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Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : mer. nov. 30, 2011 8:18 pm
par Celia
Colcoriane a écrit : En ce qui me concerne, il y a certaines choses que je me refuse à écrire, par principe. Hors de question de m'infliger une mauvaise conscience pour satisfaire mon lecteur. D'autant que je n'y aurais plus aucun plaisir.
Il ne s'agit pas tout à fait de ça en fait.
On ne parle pas ici de caresser le pseudo lecteur dans le sens du poil sadique (mettre des gros nichons ou des viscères sanglantes, juste pour faire plaisir à un lecteur... qu'on n'a pas encore)
Il s'agit plutôt de rester honnête face à son écriture, la suivre le plus naturellement possible... et ne pas s'auto-censurer parce qu'on pense que le lecteur n'aimera pas, ou que l'éditeur n'aimera pas, ou que la famille, le meilleur ami, la "société" n'aimera pas. Ou simplement quand on se rend compte qu'on va loin dans un sujet sur lequel on est, personnellement, très sensible, et qu'on a peur d'y aller franco parce que ça ferait mal. Pour certains ce sera la violence, d'autres le sexe, d'autres encore une certaine relation amoureuse, ou la famille, etc. Des sujets tabous pour l'auteur qu'il faut affronter face à face pour libérer son écriture.

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : mer. nov. 30, 2011 8:32 pm
par pingu
Oui, d'où le "involontaire" du titre, je pense, pour marquer la différence d'avec les thèmes/choses/mots où on veut pas aller parce que c'est notre vraie volonté à nous qu'on a (la frontière est éventuellement parfois mince entre les deux).
Spoiler: montrer
Un darling, c'est je crois Stephen King qui en parle dans "écriture", mais je ne suis pas sûre de mes sources (je viens de fouiner sur le net mais je n'ai pas trouvé).
C'est : un truc (tic d'écriture, par exemple, ou encore une certaine métaphore ; ça peut être plein de trucs divers) qui n'apporte rien à l'histoire que tu écris, voire l'alourdit, mais que toi, auteur, tu trouves particulièrement génial (par exemple un personnage fait un geste complètement idiot dans le contexte, et en plus sans cause ni conséquence, mais toi tu avais réussi à tourner la phrase d'une telle manière qu'elle t'apparaissait merveilleuse et par là indispensable).
Il est même possible que tu le réutilises d'une histoire à l'autre ou d'une phrase à l'autre.
Bref, c'est un vilain parasite que l'auteur prend pour une rose fraîchement éclose.
Si un bêta te dit "ça c'est moyen" ou "est-ce vraiment utile ?" ou encore (ce ne sont que des exemples, celui qui vient venant d'ailleurs d'une bêta reçue par moi) "ta métaphore est ratée", et que toi tu t'exclames intérieurement que jamais jamais jamais jamais tu ne modifieras cette phrase, qu'elle est géniale d'abord, et plutôt brûler ton ordi que de la changer, eh bien il s'agit très possiblement d'un darling.
A la vérité, je crois que je n'ai jamais vu de définition de ce que c'était ; je les chope au feeling.
Si quelqu'un d'autre a une bonne définition, il peut ouvrir un fil dessus - s'il n'y en a pas déjà un, mais je n'ai pas l'impression.

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : mer. nov. 30, 2011 8:41 pm
par Colcoriane
Effectivement, j'ai peut-être lu un peu vite...

C'est vrai qu'il y a une différence entre les thèmes qu'on rejete par choix et ceux qu'on évite sans s'en rendre compte...
J'avoue que je n'ai pas encore remarqué ça chez moi, mais il y en a surement. Il va falloir que je regarde ça de plus près, c'est intéressant comme question.
ça fait un peu autopsychanalyse, quand on y réfléchit... "tiens, c'est drôle, j'ai esquivé ce truc là, je dois avoir subit tel traumatisme dans ma petite enfance..." ^^

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : mer. nov. 30, 2011 8:47 pm
par Celia
Eh bien c'est quelquefois le cas., tout à fait sérieusement.
On découvre beaucoup de choses quand on a un regard étranger sur ses textes et qu'on apprend à prendre de la distance.

