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Re: auxiliaires et verbes faibles

Posté : ven. mars 16, 2012 3:03 pm
par Bergamote
C'est super intéressant Milora !

Personnellement, j'ai eu à faire face à un exercice de français niveau seconde (celui d'une de mes belles filles) où la prof leur proposait un exercice de développement de vocabulaire.
Le principe était de remplacer les verbes être, faire et avoir par d'autres verbes plus riches.
Comme j'avais parlé avec ma belle-fille de cette notion de verbe faible, ça l'a fait sourire donc elle m'en a parlé. Il y avait des phrases du type :

Je fais du café.
Il avait dix ans.
Il fait attention.

Dans le mini-cours qui a suivi, d'après les notes de ma belle-fille, la prof a invoqué les notions de précision (qui se rejoigne avec ton constat du coup, Milora), et surtout de richesse de la langue française.
Elle ne nommait pas ces verbes comme verbes faibles mais comme verbes purement informatifs. Elle les "opposait" au style littéraire classique.

Bon, j'ai trouvé le cours un peu réducteur du coup, mais ce qui m'a intéressé c'est justement que l'on enseigne cela.

Re: auxiliaires et verbes faibles

Posté : ven. mars 23, 2012 4:39 pm
par Beorn
Je suppose qu'en cours de français, ce genre d'exercice a un vrai sens : il s'agit d'enrichir la palette de vocabulaire des élèves, de leur apprendre à utiliser des mots plus rares, etc.
C'est très bien.
Cependant, ils n'en sont pas au stade où ils écrivent des romans.
Milora a écrit :Cette linguiste expliquait en effet qu'il y avait une différence fondamentale entre l'anglais et le français : le français fait porter le sens, la matière de la phrase et les nuances, sur les noms, des mots qui complètent le verbe. Alors qu'en anglais, le sens de la phrase est condensé dans le verbe, ce qui fait que "be", par exemple, ne rend pas bien quand on l'emploie, parce qu'il ne veut rien dire de concret, qu'il est trop vague, et que les compléments qu'on utilise facilement en français (ne serait-ce que peut-être, probablement, etc.) sont lourds en anglais...
Voilà qui est fichtrement intéressant !
Donc, les Français souffriraient sur les répétitions et les Anglais sur les verbes faibles. Chacun son cauchemar. ^^

Et dans ce cas, on se prendrait le chou avec un problème qui ne nous concerne pas !

Re: auxiliaires et verbes faibles

Posté : sam. mars 24, 2012 5:19 am
par Bergamote
Je suis bien d'accord Beorn, mais finalement lorsqu'on écrit un roman, on peut s'appuyer sur certaines "références", et les cours de français peuvent en faire partie.
Surtout lorsque l'on sait que pas mal d'ados encore en pleine étude commence à écrire leur premier roman.

Ceci pour dire que l'on pourrait peut-être rapprocher la "correction" de certains verbes faibles par un enrichissement du vocabulaire utilisé dans un roman. Alors oui, entre employer un vocabulaire riche et être compréhensible pour les lecteurs, mon choix est fait.
Mais cela pourrait être une façon différente de percevoir le fait que l'on se débarrasse de quelque avoir et être, lorsqu'ils ne sont pas utilisés en tant qu'auxiliaires.

Ensuite, je reste persuadée que tu as raison : le fait de soulever l'utilisation d'un verbe faible dans une bêta n'est pas forcément dans le sens d'en faire la chasse, mais aussi pour exprimer une formulation maladroite, fausse, répétitive ou que sais-je encore.

Le fait est qu'un texte bourré de verbes faibles peut très bien paraître fluide, fort et bien écrit. De la même façon qu'un texte sans verbes faibles peu paraître maladroit.

Re: auxiliaires et verbes faibles

Posté : sam. mars 24, 2012 10:08 am
par Beorn
Bergamote a écrit :Je suis bien d'accord Beorn, mais finalement lorsqu'on écrit un roman, on peut s'appuyer sur certaines "références", et les cours de français peuvent en faire partie.
Surtout lorsque l'on sait que pas mal d'ados encore en pleine étude commence à écrire leur premier roman.

