Comme d'hab je prends ce fil en cours de route, mais j'ai la flemme de lire 7 pages, désolée si j'enfonce des portes ouvertes.
Ce sujet m'intéresse, car je suis correctrice pour les Editions Voy'el. C'est d'ailleurs ce qui me fait hésiter à me lancer dans la béta - outre le manque de temps - car les deux choses sont différentes.
Peut-on tout dire ? A mon sens, oui. Évidemment, il y a la façon de dire ce "tout". Mais en y mettant les formes, ça passe. Et si ça ne passe pas, c'est que l'auteur, en face, ne voulait pas une correction mais des compliments. Or, un correcteur n'est pas là pour ça.
On me donne un texte à corriger, je le corrige. C'est à dire que je pointe tout ce qui (à mon sens, bien sûr, c'est tout de même assez objectif) ne va pas. La grammaire et l'orthographe, c'est facile. Ensuite, dès qu'on touche au style, c'est plus complexe. Mais il y a des "trucs", des choses que j'ai apprises, souvent à la dure, au fil du temps, de ces choses qui ne s'acquièrent qu'avec l'expérience, et dont j'essaie de faire profiter les jeunes auteurs. Bon, dit comme ça, ça peut faire un peu "je me la pète".... Mais ça fait 30 ans que j'écris, je pense donc savoir un peu de quoi je parle
Je corrige, donc. Si une phrase est tordue, je la redresse. Si une situation est absurde, je la signale. Et, oui, je propose souvent des reformulations. Mais ce ne sont que des suggestions, et l'auteur, juge en dernier ressort, est libre de dire oui ou non (après tout, le correcteur peut se tromper, je l'ai vu pour le tome 3 de
GeMs, la correctrice était totalement passée a côté de ce que nous avions voulu exprimer et ses corrections cassaient tout le suspense...). Et si l'auteur trouve une meilleure formulation, c'est parfait !! Les corrections que je propose ne sont en aucun cas des obligations, juste un exemple de ce qui pourrait être "mieux". J'essaie aussi dans la mesure du possible de me mettre dans la peau du "lecteur lambda", afin de signaler ce qui fait tiquer.
Quand je corrige, je corrige TOUT. Je ne suis pas là pour ménager la susceptibilité de l'auteur (je suis auteur aussi, je sais donc que ce n'est pas évident, mais "c'est pour ton bien, tu me remercieras plus tard"
). Derrière moi, il y a un éditeur qui ne prendra pas de gants pour refuser un mauvais texte (et virer un auteur drapé dans sa dignité mal placée qui refuse de se corriger)... et encore derrière, il y a les lecteurs, qui ne prendront pas de gants non plus pour dire ce qui ne va pas, et que "quand même, pour le prix où on paie le bouquin, ça aurait pu être correctement corrigé". Et comme je l'ai dit au début, si on donne son texte à relire juste pour recevoir des fleurs, on s'est trompé d'endroit. La famille et les copains sont là pour ça (en général, c'est le plus mauvais des publics...). Pas le correcteur. Je me répète, mais c'est vrai.
C'est peut-être là ou correction et béta divergent... vu que je corrige en vue d'une publication certaine (quand j'entre en scène, c'est que le contrat d'édition est signé). Dîtes-moi si je me trompe, mais la béta intervient plus en amont, quand le texte est encore à l'état de projet, en cours de rédaction. A ce moment, ce sont plus des conseils qui vont aider à améliorer ce texte. Dans mon travail de correction aussi, je m'efforce de conseiller, d'aider l'auteur a murir et "trouver son style". On n'écrit pas de la même façon à 20 ans qu'à 40, je le constate tous les jours, il y a des petits "défauts de jeunesse" qui vont disparaitre au fil des ans et du travail. Mais la correction avant édition a un aspect plus "définitif" et parfois l'auteur manque de temps pour tout revoir en profondeur et aura donc tendance a accepter les suggestions pour aller plus vite (surtout quand la deadline était pour avant hier
).
Mais dans les deux cas, toute correction/critique se doit d'être constructive ! "Ton truc il est nul" n'a jamais été une bonne critique, ni un moyen d'aider l'auteur, vous le savez comme moi. Je m'efforce donc de justifier mes corrections. Par exemple, j'ai lu un jour "une légère colline" et j'ai expliqué à l'auteur qu'il était maladroit d'utiliser un mot ayant un concept de poids pour décrire un concept de volume... (faites attention au sens profond des mots, j'ai vu souvent de jeunes auteurs vouloir en faire trop, en utilisant des mots complexes totalement à mauvais escient. Un bon texte n'est pas forcément bourré de mots compliqués...)
Bref, tout dire, à mon avis oui. Mais en l'expliquant et en le justifiant. Désolée d'être brutale mais si l'auteur en face le prends mal, pourquoi diable a-t-il/elle demandé une relecture ?? Autant rester vautré sur ses lauriers et ses illusions de perfection Ne riez pas, j'ai récemment croisé quelqu'un qui m'a affirmé sans rire "Oh mais de toute façon mon texte est parfait pas besoin de corrections".... j'aimerais bien que ce soit vrai, j'aurais moins de boulot. Hélas, le texte parfait n'existe pas. Un auteur doit faire preuve d'humilité et savoir se remettre en question (mais pas non plus se laisser marcher dessus, hein). Le pire que j'ai vu fut tout de même le cas d'un auteur hyper susceptible qui hurlait au viol de son œuvre dès que je voulais changer une virgule et à même menacé de tout détruire vu que "c'est modifié, c'est plus
mon texte !!". Autant vous dire que cette personne n'a jamais été publiée et en est restée au stade du cahier au fond du tiroir... Il faut donc savoir ce qu'on veut.