Voici d'ailleurs les premières répliques de ce chef-d'oeuvre, aie confiance Tristeplume
LES EKKLÉSIAZOUSES ou L'ASSEMBLÉE DES FEMMES
PRAXAGORA. O brillant éclat de la lampe d'argile, commodément suspendue dans cet endroit accessible aux regards, nous ferons connaître ta naissance et tes aventures ; façonnée par la course de la roue du potier, tu portes dans tes narines les splendeurs éclatantes du soleil : produis donc au dehors le signal de ta flamme, comme il est convenu. A toi seule notre confiance ; et nous avons raison, puisque, dans nos chambres, tu honores de ta présence nos essais de postures aphrodisiaques : témoin du mouvement de nos corps, personne n'écarte ton œil de nos demeures. Seule tu éclaires les cavités secrètes de nos aines, brûlant la fleur de leur duvet. Ouvrons-nous furtivement des celliers pleins de fruits ou de liqueur bachique, tu es notre confidente, et ta complicité ne bavarde pas avec les voisins. Aussi connaîtras-tu les desseins actuels, que j'ai formés, à la fête des Scires, avec mes amies. Seulement, nulle ne se présente de celles qui devaient venir. Cependant voici l'aube : l'assemblée va se tenir dans un instant, et il nous faut prendre place, en dépit de Phyromaque, qui, s'il vous en souvient, disait de nous : « Les femmes doivent avoir des sièges séparés et à l'écart. » Que peut-il être arrivé ? N'ont-elles pas dérobé les barbes postiches, qu'on avait promis d'avoir ou leur a-t-il été difficile de voler en secret les manteaux de leurs maris ? Ah ! je vois une lumière qui s'avance : retirons-nous un peu, dans la crainte que ce ne soit quelque homme qui approche par ici.
PREMIÈRE FEMME. Il est temps, avançons ; tout à l'heure, quand nous nous sommes mises en marche, le héraut de la nuit disait pour la seconde fois : « Cocorico ! »
PRAXAGORA. Et moi, à vous attendre, j'ai veillé toute la nuit. Mais, voyons, je vais avertir la voisine, en grattant légèrement à la porte ; car il ne faut pas que son mari la voie.
PREMIÈRE FEMME. J'ai entendu, en me chaussant, le frôlement de tes doigts ; je ne dormais pas. Mon mari, ma chère, un marin de Salamine, m'a tournée et retournée toute la nuit entre les draps, et c'est tout à l'heure que j'ai pu prendre ses habits.
PRAXAGORA. J'aperçois Clinarétè, Sostrata, et Philaenétè, venant avec elles. Hâtez-vous donc ! Glycè a fait serment que la dernière venue nous paierait trois conges de vin et un chénice de pois.
PREMIÈRE FEMME. Voyez-vous Melistikhè, la femme de Smicytion, qui accourt avec les chaussures de son mari ?
PRAXAGORA. C'est la seule qui me paraisse l'avoir quitté à son aise.
DEUXIÈME FEMME. Eh ! ne voyez-vous pas Geusistratè, la femme du cabaretier, ayant une lampe à la main ? Et la femme de Philodorétos, et celle de Chérétadès ?
PRAXAGORA. Je vois accourir une foule d'autres femmes, qui sont l'élite de la ville.
TROISIÈME FEMME. Pour moi, ma très chère, j'ai eu grand-peine à m'enfuir en me glissant. Mon mari a toussé toute la nuit, pour s'être bourré, le soir, de sardines.
PRAXAGORA. Asseyez-vous donc, afin que je vous demande, puisque je vous vois réunies, si vous avez fait ce dont on était d'accord aux Scires.
QUATRIÈME FEMME. Moi, d'abord, j'ai rendu mes aisselles plus hérissées qu'un taillis, comme c'était convenu. Quand mon mari me quittait pour aller à l'Agora, je me frottais d'huile tout le corps, en plein air, et je m'exposais debout au soleil
CINQUIÈME FEMME. Moi, de même : j'ai commencé par jeter le rasoir hors de la maison, afin de devenir toute velue et de ne plus ressembler en rien à une femme.
PRAXAGORA. Avez-vous les barbes que je vous ai recommandé à toutes d'avoir pour notre assemblée ?
QUATRIÈME FEMME. Par Hécate ! moi, j'en ai une belle.
CINQUIÈME FEMME. Et moi, peu s'en faut, plus belle que celle d'Épicrtès.
PRAXAGORA. Et vous, que dites-vous ?
QUATRIÈME FEMME. Elles disent oui, puisqu'elles font un signe d'assentiment.
PRAXAGORA. Je vois aussi que vous avez le reste prêt : chaussures laconiennes, bâtons, manteaux d'homme, comme nous l'avions dit.
SIXIÈME FEMME. Moi, le bâton que j'ai apporté est celui de Lamias, dérobé pendant son sommeil.
PRAXAGORA. Est-ce un de ces bâtons sous lesquels il pète ?
PREMIÈRE FEMME. Par Zeus Sauveur ! il serait mieux en état que personne, s'il était revêtu de la peau de Panoptès, de faire paître le troupeau populaire.