Ceci pour dire que l'on pourrait peut-être rapprocher la "correction" de certains verbes faibles par un enrichissement du vocabulaire utilisé dans un roman. Alors oui, entre employer un vocabulaire riche et être compréhensible pour les lecteurs, mon choix est fait.
Mais cela pourrait être une façon différente de percevoir le fait que l'on se débarrasse de quelque avoir et être, lorsqu'ils ne sont pas utilisés en tant qu'auxiliaires.
Exactement.
Je pense qu'il faut avoir à sa disposition la plus large palette possible de vocabulaire et ne pas hésiter à l'utiliser. En ce sens, les exercice de Français ont tout à fait leur utilité.
Il est probable qu'un auteur débutant et/ou manquant de vocabulaire gagnera à enrichir cette fameuse palette.

Maintenant, ce n'est pas parce qu'un mot est rare qu'il est bon. Enrichir sa palette ne veut pas dire oublier les mots simples et directes qui fonctionnent aussi : c'est savoir choisir le meilleur mot, au cas par cas.
Et oui, en effet, pour moi, le verbe faible à supprimer, c'est exactement comme l'adjectif bateau ou le nom bateau à supprimer : "rapière" est plus précis que "épée", "étincelant" est plus précis que "beau". Dans certains cas, ce sont ces mots qu'il faudra choisir, car ils seront plus "justes" dans le contexte. Et dans d'autres, pas du tout.

Si je me lance dans un récit de cape et d'épée, il faudra bien parler de "rapière" à un moment ou à un autre.
Mais si je dis "la plume est plus forte que l'épée", remplacer "épée" par "rapière" n'a aucun sens.

Re: auxiliaires et verbes faibles

Posté : sam. mars 24, 2012 10:31 am
par tigrette
En revanche, une chose qu'il ne faut pas faire à mon avis, c'est multiplier les :
soupira-til, asquiesça-t-elle, opina du chef-il, déglutit-elle, et autres excentricités incisiales.

Re: auxiliaires et verbes faibles

Posté : sam. mars 24, 2012 10:35 am
par Beorn
:heart: tigrette !
C'est effectivement mon cheval de bataille depuis fort longtemps. ;)

Re: auxiliaires et verbes faibles

Posté : sam. mars 24, 2012 11:21 am
par Milora
tigrette a écrit :En revanche, une chose qu'il ne faut pas faire à mon avis, c'est multiplier les :
soupira-til, asquiesça-t-elle, opina du chef-il, déglutit-elle, et autres excentricités incisiales.
Dans l'absolu... Mais je reste sur ma position : ça dépend du texte. :P Dans Le Château de Hurle (un roman jeunesse qui m'a beaucoup marquée), il y a une longue scène où le magicien parle avec l'héroïne tout en volant dans une sorte de tempête de vent. Il y a du bruit partout. Et, je ne sais pas si c'est délire du traducteur ou si c'est comme ça en VO (puisqu'il me semble que les anglosaxons utilisent beaucoup le simple "say" pour leurs dialogues), mais pendant tout le passage, il y a un verbe de dialogue différent pour le magicien, passant par toute la palette du cri (hurla, brama, etc.). Avec une sorte de gradation. Bref, j'ai toujours trouvé ce passage drôle, juste pour ça. (En plus le magicien s'appelle Hurle, lol). S'il avait été écrit "dit-il" ou juste "cria-t-il" à chaque réplique, ça aurait cassé le charme du dialogue...

Du coup, je reste campée sur ma position du : "il n'y a pas de règle, tout dépend du texte", na. :roll:

Ceci dit, pour la différence français/anglais, j'ai eu un autre cours avec cette même prof linguiste, et ça semblait confirmer ce constat...

Re: auxiliaires et verbes faibles

Posté : sam. mars 24, 2012 12:07 pm
par Anonyme_Quatre
Les deux premiers verbes que tu cites, tigrette, je les trouve pas du tout excentriques ^.^'
Les incises ont pour moi deux rôles : indiquer qui parle et sur quel ton, voire les deux à la fois. Par exemple, moi "dit-il" je ne trouve pas ça très utile :$

Re: auxiliaires et verbes faibles

Posté : sam. mars 24, 2012 2:00 pm
par Siana
Oui, les incises peuvent faire passer la manière de parler. Mais c'est vrai qu'il ne faut pas en abuser, et parfois revenir à des incises plus simples et passe partout.

