Je suis parfaitement d'accord avec tout ça :
Beorn a écrit : Pour ma part, j'aurais une autre clef de lecture. Je constate un "durcissement" du gentil, une forme de "naïveté perdue".
Il devient difficile de faire un personnage trop gentil, nous n'y croyons plus. Peut-être notre perception du monde est-elle plus pessimiste qu'autrefois ? En tout cas, ce type de héros a du mal à séduire.
Bien sûr, il y a encore Spiderman pour me faire mentir, mais il semblerait que Batman, le "sombre héros" revienne maintenant sur le devant de la scène.
Dans la BD, Tintin, le succès du XXème siècle, est supplanté par "XIII" qui tue à tour de bras.
Et ce mouvement là, me semble-t-il, traverse largement le clivage Europe/USA quand on parle de littérature de l'imaginaire : Charlotte Bousquet, Justine Niogret, Jean Phillipe Jaworski, Pierre Bordage nous proposent des héros qui tuent, animés d'une morale parfois douteuse, dans des histoires souvent remplies de violence et de désillusion.
Personnellement, je le regrette un peu.
Tout comme Milora, je pense qu'un acte malveillant reste malveillant, peu importe les circonstances, l'enfance du héros, le point de vue où on se place etc. Et j'aime bien voir un personnage qui essaye de ne pas en commettre.
Ça me fait d'ailleurs très plaisir de voir quelqu'un d'autre en parler
(en général on me dit que non que non, je dis n'importe quoi et je me fais des idées ^ ^)
D'ailleurs je suis pas trop trop d'accord avec
Dawood a écrit :Pour rebondir sur ton propos Beorn, je crois que nous croyons encore aux héros vraiment "gentils", mais ils ont besoin d'un contexte particulier pour nous être crédibles. En somme, ils ne doivent pas avoir grandi dans notre société actuelle.
Harry Potter et sa troupe de Gryffondor sont de vrais gentils, et on y croit, mais seulement parce qu'ils vivent en vase clos dans une société alternative : aucun des collégiens que nous avons connu ou même été ne se comportait comme les "anges" que sont les élèves de Poudlard.
Les hobbits sont un peuple qui peut aussi s'apparenter à une certaine innocence, à une naturelle bienveillance et un respect de la vie.
Bref, les vrais gentils semblent se concevoir plus facilement en fantasy que dans notre monde réel, comme s'il nous était plus facile d'y croire s'ils avaient grandi à l'écart de notre société que l'on vivrait comme pervertie.
Déjà, y a plein de trucs de fantasy actuelle où les méchants sont douteux (
Gagner la guerre ou
Le Trône de fer il me semble ; et même dans
L'assassin royal le héros est quand même un tueur, même si, pour les volumes que j'ai lus, il reste les personnages assez purs de Kettricken et Vérité).
Mais même, c'est dans l'ensemble de la production de fiction qu'il me semble noter un certain assombrissement. En séries de SF, la joyeuse
Stargate est maintenant considérée comme gentillette par comparaison à la sombre
Battlestar Galactica qu'on lui dit supérieure (vous me direz que c'est question de qualité ? Moi, je préfère Stargate de ce point de vue là, mais c'est un autre débat, lol. Ce qu'il faudrait noter c'est que l'argument mis en avant est le plus souvent que BSG est plus mâture, parce que plus sombre.)
En plus, pourquoi un héros gentil paraîtrait subitement moins crédible maintenant qu'avant ? Les gens des décennies antérieures n'étaient pas plus naïfs que nous. C'est juste que la société est de plus désenchantée (du coup ça rejoint ce que disait Béorn)
(En plus, dans HP, je trouve pas que les Gryffondors soient si parfaits. Même Ron est pris de faiblesse et abandonne à un moment Harry. Le seul personnage inébranlable c'est Hermione, et peut-être les parents Weasley
. Les trois derniers HP, à mes yeux, placent tous les élèves de Poudlard devant des choix (résister activement ? Passivement ? Ne rien faire ? Collaborer ?), et c'est certes simplifié par le classement en différentes maisons et un peu édulcoré parce que c'est un livre pour jeunesse, mais je trouve pas que les Gryffondors soient tous des Gary Sue parfaits^^)
Par contre, sur ça :
Beorn a écrit :Iuinar a écrit :Je crois que le problème vient aussi d'une différence de culture États Unis / Europe. Il ne faut pas oublier que ce sont des séries américaines. Aux États Unis, non seulement la peine de mort existe encore mais elle est approuvée par une large majorité de la population. Ce qui fait que, pour les américains, tuer les criminels est quelque chose de normal, ça fait partie de la justice. Nous avons vraiment une différence de point de vue énorme avec eux sur ces questions là.
Milora a écrit :Exactement. Fondamentalement, je pense que c'est ça. (Y a qu'à voir certains livres américains comme L'Epée de la vérité, qui font carrément l'apologie de la peine de mort).