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : mer. nov. 30, 2011 9:26 pm
par Jean-Claude Dunyach
Celia a écrit :On découvre beaucoup de choses quand on a un regard étranger sur ses textes et qu'on apprend à prendre de la distance.
C'est justement l'intérêt...
Que signifie la pudeur, dans ce cas ? En écrivant, on expose son inconscient, son image de soi, bref quelque chose qui vient des profondeurs... Or, des profondeurs, tout le monde en a. Faut-il s'autocensurer ? Et surtout, est-ce que ça donne de si bons résultats que ça, cette autocensure, ou non ? Personnellement, je penche pour non. Je préfère aller là où l'histoire exige d'aller, même si ça me fait pleurer, (ça m'arrive) ou si ça me noue les tripes. J'ai moins peur de ce que ça peut éventuellement révéler sur moi que de rater l'histoire ou de l'affadir.

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : mer. nov. 30, 2011 9:31 pm
par Celia
Oui c'est ce que je disais je crois ^^

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : mer. nov. 30, 2011 9:36 pm
par Sytra
Je trouve cette discussion intéressante, et en même temps je ne sais pas vraiment de quoi vous parlez. A part l'exemple sur les vampires enfants, où je visualise bien qu'elle peut être la pudeur, j'ai du mal à déterminer les éléments sur lesquels on peut être pudiques.

Je réfléchis à mes romans, et je n'arrive pas à trouver d'aspects où je me pense involontairement pudique. Pourtant, je me dis qu'il y en a forcément, je ne suis pas une exception. Comment vous rendez-vous compte que vous vous êtes montré trop pudique ? Est-ce que certains d'entre vous accepterez de donner des exemples sur des points où ils ont eu ce problème (les exemples m'aident généralement bien mieux que la théorie pour appréhender quelque chose) ? :lect:

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : mer. nov. 30, 2011 9:42 pm
par Celia
Je m'en suis rendue compte quand on m'a dit d'être plus directe dans ce que j'écris et d'éviter les ellipses.

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : mer. nov. 30, 2011 9:47 pm
par Isa S
Celia a écrit :Eh bien c'est quelquefois le cas., tout à fait sérieusement.
On découvre beaucoup de choses quand on a un regard étranger sur ses textes et qu'on apprend à prendre de la distance.
+ 1
Je confirme pour l'effet auto-psychanalyse - et je ne suis pas sûre d'être dans le sujet, mais j'aimerais développer un peu mon ressenti là-dessus.
Spoiler: montrer
Avec un peu de distance il y des trucs - des facettes de personnages, des thèmes - qui deviennent évidents : des éléments de nos vies mis en scène, plus ou moins consciemment. Et des évitements, des "tabous" tout aussi évidents... Après, la logique de l'histoire ne nécessite pas forcément que l'auteur aille creuser partout où ça lui fait mal. Mais il est sain, à mon avis (qui n'engage que moi), au moins de considérer la question. Parce que tous les psy vous le diront, il faut parler de ce qui fait mal pour guérir. L'histoire peut servir à libérer ça, à exprimer ce qu'on ne pouvait pas se dire à soi-même.
Et des fois (souvent), c'est là où ça fait mal qu'il y a le plus d'émotion à aller chercher et le plus d'universalité, peut-être. Parce que ce qui nous fait mal, des fois (souvent) ça fait mal aussi chez les autres, tout aussi enfoui et tabou...

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : mer. nov. 30, 2011 9:49 pm
par Elikya
Jean-Claude Dunyach a écrit :C'est justement l'intérêt...
Que signifie la pudeur, dans ce cas ? En écrivant, on expose son inconscient, son image de soi, bref quelque chose qui vient des profondeurs... Or, des profondeurs, tout le monde en a. Faut-il s'autocensurer ? Et surtout, est-ce que ça donne de si bons résultats que ça, cette autocensure, ou non ? Personnellement, je penche pour non. Je préfère aller là où l'histoire exige d'aller, même si ça me fait pleurer, (ça m'arrive) ou si ça me noue les tripes. J'ai moins peur de ce que ça peut éventuellement révéler sur moi que de rater l'histoire ou de l'affadir.
Je suis entièrement d'accord avec toi, mais il s'agissait d'une autocensure inconsciente chez moi. Je ne me rendais pas compte du fait que je n'avais pas tout donné. Du coup, réécrire ma "fameuse" scène m'a libérée et m'a émue. J'ai vu mes profondeurs dans le miroir de l'écriture. :heart:
j'ai du mal à déterminer les éléments sur lesquels on peut être pudiques
Le plus évident, c'est bien sûr le sexe et la violence. Il existe bien des manières de décrire une lame qui rentre dans un estomac. Mais je pense qu'il existe d'autres domaines d'ordre psychologique (des relations familiales extrêmes) ou physique (besoins naturels, règles...).
Comment vous rendez-vous compte que vous vous êtes montré trop pudique ?
Il y avait une ellipse au point crucial de la scène en question. Je n'avais pas appelé un chat, un chat. Je n'avais pas décris ce que je sous entendais.