Re: auxiliaires et verbes faibles

Posté : sam. mars 24, 2012 2:35 pm
par Beorn
Milora a écrit :Dans Le Château de Hurle (un roman jeunesse qui m'a beaucoup marquée), il y a une longue scène où le magicien parle avec l'héroïne tout en volant dans une sorte de tempête de vent. Il y a du bruit partout. Et, je ne sais pas si c'est délire du traducteur ou si c'est comme ça en VO (puisqu'il me semble que les anglosaxons utilisent beaucoup le simple "say" pour leurs dialogues), mais pendant tout le passage, il y a un verbe de dialogue différent pour le magicien, passant par toute la palette du cri (hurla, brama, etc.). Avec une sorte de gradation. Bref, j'ai toujours trouvé ce passage drôle, juste pour ça. (En plus le magicien s'appelle Hurle, lol). S'il avait été écrit "dit-il" ou juste "cria-t-il" à chaque réplique, ça aurait cassé le charme du dialogue...
Je ne connais pas le texte, mais si c'est humoristique, même légèrement, alors c'est différent. L'humour se nourrit de la bizarrerie et du ridicule.
Milora a écrit :Du coup, je reste campée sur ma position du : "il n'y a pas de règle, tout dépend du texte", na. :roll:
Bien sûr, on peut tout faire, tout imaginer, tout essayer. Si le personnage hurle, il faut le dire, c'est certain.
Mais bon, de manière générale, je pense que c'est une fausse bonne idée que de faire porter trop de sens sur le verbe d'incise. Très souvent, c'est redondant avec la gestuelle, les paroles et la situation - toutes choses beaucoup plus expressives et directes.
Nariel a écrit :Les deux premiers verbes que tu cites, tigrette, je les trouve pas du tout excentriques ^.^'
Eh bien, autant "soupira-t-il", je trouve ça possible, ça ajoute un sens qui n'est pas forcément perceptible autrement. Autant "acquiesça-t-elle", justement, me semble forcément redondant avec ce que dit le personnage (du genre : "oui, acquiesça-t-elle", hum, il y a répétition d'idée).

Re: auxiliaires et verbes faibles

Posté : sam. mars 24, 2012 3:51 pm
par desienne
"il n'y a pas de règle, tout dépend du texte"

J'aurais aussi tendance à dire que les incises apportent un supplément de vie au dialogue, à condition qu'elles portent une part de mouvement (hocher, secouer, acquiescer, approuver, applaudir....) et d'entourer les dialogues par des gestes, des mouvements, des actions. Aussi, une petite règle que j'ai apprise ici même : la prise de dialogue, essayer de s'arranger pour que le dernier personnage qui bouge, qui est en action est celui prends la parole, ça élimine d'emblée une incise bateau genre fit-il ou dit-il.
Après, il est vrai que trop d'incises, tuent l'incise, hachent les dialogues qui deviennent complètement artificiels.

Re: auxiliaires et verbes faibles

Posté : sam. mars 24, 2012 4:54 pm
par Bergamote
Pour les incises personnellement, j'en mets le moins possible, voir pas du tout dans mes textes. Mais c'est un choix purement personnel, que je n'imposerai à personne. Parfois dans une bêta quand j'en rencontre une qui, pour moi, est inutile, je la relève mais c'est tout.
Par exemple, dans une description de quatre cinq lignes d'une personne dont la colère monte devant les paroles de son pire ennemi. Que l'on m'explique la colère qui monte, la rage qui bouillonne au fond des tripes, je trouve que :

"Salaud ! cria-t-il."

Le "cria-t-il" n'est pas forcément utile. Du moins, c'est mon avis. Mais sur cela, chacun sa manière d'aborder les choses.

