[A] Ecrire un roman ambigu
Posté : mer. août 04, 2010 10:09 am
Salut à tous,
Ce matin, je réfléchissais à la suite d'un article sur un de mes auteurs de SF favoris, Heinlein. Heinlein a écrit un livre nommé Etoiles, garde à vous dont le titre original est Starship trooper. Ce livre a aussi été adapté (et j'insiste sur le adapté) avec talent par Paul Verhoeven.
Tous deux ont été accusés d'être des fascistes et des militaristes à cause de ces oeuvres. En fait, ces oeuvres sont tout le contraire, une féroce remise en cause du fascisme et du militarisme mais elles présentent un souci majeur : elles se basent sur le fait que le lecteur s'interrogera sur son monde et la pratique de sa société à l'aune du roman/livre.
Il faut d'ailleurs savoir que Heinlein prévoyait d'abord que son livre soit destiné à la jeunesse.
Dans la même veine, Scalzi avec son Vieil homme et la guerre présente pareillement un univers fascistoïde et militariste mais au fil de sa série, il dénonce totalement la société qu'il décrit. Néanmoins, certaines scènes du roman sont terriblement choquantes (en tout cas, elles m'avaient choqué).
En clair, il devient difficile de faire un roman ambigu sans que les gens ne le lisent au premier degré. Le fait de vouloir que le lecteur s'interroge face à ce qu'il lit est souvent très mal perçu (et est pourtant un facteur vectoriel de construction de son identité et de la démocratie majeur).
Pour en revenir à Heinlein, son personnage suit un chemin initiatique (tant dans le film que dans le livre) qui le fait passer de simple trouffion à officier. Et il faut lire les phases d'entraînement qui sont épouvantables (le film est très soft en comparaison).
Dans la même veine, je me souviens avoir vu un film à polémique où deux jeunes hommes torturent pour s'amuser une famille... l'escalage de l'horreur est permanente jusqu'à un moment : le premier tueur est mort et le second tueur a perdu le contrôle. Il prend alors une télécommande et parle au télespectateur pour lui dire que ça ne peut pas se passer comme ça et il fait retour arrière pour changer la situation. Le but du réalisateur était de nous choquer et de nous faire quitter la séance, écoeurés. Il voulait voir jusqu'à quel point nous acceptions l'intolérable. Personne n'a quitté le cinéma et le réalisateur a été accusé de prôner l'hyperviolence.
Alors, jouer avec l'ambiguïté pour faire réagir et réfléchir le lecteur est-il si difficile ?
Prenons un autre exemple : Je suis une Légende de Matheson. Il a été adapté en film aussi. Or, le propos final du film diffère totalement du livre. Dans le film, le héros devient une légende car il a fait du bien... Dans le livre, le héros comprend qu'il est devenu une légende car il est un monstre. L'ambiguïté du livre est énorme et la chute est un choc et amène à réfléchir sur sa perception de l'autre. Dans le film, non.
Avons-nous docn tant de mal à notre époque de jouer avec des situations ambigues ? Y-a-t-il un changement du lectorat qui ne comprend plus ?
A mon humble avis, non. Alors, l'ambiguité dans les romans est-elle abandonnée ? Les deux romans dont je parle ont été des claques monumentales pour ma formation intellectuelle et ma réflexion sur le monde et je trouve dommage que la SF (et ptêt la fantasy) actuelle(s) ne sy essaient plus. J'ai toujours l'impression que l'évidence est reine et que mettre mal à l'aise (et je dis bien mettre mal à l'aise, pas choquer) disparaît peu à peu. Mettre mal à l'aise oblige à s'interroger. Actuellement, tout est si évident (je dirais même que les règles du shonen se sont imposés à la littérature, avec le thème permanent de la rédemption, le vilain qui devient l'ami des héros, comme Végéta dans DBZ, Gaara dans Naruto...).
Alors, votre avis sur l'ambiguité dans les romans ?
Je tiens à signaler que j'espère m'être bien exprimé dans ce sujet et qu'il ne portera pas à polémique ni qu'on formera des jugements hâtifs sur ma propre personne (j'ai pas envie de subir ce qu'a subi Heinlein ). Donc, pardon d'avance si mon propos est mal formulé.
