La mare aux nénuphars

Un petit billet d'humeur sans méchanceté.

Il est aussi légitime pour un écrivain de chercher à mettre en valeur sa plume, que pour un, ou une, galante de renforcer sa séduction lors d'un premier rendez-vous. De même que le deuxième use parfois excessivement d'eau de toilette, le premier est souvent tenté d'abuser des adjectifs. Dans les deux cas, le plus est l'ennemi du bien.

Imaginez l'instant de la première proximité, que ce soit au creux de deux fauteuils d'un cinéma de quartier, ou sur le banc isolé d'un parc public, le visage et l'âme ouverts à la découverte de l'autre, lorsqu'un effluve de Cologne étouffe la magie du moment. On ne pense plus à l'autre et au lieu de vouloir s'en approcher, on recule. Inutile et nuisible, cela n'est pas forcément fatal. Gageons d'ailleurs que par la suite, le ou la galante abusera moins des artifices pour plaire, et plaira d'autant plus.

Voilà ce qui m'arrive dans de nombreux livres (car qu'est-ce qu'on livre sinon une rencontre avec un inconnu qui cherche à vous séduire ?). Combien de premier chapitres ressemblent à des concours d'adjectifs pour rivaliser de puissance évocatrice ? Aucune chevelure qui ne soit "lourde", "belle" ou "resplendissante". Aucun regard qui ne soit "intense". Personnellement, j'en ai vite la tête qui tourne et c'est avec impatience que j'attends les pages où l'auteur me raconte tout simplement son histoire avec des mots qui viennent de lui plutôt que du dictionnaire.

Il est bien qu'un premier premier chapitre se remarque, certes, mais trop d'adjectifs n'apportent que de l'artificiel à un style. En parfum comme en littérature, soyez naturels et soyez vous-même.

Excellent ! Un beau petit moment de poésie ce matin.

Je retiens le coup de l'eau de toilette et me demande ce que tu étais en train de lire pour nous raconter ce beau moment sur un banc, ce matin !

Aucune chevelure qui ne soit "lourde", "belle" ou "resplendissante".

Tu as oublié les boucles ondoyantes, qui retombent sur les épaules telle une cascade luxuriante

Pour le moment, j'ai de la chance : est-ce dû aux goûts actuels ou à la méfiance des auteurs anglophones concernant ce type de descriptions, pas d'inigestion à l'horizon.

Je note.

Donc nous disions : Pas de phrase longue. Pas d'adverbes. Pas de "commencer à", "se mettre à", ou tout autre synonyme. Pas de verbes faibles. Pas de répétition. Pas de mais. Pas plus de deux verbes à la suite. Pas de darling. Le mini de participes présents.
+ Le mini d’adjectifs.
J'en oublie ?

Et après il y en a qui s’étonneront qu’on finisse par y arriver en jogging, à ce fameux banc …

T'inquiète, Conteuse, écris en tout liberté et tu verras ensuite à la relecture ce qui cloche (ou pas).
Personnellement, rien de ce que tu cites ne me semble rédhibitoire. Question de dosage, toujours...

En tout cas, ce petit billet d'humeur m'a bien fait sourire !

blackwatch a écrit :

Aucune chevelure qui ne soit "lourde", "belle" ou "resplendissante".

Tu as oublié les boucles ondoyantes, qui retombent sur les épaules telle une cascade luxuriante

Oh, comme je plussoie !
Et le travers est encore plus répandu dans la SFFF qu'ailleurs... Ça me donne envie de raser toutes mes héroïnes, d'ailleurs

Merci pour ce petit billet Arnaldus, je me sens moins seule ce matin !

Arnaldus a écrit :Un petit billet d'humeur sans méchanceté.

Il est aussi légitime pour un écrivain de chercher à mettre en valeur sa plume, que pour un, ou une, galante de renforcer sa séduction lors d'un premier rendez-vous. De même que le deuxième use parfois excessivement d'eau de toilette, le premier est souvent tenté d'abuser des adjectifs. Dans les deux cas, le plus est l'ennemi du bien.
[couic]
Il est bien qu'un premier premier chapitre se remarque, certes, mais trop d'adjectifs n'apportent que de l'artificiel à un style. En parfum comme en littérature, soyez naturels et soyez vous-même.

Bon ben maintenant, va falloir dénoncer ! Des titres ! Des noms !
@+
O.

Je suis d'accord à 100% !

Arnaldus,

c'est très gentil à toi de rappeler que l'escalade étouffe et que le plus capiteux des parfums à haute dose écœure



Le plus/mieux est l'ennemi du bien.

Dans la phase III de Contre-Mesures, je cite Arnaldus : " l'auteur aime bien les adjectifs ".
Je me sens un peu visé.
Bon, en revanche, je n'aime pas l'eau de Cologne

Les adjectifs, c'est délicat, on est tenté d'en mettre pour décrire des persos ou des paysages, et de le faire sans multiplier les phrases. De donner en quelques mots, une évocation suffisamment précise.
Tout est affaire de dosage, c'est sûr, mais ce n'est pas simple, loin de là.
Parce que le dosage dépend des attentes, habitudes, souhaits et humeur du lecteur.
Certains en aiment beaucoup, d'autres moins.
S'il n'y en a pas assez, le style peut être jugé trop pauvre, s'il en y a trop, le style peut être jugé "trop sophistiqué" ou "arrogant".
Il ne faut pas s'y tromper, c'est difficile d'obtenir le bon dosage.
(surtout pour un auteur débutant comme moi par exemple).

Bon, bin, tournée de nénuphou hein, là on peut en abuser
(j'aime bien l'humeur du billet)

Arnaldus, le titre m'a fait éclater de rire !

Desienne, ne te sens pas forcément visée, Arnaldus est chatouilleux de l'adjectif
Et même si certains textes de fantasy de qualité en regorgent (Pevel, Jaworski, Beorn), je plussoie tout à fait Arnaldus : de nombreux auteurs débutants en usent et en abusent.

Une très belle image que tu as là, Arnaldus.

desienne a écrit :Dans la phase III de Contre-Mesures, je cite Arnaldus : " l'auteur aime bien les adjectifs ".
Je me sens un peu visé.

Rassures-toi, je ne vise personne en particulier, et Perceron a raison, je suis effectivement très chatouilleux.
J'ajoute que moi-même, si je ne me retiens pas, il m'arrive d'abuser du vaporisateur adjectival.

Humain, trop humain.

Arnaldus a écrit :

desienne a écrit :Dans la phase III de Contre-Mesures, je cite Arnaldus : " l'auteur aime bien les adjectifs ".
Je me sens un peu visé.

Rassures-toi, je ne vise personne en particulier, et Perceron a raison, je suis effectivement très chatouilleux.
J'ajoute que moi-même, si je ne me retiens pas, il m'arrive d'abuser du vaporisateur adjectival.

Humain, trop humain.

Cher Arnaud,
J'ai devant les yeux maintenant un mix entre une publicité pour Dior Homme et une pub pour les désodorisants pour toilettes.
Ca m'a fait beaucoup rire.
Merci.

Cordialement,

Une grenouille anonyme.