Vos forces et vos faiblesses

[Jean-Claude Dunyach]

C'est un fil intéressant... Je vais me permettre de le détourner un peu:

Ma force: Tout ce qui est conscient, ce qui peut se travailler. Je suis même arrivé à faire des dialogues corrects (et ce n'était pas gagné, croyez-moi). J'ai du métier, j'ai bossé, et ça a fini par rentrer.

Ma faiblesse: j'ai un inconscient d'écrivain très déficitaire, alors que c'est censé être "le" truc qui fait de vous un vrai écrivain. En gros, si je ne fais pas l'effort explicite et conscient de mettre quelque chose dans mon texte, d'y inclure une couche spécifique (couche symbolique, sensorielle, etc.) ou une dimension (mythique, sociale, etc.), cette chose ne surgira pas d'elle-même. Il n'y a rien d'autre dans mes textes que ce que j'y ai mis.

Je me suis fait cette remarque, dernièrement, en béta-lisant deux manuscrits de mes ami(e)s. A chaque fois, je pointais des manques, des endroits où une question demeurait sans réponse, où un enjeu n'apparaissait pas, etc., et dans le même temps je disais à l'auteur(e) : "pour corriger ça, il te suffit de renforcer tel ou tel truc que tu as déjà incorporé dans ton texte et que tu n'exploites pas, ou pas assez". Même les questions embêtantes avaient une réponse évidente, suggérée trente pages plus tôt.

Ca, j'admire, parce qu'on a l'impression que l'inconscient de l'auteur a déjà tout préparé, et que l'histoire repose sur des piliers solides qui s'enfoncent loin dans les couches inaccessibles de la psyché. L'auteur peut devenir architecte et oser des trucs vertigineux, les fondations inconscientes sont suffisamment solides. Il peut rattraper plein de trucs. Moi je suis obligé de bosser avant de commencer à écrire pour tout préparer de façon consciente. Pour que ça tienne, il faut que je le fasse tenir avant, que je creuse profond avant d'écrire la première ligne. Et j'ai du mal à aller au-delà de ce qui était prévu au départ. J'essaie, depuis cinq ou six ans, mais c'est dur.

Du coup, je mets du temps avant de démarrer, et je n'écris pas beaucoup. Quand je tente le coup de partir à l'aventure, insuffisamment préparé, les mains dans les poches, je me retrouve en général avec un texte mort-né. Pas toujours, mais souvent.
Donc, je bosse la technique, parce que ça on peut le faire, qu'on soit écrivain dans l'âme ou pas.

Je vous poutoune,

[Beorn]

Tiens, c'est intéressant cette question de l'inconscient, Jean-Claude.

Pour ma part :
forces :
--la technique (je crois), je suis maintenant à l'aise, je travaille depuis assez longtemps la matière pour avoir éradiqué les maladresses, il me semble.
--le fait que je reste très près de mes personnages, que j'aime créer une empathie et des émotions autour d'eux (voir la faiblesse corolaire),
--les ambiances et atmosphères. En fait, je ne sais pas si je suis bon là-dedans, mais j'aime beaucoup en jouer.
--je travaille très vite

Faiblesses (exactement les mêmes en négatif) :
--la technique : je ne suis pas et je ne serai jamais un magicien de la langue
--les intrigues complexes et tortueuses : comme je reste très près de mes personnages, je ne montre que ce qu'ils voient et ressentent, du coup, cela limite énormément la complexité des intrigues (je ne peux pas montrer le camp opposé, par exemple, je prends des personnages assez naïfs qui découvrent l'intrigue au fur et à mesure, ce qui la limite forcément)
Un jour, j'y arriverai peut-être.
--je travaille trop vite : il faut que je me relise vingt fois. Trente fois.

[Elikya]

Oui, c'est vraiment intéressant cette vision de l'inconscient de l'auteur. Moi, j'avais mis comme faiblesse :

J'écris mes premiers jets à l'instinct. Comme je fais tout au fur et à mesure des besoins (fiches, plans, syno), il y a du travail lors de la relecture (gestion du rythme, de la cohérence...).

Je me reproche souvent de partir à l'aventure sans syno, sans fiches personnages et de commencer à écrire directement. Je me lance avec une ambiance, une grande direction et les personnages principaux, puis j'improvise.

Finalement, en lisant le message de Jean-Claude je me dis que c'est une façon de laisser parler mon instinct. Ce n'est peut-être pas si grave.

[Jean-Claude Dunyach]

Finalement, en lisant le message de Jean-Claude je me dis que c'est une façon de laisser parler mon instinct. Ce n'est peut-être pas si grave.

Il n'y a rien de "grave" a priori, il n'y a que des façons de faire. Le but est de trouver des techniques qui compensent nos points faibles et mettent en valeur nos points forts. Si ton inconscient est solide, partir à l'aventure, quitte à retravailler ensuite, est tout à fait efficace.

