J'ai pas dit qu'on ne pouvait pas réfléchir à la psychologie d'un personnage. J'ai dit qu'on ne pouvait pas y réfléchir de la même façon qu'on réfléchirait à la psychologie d'un être humain réel.Je ne te suis pas ici non plus. Les personnages ne sont pas des personnes, soit, mais enfin de là à dire qu'on ne peut pas réfléchir à leur psychologie, à ce qui les pousse... moi ça me semble tout l'inverse.
Le personnage n'existe qu'à travers ce qui est dit et suggéré dans le roman. Ce qui fait que, suivant la façon dont le roman est orienté, on peut pousser jusqu'à un certain degré (ou pas) l'analyse psychologique. Je pense qu'on peut aller très loin dans l'analyse psychologique du Narrateur de Proust par exemple. Parce qu'il est extrêmement bien construit.
Par contre, réfléchir à très haut degré (au niveau de l'inconscient, tout ça), sur un personnage comme, je sais pas, Clark Kent, c'est plus projeter nos propres interprétations dessus.
Si tu prends l'exemple du début du fil, tu peux dire plein de choses sur les motivations de Clark : il a été aveuglé par son amitié et a "oublié" de sauver l'autre. Il a eu peur de prendre la responsabilité de sauver le méchant. Il a jugé qu'il devait mourir et l'a abandonné délibérément. Qu'il avait inconsciemment jugé que le méchant devait mourir et que, n'ayant pas la force de le tuer lui-même, il a sauté sur cette opportunité pour le laisser tuer. Qu'il a été tiraillé par le dilemne et que finalement s'est dit que ce n'était pas de sa responsabilité.
Etc. etc. etc.
On peut y voir plein de motivations psychologiques différentes. Et contradictoires. Mais aucune ne peut être réellement CELLE du personnage, puisque rien n'est dit directement (ou suggéré) dans la série, et que le personnage n'existe que dans la série. (J'espère que mon exemple est valable : je n'ai pas vu l'épisode en question, mais j'en cherchais un où j'aurais pas à réexpliquer tout le contexte )
C'est ça que je voulais dire. Je ne sais pas si je suis plus claire ?
Aha, "manichéen", c'est le grand reproche à la mode contre les oeuvres, de nos jours.C'est très manichéen comme approche. D'un côté les bons, de l'autre les méchants ?
Alors, si on prend le concept même du Bien ou du Mal, oui, il y a forcément des gentils et des méchants. Non, c'est pas encore ça. Plus exactement : dès lors qu'il y a un acte mauvais (tuer) il y a forcément positionnement autour du bien et du mal. Le fait même de faire quelque chose de mal suppose qu'il y a un positionnement par rapport au bien et au mal.
Une oeuvre non manichéenne n'est PAS une oeuvre où tous les personnages sont gris. Une oeuvre non manichéenne est une oeuvre où la question du bien et du mal ne se pose pas de cette façon. Et il y en a, même en SFFF. Je ne sais pas, par exemple La main gauche de la nuit d'Ursula Le Guin.
Dire que le bien et le mal, c'est une question de point de vue, ce n'est pas du tout éviter le manichéisme. C'est confondre les catégories. D'ailleurs, le bien et le mal ne sont pas question de point de vue. Les raisons qui expliquent le geste, si elles sont travaillées, peuvent excuser (plus ou moins) le personnage aux yeux du lecteur, elles peuvent aider à développer sa psychologie, tout ce que vous voulez. Mais je trouve ça très dangereux de dire que tuer ce n'est mal que suivant le point de vue.
Mon exemple-type à ce sujet c'est L'épée de vérité, qui développe toute une argumentation sur le sujet, et une argumentation fausse. En fait c'est un sophisme, lol. Zedd (le vieux sage) explique à Richard (le héros) que le méchant, Darken Rahl, n'est méchant que selon le point de vue, et que s'il était dans le camp de Rahl, Richard ne le verrait pas comme un méchant. Mais c'est totalement faux. Darken Rahl est un sadique qui massacre les petits garçons pour obtenir plus de pouvoir et dominer le monde. (C'est d'ailleurs l'archétype du méchant caricatural creux, mais bon). Si Richard avait été dans le camp de Rahl, ça n'aurait pas fait de Rahl un gentil. Ça aurait fait de Rahl un allié. Et, comme dans Gagner la guerre si j'ai bien compris, on aurait suivi l'histoire des méchants face aux gentils.
Est-ce que ma position est plus claire, ou pas du tout ?