Re: Discours inspirants (ex: discours de Ray Bradbury)

Posté : jeu. janv. 29, 2015 3:42 pm
par Colcoriane
*transfert de discussion par la modération*

Francis Ash a écrit :
Crazy a écrit :
Francis Ash a écrit : À mon sens, la seule chose qui manque, c'est l'indispensable chasse aux verbes faibles. On n'a pas idée des dégâts que font ces petites choses-là sur un texte ! :wamp:
Pas sûr que ça existe en anglais :perplexe:
(Et y'a les répétitions, aussi :wamp: )
C'est moins marqué qu'en français, mais il en existe quand même.
C'est marrant, mais j'aurais dit exactement l'inverse. Le problème des "verbes faibles" est initialement anglais, me semble-t-il, ne serait-ce que par la façon dont la langue est construite. (et d'ailleurs j'avais déjà vu passer cette idée sur la mare)
En gros, en anglais, c'est le verbe qui est normalement le mot le plus porteur de sens, alors qu'en français, ce serait plutôt les noms.
Par exemple, on traduira "entrer par effraction" par "break into" ; en français, le verbe "entrer" ne dit pas grand chose de ce qui s'est passé, la vraie information est dans le nom "effraction". En anglais, cette information est justement apportée par le verbe "break", et on rajoute le petit "into" histoire, accessoirement, de dire dans quel but on a "cassé".
Du coup, en anglais, la chasse aux verbes faibles (et conjointement, aux adverbes, dont le rôle va justement être de donner la nuance qui manque au verbe) a plus de sens qu'en français ou le verbe a plus fonction d'articuler la phrase que d'en porter le sens.
En français, le problème des verbes dit faibles, ce n'est pas tant qu'ils soient faibles, ce qui à mon avis n'a en fait aucun sens pour cette langue, mais surtout qu'ils soient souvent employés et donc source de répétitions. (et au passage, je pense un peu la même chose de la chasse aux adverbes : en français, ils ont tout à fait leur place, précisément pour nuancer le verbe. juste éviter les "ment" à répétition parce que c'est moche, mais ça s'arrête là)

Re: Discours inspirants (ex: discours de Ray Bradbury)

Posté : jeu. janv. 29, 2015 4:01 pm
par Francis Ash
Intéressante analyse Colcoriane :)

C'est marrant parce qu'en partant du même constat, j'arrive à des conclusions différentes.

Reprenons ton exemple : "break into" pour "entrer par effraction".
De mon point de vue, ce qui fait la force de la formulation anglaise, c'est cette association du verbe avec un complément de direction. Break into a donc un sens très précis, que Break tout seul n'aurait pas.
En Français, ça donne entrer par effraction. Entrer tout seul ne suffit pas, on lui ajoute donc un qualificatif. Toutefois, il nous faut trois mots alors que les anglais se contentent de deux.

Ceci dit, chez nous, les verbes faibles sont les verbes génériques, passe-partout : être, avoir, dire... J'en passe.
Par exemple : "il a une clé dans la main" ou "il a une chemise". On est d'accord que dans ces deux cas, le verbe avoir est faible, il n'offre aucune précision, aucun détail. J'irai jusqu'à dire que "il a une chemise a carreaux" est presque incorrect, car le verbe "porter" devrait s'imposer.
En anglais, ça donnerait "he holds a key" ou "he's wearing a shirt". Ça provient peut-être de la façon dont j'ai appris l'anglais, mais il ne me viendrait pas à l'esprit de dire "he has got a key in his hand" ou "he has a shirt". To hold et To wear ne sont pas les verbes les plus extraordinaires, mais ils sont déjà plus précis que notre "avoir".

Qu'en penses-tu ?

Re: Discours inspirants (ex: discours de Ray Bradbury)

Posté : jeu. janv. 29, 2015 4:48 pm
par Crazy
Francis Ash a écrit :il ne me viendrait pas à l'esprit de dire "he has got a key in his hand" ou "he has a shirt".
J'ai un doute sur la première (si tu avais dit "a gun" au lieu de "a key", par exemple y'aurait une notion d'immédiateté plus flagrante).
Mais pour la 2e, ça change complètement le sens, puisque je l'interprète comme "il est propriétaire d'une chemise".

Y'a aussi le fait qu'en anglais, on "verbise" facilement les noms, plus qu'en français, et il me semble que c'est moins mal vu (voire carrément accepté selon les cas).