Le but, aussi, c'est d'être un minimum bon dans tous les secteurs nécessaires à l'écriture d'une histoire : descriptions, dialogues, rythme, sensorialité, personnage, psychologie, scène d'action, suspense, sense of wonder, etc... C'est du boulot, mais justement ce n'est que du boulot. On peut donc y arriver, y'a qu'à bosser. Beaucoup bosser !

[Syven]

Bon, alors, je dirais:

Mes forces:
* je caractérise assez bien mes personnages, et j'affectionne en particulier les personnages secondaires, ceux qui ne font que passer.
* mon imagination me garantit que je ne me ferai jamais coincer en cas d'impasse, je trouverai toujours une échelle.
* j'imagine très vite des mondes foisonnants régis par des règles complexes, ce qui fait qu'à partir d'un point de départ j'arrive toujours à raconter un truc.
* j'aime les effets spéciaux et je ne lésine pas en la matière.

Mes faiblesses
* j'aime aller vite dans l'action, du coup les descriptions m'ennuient (ce qui ne passe pas sur de la fantasy par exemple).
* j'adore changer de point de vue et sauter d'un personnage à un autre, ce qui n'est pas toujours facile pour le lecteur.
* les répétitions sont un cauchemar.
* j'ai trop d'idées, ça peut vite partir en sucette. Le foisonnant demande des coups de tronçonneuse pour rentrer dans 600 000 sec.

[Dawood]

* j'aime les effets spéciaux et je ne lésine pas en la matière.

Tu veux dire quoi par là ? Ça m'intrigue !

[Syven]

Ben que je n'hésite jamais à faire péter un décor et à sortir de la magie façon lourde.

[Sylean]

Mes forces :
* Les dialogues. J'arrive assez facilement à les rendre naturels.
* Les descriptions par images, je trouve ça plus parlant, et beaucoup plus amusant qu'une revue détaillée.
* La description et l'utilisation de la magie ; selon mon mentor, c'est un de mes gros points forts.
* Je mets de l'émotion dans ce que j'écris. Je préfère d'ailleurs un texte avec beaucoup d'émotion qu'un texte avec beaucoup de technique.


Mes faiblesses :
* J'écris lentement, à plus forte raison que je suis facilement distrait.
* Le manque de concentration lors des relectures. Je lis ce que j'ai écrit et non pas ce qui est écrit, du coup je passe à côté de certaines fautes.

J'écris beaucoup à l'instinct également. Pas ou peu de fiches, même pas un syno. Le scénario s'écrit au fur et à mesure, et évolue en fonction de ce que j'écris, et du coup une fin peut changer plusieurs fois avant que je ne la couche sur papier. J'ai failli le mettre du côté des faiblesses, car c'est comme ça que je le considérais auparavant, mais maintenant je le prends comme un point fort. J'ai l'impression que les auteurs hyper-organisés aimeraient avoir, d'une certaine façon, ce côté instinctif, tout comme moi j'envie leur organisation minutieuse...

Lionel Davoust avait fait un très bon billet la-dessus sur son blog.

[Ermina]

C'est très intéressant cette question de l'instinct. Je me laisse souvent guider par l'instinct pour faire les caractères de mes personnages : ils se developpent pendant que j'écris. Pour le scénario aussi, je peux laisser mon instinct s'exprimer, mais j'ai quand même besoin de partir d'un plan très organisé.

[Tsumire]

Une bonne idée de sujet.
C’est très intéressant de lire vos retours, car on retrouve certains traits communs entre soi-même et les autres.

Mes points forts :

L’imagination

Ma muse a une façon bien particulière de travailler : elle ne sait pas se disperser sur plusieurs projets. Ce point pourrait être considéré comme un point négatif, mais je ne le vois pas de la sorte. A cause de cette focalisation, mon imagination est à 100% employée à renforcer mon récit. Conclusion : les univers sont souvent riches, voire complexes. Idem pour la caractérisation des personnages et l’intrigue.

Mon style

Je ne pensais pas un jour affirmer que mon style était un point fort, mais je suis à présent consciente d’avoir une prose bien personnelle. Elle plaît ou non, mais elle me caractérise bien. En revanche, elle m’entraîne dans certains travers qu’il me faut repérer et corriger. Ma plume a du caractère, elle est encore sauvage

Les dialogues

J’aime écrire les dialogues. Ils me viennent naturellement, sans doute parce que j’entends bien les voix de mes personnages.

Mes faiblesses :
Tous les points forts sont aussi mes faiblesses.

Manque de productivité :
Comme je suis une personne persévérante, focalisée sur un projet, ma productivité est plutôt faible. J’ai beaucoup de mal à abandonner et cherche toujours à m’améliorer, ce qui fait que je peux travailler, retravailler, et re-retravailler un même texte. Preuve en est : je n’ai écris qu’un seul roman en cinq ans. En contrepartie, je n’ai pas à me plaindre de ma productivité en mode « rédaction » on. J’avance vite, mais ces temps d’écriture sont souvent irréguliers. Mon avancée globale est plutôt moyenne. En contrepartie, j’essaye d’avoir de bons premiers jets.

