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Le point de rupture

Posté : lun. sept. 20, 2010 5:08 pm
par Tsumire
Je doute que le titre soit très évocateur.

Qu'entends-je par le point de rupture ?

Disons que c'est l'instant t où l'auteur arrive au bout de ses possibilités "mentales" sur son texte.

Un exemple pour illustrer. Un auteur travaille x années sur un roman, dans un cycle de bêta-lecture ou non, mais avec une volonté d'aller au-bout de lui-même. De se surpasser jusqu'au "point de rupture" où soit il soumet ses écrits à un éditeur, soit il abandonne car de toute façon, il n'arrive plus "moralement" à poursuivre ses corrections.

Quand on atteint ce point de rupture, peu importe le soutien derrière, on peut se sentir incapable de s'améliorer. Une vraie impasse. Est-ce que ce cas s'est déjà présenté pour vous ? Comment l'avez-vous vécu ? Et bien sûr, est-il possible de vaincre (ou disons repousser) ce point de rupture ?

Re: Le point de rupture

Posté : lun. sept. 20, 2010 5:25 pm
par ogechter
Je l'ai eu sur une nouvelle qu'on m'avait commandé. Impossible de se défiler.
1 an de boulot 9 versions, j'ai repris trois fois la 9e version, au final je déteste cette nouvelle. J'envisageais sérieusement de la publier sous pseudo tellement j'avais honte.

Mais il a fallu la rendre quand même à la date butoir, ce que j'ai fais. L'anthologiste m'a dit "non c'est exactement ce que je voulais", ce qui m'a laissé soupçonné un problème de cécité caché, ne pouvant croire au mauvais goût. Puis quelques mois plus tard, c'est l'éditrice qui m'envoie mes corrections. Juste avant, elle avait dit "que quelques textes de la sélection lui avaient posé des problèmes". Je m'étais dis "c'est moi ça..." et je m'attendais, résigné, à devoir reprendre tout à zéro (j'avais même attaqué une 10e version...). Et, surprise, il n'y avait que 5 ou 6 remarques mineures.
J'ai donc demandé à l'éditrice ce qu'elle avait vraiment pensé de mon texte et la réponse a été "j'ai pris plaisir à lire ce texte".

Donc conclusion, je m'étais fait des noeuds au cerveau pour rien. Si ça se trouve, ma huitième version était meilleure. Ou la 5e. Parce que ça faisait au moins 5 versions de ma nouvelle que j'écrivais sans lire. Et les relectures ne servaient plus à rien, parce que j'étais saturé par cette nouvelle, jusqu'à l'écoeurement.
Au bout d'une relecture, il faut savoir lâcher son texte et le faire lire à un tiers. Et quand on doute, faire lire des passages. On peut y trouver un encouragement à continuer, ou un éclairage sur ce qui ne va pas.
Si on s'entête à polir son texte, on finit comme l'employer de bureau de la Peste de Camus, qui réécrit sans cesse la même phrase depuis des années sans jamais être satisfait du résultat.
@+
O.

Re: Le point de rupture

Posté : lun. sept. 20, 2010 5:37 pm
par Macada
Quand je n'en peux plus sur un texte, j'arrête (je n'ai pas le choix de toutes façons).
Si le texte est finalisé (même si je sais qu'il est encore améliorable) je le soumets.
S'il est refusé, il arrive que les choses aient assez décantées pour que je le retravaille un peu. Ou alors, il va attendre encore quelques refus avant que je le retravaille.
Ou alors - et c'est le cas de 3 romans pour moi (en plus d'une flopée de nouvelles) - je passe définitivement à autre chose. Du moins, je suis sûre de ne jamais replonger dans mon 1er roman, et malgré les années qui passent je n'ai toujours pas envie de reprendre les 2 autres.
Le 4ème roman que j'ai fait, lui, ne me sort pas encore par les yeux. ^^

Re: Le point de rupture

Posté : lun. sept. 20, 2010 7:43 pm
par Beorn
Un peu comme Ogechter.
Quand j'en ai eu tellement par dessus la tête de relire et de re-corriger un de mes romans (4 ans de correction sur celui-ci, quand même), j'ai fini par l'envoyer à un éditeur comme on se débarrasse d'une problème qu'on n'arrive pas à résoudre.
Et il a été retenu par l'éditeur en question...

Re: Le point de rupture

Posté : lun. sept. 20, 2010 9:28 pm
par Jo Ann v.
Tiens... pour ma saga fantasy, ça fait cinq ans que j'y travaille (un roman devenu trilogie pour cause de volume). Parfois il me sort par le nez et les oreilles, alors je le pose et je m'occupe d'un autre texte (j'ai écrit 6 romans, je peux toujours retravailler un d'eux). J'ai déjà fait des pauses de plusieurs mois parce que, sérieusement, si je ne m'arrêtais pas, ça n'allait pas marcher.
Aujourd'hui, ma saga, est mon "oeuvre" la mieux aboutie, la plus travaillée, et que j'aime d'amour. Et peut-être que ces cinq ans d'acharnement serviront à quelque chose. Bientôt. ;-)

Re: Le point de rupture

Posté : mar. sept. 21, 2010 7:03 am
par Tsumire
Merci pour vos témoignages.