Mille bisous,
Daerel.
Ce matin, je réfléchissais à la suite d'un article sur un de mes auteurs de SF favoris, Heinlein. Heinlein a écrit un livre nommé Etoiles, garde à vous dont le titre original est Starship trooper. Ce livre a aussi été adapté (et j'insiste sur le adapté) avec talent par Paul Verhoeven.
Tous deux ont été accusés d'être des fascistes et des militaristes à cause de ces oeuvres. En fait, ces oeuvres sont tout le contraire, une féroce remise en cause du fascisme et du militarisme mais elles présentent un souci majeur : elles se basent sur le fait que le lecteur s'interrogera sur son monde et la pratique de sa société à l'aune du roman/livre.
Il faut d'ailleurs savoir que Heinlein prévoyait d'abord que son livre soit destiné à la jeunesse.
Dans la même veine, Scalzi avec son Vieil homme et la guerre présente pareillement un univers fascistoïde et militariste mais au fil de sa série, il dénonce totalement la société qu'il décrit. Néanmoins, certaines scènes du roman sont terriblement choquantes (en tout cas, elles m'avaient choqué).
En clair, il devient difficile de faire un roman ambigu sans que les gens ne le lisent au premier degré. Le fait de vouloir que le lecteur s'interroge face à ce qu'il lit est souvent très mal perçu (et est pourtant un facteur vectoriel de construction de son identité et de la démocratie majeur).
Pour en revenir à Heinlein, son personnage suit un chemin initiatique (tant dans le film que dans le livre) qui le fait passer de simple trouffion à officier. Et il faut lire les phases d'entraînement qui sont épouvantables (le film est très soft en comparaison).
Dans la même veine, je me souviens avoir vu un film à polémique où deux jeunes hommes torturent pour s'amuser une famille... l'escalage de l'horreur est permanente jusqu'à un moment : le premier tueur est mort et le second tueur a perdu le contrôle. Il prend alors une télécommande et parle au télespectateur pour lui dire que ça ne peut pas se passer comme ça et il fait retour arrière pour changer la situation. Le but du réalisateur était de nous choquer et de nous faire quitter la séance, écoeurés. Il voulait voir jusqu'à quel point nous acceptions l'intolérable. Personne n'a quitté le cinéma et le réalisateur a été accusé de prôner l'hyperviolence.
Alors, jouer avec l'ambiguïté pour faire réagir et réfléchir le lecteur est-il si difficile ?
Prenons un autre exemple : Je suis une Légende de Matheson. Il a été adapté en film aussi. Or, le propos final du film diffère totalement du livre. Dans le film, le héros devient une légende car il a fait du bien... Dans le livre, le héros comprend qu'il est devenu une légende car il est un monstre. L'ambiguïté du livre est énorme et la chute est un choc et amène à réfléchir sur sa perception de l'autre. Dans le film, non.
Avons-nous docn tant de mal à notre époque de jouer avec des situations ambigues ? Y-a-t-il un changement du lectorat qui ne comprend plus ?
A mon humble avis, non. Alors, l'ambiguité dans les romans est-elle abandonnée ? Les deux romans dont je parle ont été des claques monumentales pour ma formation intellectuelle et ma réflexion sur le monde et je trouve dommage que la SF (et ptêt la fantasy) actuelle(s) ne sy essaient plus. J'ai toujours l'impression que l'évidence est reine et que mettre mal à l'aise (et je dis bien mettre mal à l'aise, pas choquer) disparaît peu à peu. Mettre mal à l'aise oblige à s'interroger. Actuellement, tout est si évident (je dirais même que les règles du shonen se sont imposés à la littérature, avec le thème permanent de la rédemption, le vilain qui devient l'ami des héros, comme Végéta dans DBZ, Gaara dans Naruto...).
Alors, votre avis sur l'ambiguité dans les romans ?
Je tiens à signaler que j'espère m'être bien exprimé dans ce sujet et qu'il ne portera pas à polémique ni qu'on formera des jugements hâtifs sur ma propre personne (j'ai pas envie de subir ce qu'a subi Heinlein ). Donc, pardon d'avance si mon propos est mal formulé.
Mille bisous,
Daerel.