Ces mots que vous détestez

[Florie]

Entendu ce matin dans le journal, le fameux "faire bouger les lignes".
"Le premier ministres parviendra-t-il à faire bouger les lignes?"
Quelles lignes? Ceci n'a aucun sens. Il y a un sketch de George Carlin très rigolo sur ces expressions qu'il prend littéralement. C'est en anglais, mais c'est très drôle

[ilham]

Si, cela a tout à fait un sens en termes militaires lorsqu'on parle de ligne de front ou de ligne de démarcation...
Donc ce n'est pas du tout innocent comme emploi... sauf qu'ils n'osent quand même pas dire enfoncer les lignes dans un débat démocratique... d'où ce bouger pas très joli.

[Florie]

Si, cela a tout à fait un sens en termes militaires lorsqu'on parle de ligne de front ou de ligne de démarcation...
Donc ce n'est pas du tout innocent comme emploi... sauf qu'ils n'osent quand même pas dire enfoncer les lignes dans un débat démocratique... d'où ce bouger pas très joli.

Evidemment que ce n'est pas innocent comme emploi, c'est pour ça que je n'aime pas cette expression. C'est du jargon de communication politique repris par les média. Mais ce type de formule est tellement utilisée pour tout et n'importe quoi que ça n'a plus aucun sens au final.

[ilham]

Au contraire, cela a un sens pour les pros de la com qui écrivent ces mots, dans ce contexte...
Ils utilisent, l'air de rien, un discours guerrier... et ça passe dans l'esprit des gens, comme ça.
C'est de la manipulation.

[Florie]

Au contraire, cela a un sens pour les pros de la com qui écrivent ces mots, dans ce contexte...
Ils utilisent, l'air de rien, un discours guerrier... et ça passe dans l'esprit des gens, comme ça.
C'est de la manipulation.

Oui. C'est pour ça que je n'aime pas cette expression, précisément. Comme les autres du même genre (type "les Français savent tous..." pour faire avaler une couleuvre en la faisant passer pour une vérité générale, par exemple...)

En fait ce que je n'aime pas, c'est que les média reprennent ces expressions de com' au lieu d'apporter le recul nécessaire. Mais le débat quitte le sujet principal

[Alexandre]

La désinformation arrive vite sur les réseaux sociaux. La presse s'est lancée dans une course au scoop et tente de publier ces informations plus rapidement que les réseaux sociaux. C'est utopique de publier plus rapidement un article que de propager une rumeur. Pourtant les médias persévèrent. Ils en oublient de vérifier leur source, de prendre du recul et publie des désinformations à leur tour. Dans le meilleur des cas, les sujets d'actualité se résument à reprendre un discours sans le décortiquer. Du coup on retrouve dans les médias, même écrits, ces expressions.

Sinon que dire de cette superbe expression : la politique politicienne ? *se frappe le front*

[ilham]

Étant journaliste, je ne peux que dénoncer tout cela...
Mais vous oubliez une chose c'est que derrière cela ce n'est pas la volonté des journalistes eux mêmes ( qui à la grande majorité le déplorent) mais celle des grands groupes industriels ( dont des marchands d'armes au passage) qui ont racheté ces dernières années ces médias et veulent en faire des entreprises comme les autres, rentables...
Or, envoyer un mec en reportage deux mois dans un pays à l'autre bout de la planète, coute très cher aujourd'hui... pas rentable.
Faire de l'investigation, y compris en France, idem...
Après y'a le probleme d'internet. Comme des tas d'autres industries culturelles, les médias n'ont pas su l'utiliser dès le début et maintenant on rame pour développer un modèle économique viable... Certains disent que la gratuité mise ne place a été une erreur pour la presse écrite par exemple. On aurait du faire payer, pas forcement beaucoup d'ailleurs...
Mais avec des si, on referait l'histoire...

Et politicien n'est pas synonyme de politique... c'est une expression qui a un sens si on revient à l'étymologie du mot politique. Polis : cité. La polis c'est tout ce qui intéresse la cité. Politicien c'est au contraire un terme péjoratif, un néologisme d'ailleurs du 19 e ou du 20e, pour parler de tout ce qui tourne autour des élections... Je sais qu'aujourd'hui on confond politique et élections mais c'est un tort, la politique, au sens noble, dépasse largement du cadre, très étroit, des élections.
La politique politicienne veut donc désigner tout ce qui tourne comme enjeu de pouvoir, de magouilles dans les partis autour des élections. Personnellement, je préfère cette expression ( qu'on peut critiquer, pourquoi pas. Je n'aime pas l'utiliser à l'écrit, par exemple) plutot que de laisser croire que la politique se résume à cela...

[Alexandre]

Ce que tu écris me touche beaucoup. Je suis entièrement d'accord avec toi et ta définition de politique politicienne me fait revenir sur mon idée de départ. Merci

Tu dis que ce n'est pas la volonté des journalistes. Pour aller dans ton sens, il existe pourtant d'exceptionnels documentaires. Dernièrement j'en ai vu un sur la FIFA (je déteste le foot, mais le documentaire était très bien réalisé et l'enquête expliquée, le journaliste donnait même les limites de son enquête), j'en ai vu un autre sur le carburant des super tankers et le décalage entre la pollution engendrée par l'automobile mondiale. Mais ces documentaires, il faut fouiller pour les trouver.

Et clairement, BFMTV, I-Télé me déçoivent. Je me demande quand le petit journal va se faire censuré d'ailleurs.

[ilham]

Le documentaire est une production encore à part dans le journalisme car c'est un genre télévisuel qui accepte le parti pris du réalisateur.
C'est d'ailleurs ce qui fait tout son intérêt.
Je regarde très peu les infos à la télévision maintenant, j'avoue.
Et encore moins les chaines en continu ( qui illustrent très bien ce dont on parlait plus haut...) à l'exception p'tre de France 24 qui a de bons reportages parfois, même si ça reste très inégal.

[Florie]

Du coup on s'éloigne un peu du débat, mais la question des média et de l'avenir du journalismes est en véritable enjeu des années à venir je pense. Je travaille dans les relations presse et on voit très bien ces limites, ces contraintes et les changements qui se dessinent.

La pression de la rentabilité en est un, la question de l'indépendance des journalistes par rapport aux éditeurs qui payent leurs espaces publicitaires en est un autre. D'ailleurs en effet le modèle internet gratuit + adblock est un vrai débat aujourd'hui et il faut revoir tout le business model de toute une frange de média. Certains ont fait le chiox de lancer des abos payants avec extra contenus (je pense à Gamekult dans le domaine que je connais), d'autres bannissent complètement les lecteurs qui ont adblock( je pense à Forbes). Au final il faudra trouver d'autres alternatives.

Et pour apporter une dimension science-fiction au tout, que se passera-t-il quand toute cette information non analysée (les tweets, les dépêches faites pour arriver avant tout le monde etc.) pourront être faites par des IA ou des algorithmes complexes, plus rapides que n'importe quel humain, où en sera le journalisme? (pinaise une idée pour l'AT monde du travail )

Bref, pour en revenir aux mots qu'on déteste, j'avoue qu'en tant que lectrice/spectatrice, j'ai tendance à être irritée par ces formules toutes faites qui montrent le manque d'imagination/de temps/d'effort des journalistes.

D'ailleurs ce matin c'était "bouger les curseurs" à la place de bouger les lignes