension du show don't tell s'effondre. Beorn, ton deuxième exemple me semble autant participer du show que ton premier, dans le sens où j'ai en tête l'image d'une mère battant son fils. Chuis perdue ! (tiens en continuant ma lecture des posts, je vois qu'Emmanuelle a la même analyse que moi).
LynVie a écrit :Mais au-delà de ça, cette notion m'a un peu perturbée, dans le sens où elle m'est apparue contradictoire avec la notion de "chaque mot doit être utile". En gros il est souvent conseillé pour élaguer le texte de supprimer les mots dits superflus (tels adverbes et autres de cet acabit) mais quand on y regarde de plus près, le show est souvent plus long à écrire que le tell et est plus truffé de qualificatifs que le tell...
En fait, quand j'élague, en ce qui me concerne, c'est pour virer tout ce qui me semble redondant, ou qui participe de la surenchère, ou qui effectivement n'apporte rien. Le show doit servir, de ce que j'ai compris, à la meilleure caractérisation des personnages, à ajouter de la tension, à permettre de mieux visualiser une scène. Si tu as lu tout le fil, il y a un exemple donné de redondance :
Robert s'insurgea contre le gouvernement.
- Non, le gouvernement ne peut pas augmenter les taxes ! C'est impossible ! On ne peut pas les laisser faire.
- Eh si, dit Louise. Il va falloir s'y faire.
ilham a écrit :quelque chose de simple, lecture divertissante . Ou quelque chose de plus littéraire...
D'après ton post, le "tell" donne du divertissant, le "show" du littéraire ? Ou c'est le déséquilibre entre les deux dont tu parles ?
Tu parles de Werber, selon toi il donne plus dans le "tell" ? (j'ai encore vaguement en tête un bouquin de lui alors ça m'intéresse).
Kam'Ui a écrit :Personnellement, je ne fais pas la chasse au Tell. Parfois, je le trouve justifié et j'adore en trouver dans mes lectures
Tu en cherches quand tu lis ? Ça ne te déconcentre pas trop de la lecture ?
@ilham : je découvre ton post avec les extraits des Misérables, merci ! J'avais oublié la beauté de la plume de Victor Hugo
Dans le passage où Valjean s'assied devant l'âtre, il me semble effectivement que c'est du show/tell.
Par contre :
Cependant, aux paroles du paysan : est-ce que vous seriez l’homme ?... la femme s’était levée, avait pris ses deux enfants
dans ses bras, et s’était réfugiée précipitamment derrière son mari, regardant l’étranger avec épouvante, la gorge nue, les yeux effarés, en murmurant tout bas : tso-maraud
D'après toi c'est du show, mais la femme a un regard "épouvanté", c'est du tell non ?
Bon ce post est épouvantablement long, alors un coup de
pour ceux qui sont parvenus jusqu'au bout.
En tout cas, merci tout plein à toutes les grenouilles qui ont contribué à cette petite discussion, je crois que je commence à comprendre le sujet.