Ce que je trouve un peu dangereux c'est que, si on n'y fait pas gaffe, on s'imprègne de cette idée en suivant des séries (ou autres) où le méchant doit mourir (le must étant le méchant qui retourne sa veste et revient vers le côté lumineux de la Force... Mais comme il a été méchant, on sait déjà qu'il va se faire tuer d'ici la fin de l'épisode).
Je pense pas que ce soit une remarque facile ou cliché. La différence de culture existe bel et bien. Surtout dans les séries américaines qui se sont en partie construites autour de l'idée de matraquage des valeurs américaines (plus que les films ou les livres). Et encore plus en SF, d'ailleurs, qui est souvent très liée au contexte culturel contemporain (je pense par exemple, pour caricaturer, aux films d'envahisseurs extra-terrestres qui fleurissaient pendant la guerre froide).
la différence de culture Europe/USA est intéressante, mais à mon humble avis, elle n'explique absolument pas le cas évoqué.
Ce qui est juste, c'est l'existence du mythe du far-west, d'une nation construite sur des pouvoirs faibles, où les citoyens faisaient justice eux-mêmes. Cela explique sans doute cet amour des "super héros", ces justiciers qui ne rendent compte à personne et qui représentent globalement le "bien" sans se soucier des lois (à rapprocher du fait qu'il soit légal d'acheter une arme à feu).
Pour le reste, je ne suis pas d'accord. Certes, il y a un fort courant pro-peine de mort aux Etats-Unis (l'inspecteur Harry me semble emblématique, quant à l'Epée de vérité, je ne l'ai pas lu mais d'après ce que j'en sais, ça ne m'étonnerait pas...), mais ce serait un peu trop facile de dire de nous dédouanner, nous européens.
La peine de mort a été suspendue aux Etats-Unis pendant dix ans, de 1967 à 1977, une époque où en France, la guillotine fonctionnait encore. Aujourd'hui, il existe encore 16 Etats qui ne la pratiquent pas et 90% des exécutions sont réalisées par quelques Etats extrêmistes du Sud, Texas en tête. Parallèlement, en France, une bonne moitié de la population reste favorable à la peine capitale.
Par ailleurs, le succès en Europe de ces mêmes films, séries et livres dont nous discutons joyeusement... parce que nous les connaissons tous
... prouve assez que ces oeuvres trouvent un écho chez nous, et donc dans nos valeurs et dans notre culture.
Je suis pas entièrement convaincue, pour plusieurs raisons :
- 1) que la peine de mort ait été temporairement suspendue aux Etats-Unis et que seule une partie des Etats la pratique n'enlève rien à l'idée qu'elle est légalisée, qu'elle est loin d'être condamnée dans les esprits comme elle l'est (il me semble, mais je suis peut-être optimiste) dans la majorité des esprits européens par exemple. C'est lié avec ce que tu dis sur le far West, l'idée d'autodéfense, le fait que les armes soient en vente "libre", etc.
- 2) pour le fait que les séries nous plaisent à nous aussi. Oui... Mais ça ne contredit pas le fait que le moteur puisse être une mentalité américaine. On est quand même constamment envahis par l'idéologie américaine, et même si on ne l'approuve pas, on est quand même poussés dedans par la mode et tous les médias. Ce qui est américain c'est cool. Ce qu'on voit à la télé nous vient, je dirais, à 80% des Etats Unis (si on compte, en plus des émissions directement importées, celles qui reprennent un concept américain). Inconsciemment (voire consciemment), nos sociétés ont tendance à suivre le mouvement impulsé aux Etats Unis, et à s'en imprégner.
Cela dit :
- 3) j'avoue que dire que l'explication est
uniquement à chercher dans le fait que les Américains valorisent la peine de mort, c'est aussi réducteur. On n'a pas attendu Washington pour qu'Athos tue Milady ^ ^ Mais il me semble que généralisation de cette pratique s'est quand même généralisée dans les fictions américaines, non ? (et puis à l'époque de Dumas, y avait la peine de mort
). D'ailleurs ça m'avait agréablement surprise de constater qu'on n'était pas du tout dans le même schéma dans les dessins animés de Miyazaki (désolée, je sais jamais l'orthographier !), où la "fin" du méchant est en général davantage dans la rédemption que dans la mort...
Donc en gros, je dis pas que la mentalité acceptant la peine de mort est la SEULE explication, mais je pense qu'elle fait partie d'un contexte qui favorise beaucoup ce type d'orientation scénaristique...
...ce qui n'empêche rien non plus au fait qu'effectivement, dans le cas exposé par Siana, ça doit aussi venir d'un défaut de caractérisation, ou plutôt d'une platitude des personnages ^ ^
...ni au fait que j'ai encore pondu un pavé, lol. Je pense que vous ne devez plus me lire, depuis le temps
Désolée !