Je n'en suis pas à détester mon texte mais plutôt à douter de mes capacités. De se sentir tout bonnement incapable, même si c'est juste une impression. Que rien n'est réelle. Je vois que ce genre d'expérience arrive à beaucoup d'entre nous et que pour la plupart, le conseil est de soumettre et de passer à autre chose.

"La barrière qui sépare l'amour de la haine est aussi mince qu'une feuille de papier"(ce qui est d'autant plus véridique dans ce cas de figure, non ? ^^)

Re: Le point de rupture

Posté : mar. sept. 21, 2010 7:58 am
par Tristeplume
Tsumire a écrit :Merci pour vos témoignages.

Je n'en suis pas à détester mon texte mais plutôt à douter de mes capacités. De se sentir tout bonnement incapable, même si c'est juste une impression. Que rien n'est réelle. Je vois que ce genre d'expérience arrive à beaucoup d'entre nous et que pour la plupart, le conseil est de soumettre et de passer à autre chose.

"La barrière qui sépare l'amour de la haine est aussi mince qu'une feuille de papier"(ce qui est d'autant plus véridique dans ce cas de figure, non ? ^^)
A mon avis, il ne faut pas mettre en corrélation ton texte et tes capacités. Il est logique de ressentir de la lassitude ou de ne plus pouvoir sentir un texte au bout d'un long moment de travail dessus. C'est même vrai pour des textes sur lesquels on a "peu" travaillé et où on peut se dire "je ne peux et ne veux faire mieux".
Cela n'a pas grand chose à voir avec nos compétences. Comme le montre Ogechter dans son exemple, l'auteur est très mauvais juge de son texte.

Re: Le point de rupture

Posté : mar. sept. 21, 2010 12:39 pm
par Garg
Tristeplume a écrit : A mon avis, il ne faut pas mettre en corrélation ton texte et tes capacités. Il est logique de ressentir de la lassitude ou de ne plus pouvoir sentir un texte au bout d'un long moment de travail dessus. C'est même vrai pour des textes sur lesquels on a "peu" travaillé et où on peut se dire "je ne peux et ne veux faire mieux".
Cela n'a pas grand chose à voir avec nos compétences. Comme le montre Ogechter dans son exemple, l'auteur est très mauvais juge de son texte.
+1 avec ça !

D'autant que l'on ne connaît jamais vraiment ses limites.
Imaginons les designers qui chaque année doivent réinventer des formes et des concepts toujours à la pointe. Ils créent ce qu'il y a de mieux chaque année. :wow:

Re: Le point de rupture

Posté : mar. sept. 21, 2010 12:47 pm
par Tsumire
Étrange ton allusion au designer. Tu aimes ce domaine, Garg ?

Re: Le point de rupture

Posté : mar. sept. 21, 2010 5:13 pm
par Mélanie
Je te comprends Tsumire ! Compassion. C'est ce qui m'est arrivé, il y a plusieurs années !

Peut-être est-ce parce que je changeais intérieurement, et qu'alors mon roman ne me correspondait plus, je me suis mis à faire des modifications à la pelle et de partout. L'intrigue, la structure, les personnages, l'univers, le style, le ton... Et au bout d'un moment, j'ai craqué. Je n'arrivais plus à prendre de décisions, mon roman me déprimait : une année de perdue (c'était beaucoup pour moi alors). Ce que j'ai décidé c'est de laisser reposer l'affaire, le temps de mûrir un peu.

Re: Le point de rupture

Posté : mar. sept. 21, 2010 5:23 pm
par Garg
Tsumire a écrit :Étrange ton allusion au designer. Tu aimes ce domaine, Garg ?
Non, mais plutôt fasciné par le fait que chaque année, une voiture, un grille-pain, un bas de pantalon, un ordinateur changent de forme et celui/celle qui "pond" cela ne se réserve pas pour les années d'après.

En gros, avec les mêmes données du problème, certains réinventent d'années en années.
Le point de rupture est plutôt sur la même œuvre. Il faut savoir s'arrêter et passer à autre chose pour se renouveler, à mon avis.

Re: Le point de rupture

Posté : mar. sept. 21, 2010 5:25 pm
par ogechter
Garg a écrit : En gros, avec les mêmes données du problème, certains réinventent d'années en années.
Non, mais là c'est un mauvais exemple : pour arriver à ça, les designer se droguent tous, c'est bien connu !
Hein ? Quoi ? Moi, étroit d'esprit ?? Franchement je ne vois pas pourquoi vous dites ça ! :mrgreen: :mrgreen:
@+
O.