Les scènes d’action genre combat et bataille :

Argh ! Je ne me sens vraiment pas à mon aise avec ce genre de scènes. Elles me demandent trois fois plus de temps que les descriptions ou les dialogues pour un rendu vraiment moyen. Conclusion : mon projet actuel comportera des scènes de combats (duel ou bataille de grande envergure). Ca va me forcer à travailler ce point là.

Le moral et l’esprit :

Ca, c’est sans doute le point difficile. Je vis vraiment l’écriture, ce qui a tendance à empiéter sur mon moral. Les difficultés liées à la rédaction, des corrections ou des retours extérieurs on tendance à me marteler l’esprit. De surcroît, le récit en lui-même joue sur mes humeurs. Comme je visualise beaucoup les scènes avant de les écrire, elles m’accompagnent durant des jours, voire des semaines, avant d’être jetées sur le papier. J’y réfléchis en continue. Je les rumine et m’en empreigne. Elles sont en moi. Je peux donc être triste et absente lorsque je suis focalisée sur une scène de ce genre. Je dois toujours veiller à ne pas me laisser envahir mentalement et moralement par mes écrits.

Je ne suis pas folle non plus, hein.

[NB]

Alors, voyons.

Mes forces :
* Une capacité à structurer des histoires, à caroubler la cohérence pour que rien ne bouge et savoir exactement où je vais.
* Heu... de l'imagination ? Le truc qui fait qu'on se demande où on est allé cherché tout ça.
* Un style propre (dans les deux sens du terme : à moi, et clean).

Mes faiblesses :
* L'orthographe, qui reste ma bête noire.
* Mon incapacité à faire court, même quand il faudrait.
* Une tendance à la passivité des personnages, contre laquelle je lutte.

[Roanne]

Je ne suis pas certaine de pouvoir répondre, du moins pas tout de suite sans réflexion (ce genre de question m'a toujours laissée très perplexe, même dans les entretiens d'embauche).
Parfois, j'ai l'impression que mes forces et faiblesses varient d'un texte à l'autre, ce qui prouve que je ne les ai pas bien identifiées.
Je reviendrai quand j'aurai cernés celles qui sont constantes...
(sinon, je laisse bosser mes alphas, je suis certaine qu'elles sauront répondre pour moi d'ici quelques semaines )

[Corwin]

Moui... alors :

Points forts :
- Persévérant (pas breton pour rien) et patient : ça ne me dérange pas de prendre des notes et de travailler un sujet sur de longues périodes,
- j'adore la phase de recherche initiale et je prends beaucoup de soin à batir mes univers,
- la cohérence et la description des univers : point qui découle assez logiquement des deux précédents (vu le temps que me prends un WorldQuizz !)
- un assez bon (enfin je crois) sens du rythme.

Points faibles :
- M'être décidé "tard" à écrire et me rendre compte qu'il me manque une sacrée dose de "techniques",
- Une terrible inconstance à "tenir" le point de vue de narration dont j'ai fait l'éclatante démonstration en Papyrus,
- Je travaille lentement : j'ai déjà peu de temps à consacrer à l'écriture, mais en plus, j'en utilise un max à préparer mes histoires !
- Un manque de confiance en général sur la qualité de ce que j'écris (mais je me soigne).

[Garg]

Je me reproche souvent de partir à l'aventure sans syno, sans fiches personnages et de commencer à écrire directement. Je me lance avec une ambiance, une grande direction et les personnages principaux, puis j'improvise.

Finalement, en lisant le message de Jean-Claude je me dis que c'est une façon de laisser parler mon instinct. Ce n'est peut-être pas si grave.

J'espère que tu n'as pas songé à embrigader ta muse, car elle saurait se sortir de tout piège que tu lui tendrais pour la faire entrer dans un carcan

La maîtrise complète de tout processus, à mon sens, s'accompagne d'une intégration dans l'inconscient. Sinon, impossible de gagner en naturel et en fluidité. Rien que de voir comment on apprend à lire, puis l'aisance à laquelle on lit (et on écrit), l'inconscient prend sa part du travail.

C'est mon défaut aussi, essayer de tout maîtriser. Le lâcher-prise, la prise de risques, des choses à travailler.

[Aelys]

Je me retrouve totalement dans la remarque d'Elikya. J'ai tendance à me dire qu'écrire sans syno, c'est un défaut. Et puis finalement, mon instinct ne marche pas si mal, il faut juste que je corrige pas mal après. En tout cas il me donne une inspiration et un style que je n'obtiendrais pas autrement. Si un jour j'arrive à tout intérioriser pour écrire direct sans trop d'incohérences sans perdre mon inspiration et ma "vigueur", ce sera le pied !