Bon, je craque
Kaos, dans l'autre fil, tu as dit des choses qui ont provoqué chez moi une colère. Heureusement, on m'a conseillé de ne pas m'énerver et j'ai été voir Kick-ass et je suis calme.
Cependant, je vais participer à ce fil.
D'abord, il faut que je rebondisse sur ce qu'a dit Mélanie :
Pour reprendre le Seigneur des Anneaux, si je me rappelle de la Genèse : un concert, et un dieu qui essaye d'y mêler sa contribution personnelle. On peut le voir comme une dénonciation de l'individualisme.
Les anciens grecs (même si je me souviens que ça a un sens historique) racontaient que les dieux parvinrent au pouvoir après une sorte de guerre de succession. L'autorité ne leur ait pas donné d'emblée, mais au plus fort.
Contrairement, au christianisme qui fait de l'autorité divine une chose qui va de soi. C'est sur ces principes que les monarchies se sont appuyées et se sont déclarées de droit divin. Les anciens grecs vivaient dans des guerres continuelles entre cités.
On se rend compte à quel point ntore société ne connaît plus rien du christianisme et n'en a gardé qu'une image des plus caricaturales.
Le choeur des Ainur dans le Silmarillion est une retranscription presque mot pour mot du paradis chrétien avec ses choeurs angéliques. Justement, Tolkien est un catholique fervent et le SdA retranscrit totalement les idées catholiques (le retour du roi, un roi sacré, un roi qui soigne les maladies, un roi qui réunit le peuple contre le Mal, c'est exactement l'imaginaire de la royauté chrétienne médiévale qui a débuté dans l'Espagne wisigothique où on sacra pour la première fois les rois).
Ensuite, le christianisme en lui-même ne fait pas de l'autorité divine une chose qui va de soi. Dès que religion et Etat fusionnent, ce principe d'autorité divine de fait apparaît et ce depuis les premières cités humaines. En soit, le christianisme fut une révolution idéologique, une bombe hallucinante dans le monde antique : pour la première fois, il donnait le libre-arbitre aux hommes, séparait le pouvoir temporel du pouvoir spirituel et prônait l'égalité. Le christianisme a d'abord été une religion d'esclaves et de soldats.
Quand le christianisme a triomphé, envahissant toutes les strates sociales de l'empire, l'élite romaine s'est convertie... et elle a réussi une chose incroyable : elle a romanisé le christianisme.
C'est de cette romanisation que vient l'idée que le roi a l'autorité divine. C'est une vieille rengaine qui date des religions mésopotamiennes (le roi-prêtre) et égyptiennes (le pharaon, fils de Râ). Lorsque les Grecs ont conquis les Perses, l'idée du roi-dieu est passé chez eux... puis quand Rome est devenu un Empire avec Octave, son successeur Tibère a manoeuvré pour (ou a eu la chance, je ne suis pas spécialiste des julio-claudiens) que le Sénat romain déifie Octave... créant l'idée que les Empereurs romains sont des dieux. Un culte impérial s'est créé et c'est à cause de ce culte qu'il y a eu autant de martyrs chrétiens.
Quand Rome est devenue chrétienne, les Empereurs ont manoeuvré les conciles pour obtenir que l'Empereur était le bras de dieu sur Terre (dans la tradition du culte impérial).
Quand l'Empire s'est effondré, il y a eu pendant plus de mille ans l'idée de recréer l'Empire. Charlemagne l'a tenté (en se faisant sacré Empereur à Rome le 24 décembre 800 par le Pape), Otton le Germanique en créant le Saint Empire romain germanique, Charles Quint...
Louis XIV a voulu, entre autre, se défaire de l'autorité papale et des Empereurs germaniques (et créer un pouvoir absolu entre ses mains, débarrassés des Grands)... il a eu la chance d'être entourés de lettrés acquis à sa cause, il a eu Bossuet (comme Charlemagne a eu Alcuin). Ils ont édifié la notion du droit divin royal qui a eu une conséquence : s'opposer au Pape pour le gouvernement de la France (la querelle gallicane vient de là).
Donc, en réalité, c'est un vieux fonds des premières cités-Etat humaines (ou de l'homme en fait) qui s'est perpétué à travers les siècles, la notion de dieu-roi ou de prêtre-roi.
On peut faire la même analyse pour l'Islam où à l'origine, il y a l'égalité dans l'umma qui peu à peu est devenue l'égalité de tous derrière le calife (amusant de remarquer que Bagdad, à 50km de Babylone, fut le lieu du califat abbasside).
En bref, attention à ce que vous dîtes. Evidemment, je suis désolé, j'ai beaucoup résumé les faits historiques ce qui fait que j'ai un peu déformé la réalité, j'essaie de clarifier les choses sans dénaturer les faits historiques mais je crois avoir échoué en partie, vu que ma réponse est trop courte et sous le feu de la passion.
Maintenant, passons à Kaos :
On peut faire de la fantasy politique ou de la politique fantasy. Thomas More l'a bien fait avec l'Utopie, Platon aussi (avec l'Atlantide).
Tu disais dans l'autre post que la fantasy n'entre pas dans le champs de la politique. C'est archi-faux.
La fantasy anglo-saxonne parle de rois et de dynasties, le thème favori étant le retour du roi... mais c'est normal, cela traverse la société anglo-saxonne cette idée de monarchie (d'ailleurs aux Etats-Unis, il y a des dynasties présidentielles et sénatoriales : les Kennedy et les Bush, on a failli avoir les Clinton aussi). L'idée de l'élu, du sauveur est tout sauf anodine.
Il y a aussi l'idée du conflit Occident contre Orient (l'orient étant le mal, une vieille rengaine qui date des Grecs): toute l'oeuvre d'Eddings, les Monarchies divines de Kearney (enfin là, on découvre qu'au final, l'orient et l'occident de ce monde de fantasy sont unis par les mêmes prophètes)... etc.
Regarde la bédé des 300 : elle a un but politisé, rappeler aux enfants des Etats-Unis de ne pas devenir des décadents et de bannir l'homosexualité, les vrais hommes sont ceux qui se battent, qui ont du biceps, qui sont prêts à mourir pour leur patrie.
Comme tu le vois, la fantasy est souvent porteuse d'un message politique réactionnaire. Quand on s'envole dans le passé, c'est de la nostalgie opposée au présent.
Et pourtant, il y a aussi de la fantasy engagée (on la qualifiera de progressiste) : chez Tolkien, il y a les hobbits, véritables héros au milieu des Elfes et des Dunedain (pas de s car le singulier est dunadan
) même si le message christique de Frodon est évident, chez Jack Vance avec Lyonesse il y a l'idée que les femmes ont un sacré rôle... etc.
Alors oui, la fantasy est souvent amusante et futile... mais très souvent elle a un message réactionnaire (et là, elle se base souvent dans des mondes médiévaux ou antiques, le machisme ultra des romans de Gor par exemple) soit un message de libération (la femme chez Tolkien avec Eowin, l'oeuvre des Dames du Lac...) qui accompagne la libération réelle (les Dames du Lac ont accompagné le féminisme).
A noter que parfois, la fantasy n'est pas médiévale mais onirique et là, souvent, elle a un fonds poétique et philosophique.
Bref, voilà.