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : mer. nov. 30, 2011 10:00 pm
par Isa S
Sytra a écrit :Je trouve cette discussion intéressante, et en même temps je ne sais pas vraiment de quoi vous parlez. A part l'exemple sur les vampires enfants, où je visualise bien qu'elle peut être la pudeur, j'ai du mal à déterminer les éléments sur lesquels on peut être pudiques.

Je réfléchis à mes romans, et je n'arrive pas à trouver d'aspects où je me pense involontairement pudique. Pourtant, je me dis qu'il y en a forcément, je ne suis pas une exception. Comment vous rendez-vous compte que vous vous êtes montré trop pudique ? Est-ce que certains d'entre vous accepterez de donner des exemples sur des points où ils ont eu ce problème (les exemples m'aident généralement bien mieux que la théorie pour appréhender quelque chose) ? :lect:
Elikya a bien résumé les généralités.
Exemple vraiment très personnel, dans la catégorie relations familiales compliquées :
Spoiler: montrer
dans mon premier roman, j'ai une héroïne de dix-sept ans qui n'arrive pas à prendre son indépendance parce que sa mère veut lui imposer un choix contraire au sien.
La première fois que j'ai écrit ce livre, à la fin la mère partait (avant que le palais où elles vivaient ne soit envahi), sans donner de raison.
La deuxième fois, ça m'a paru peu vraisemblable : la mère devenait folle, et partait.
Quand j'ai repris le bouquin quelques années plus tard, j'ai compris que j'avais évité le problème.
Dans la troisième (et dernière) version, la mère meurt.

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : mer. nov. 30, 2011 10:09 pm
par Tristane Suzette
* mode dissonance on *

Pour ma part, je trouve que le côté auto-psychanalyse de l'écriture peut être hyper bloquant. Parce que je trouve ça vertigineux de se pencher au-dessus des mots et de se regarder à travers eux (déjà, rien que les regarder eux...).

Je ne veux pas dire qu'il ne faut pas s'interroger. Je veux juste dire qu'il ne faut pas trop s'interroger.

J'dis ça, évidemment, parce que j'ai été bloquée assez longtemps par ce genre d'interrogations. Je le suis encore, d'ailleurs, puisque je suis obligée de laisser les intitulés d'AT décider sur quoi je vais écrire :mrgreen:

Pour moi, il faut oublier que les mots peuvent être un miroir.

* mode dissonance off *

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : mer. nov. 30, 2011 10:11 pm
par Celia
Mais Swald, la plupart du temps, tu ne vois ces interrogations là qu'en correction, ou quand un lecteur te met le doigt dessus.
A part les gros blocages, je n'y pense jamais en écrivant (ce sont vraiment des autocensures inconscientes)

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : mer. nov. 30, 2011 10:33 pm
par Siana
Je me retrouve un peu dans ton exemple, Isa S, d'ailleurs c'est sûrement une autre facette de la pudeur qui peut me prendre parfois.
Pour l'exemple qui me trotte en tête : lorsque j'ai repris la v2 de mon tome 1 pour en faire une v3, j'ai considérablement fait évoluer mes personnages, et parfois bien au-delà de la bienséance (selon les situations). J'ai laissé le côté bisounours pour entrer plus dans la réalité, donner plus de réalisme aux relations/réactions de mes personnages (en particulier les "gentils", qui sont du coup un peu plus gris que blancs). Et depuis, je me lâche, je laisse les personnages montrer leur vraie nature, aller jusqu'au bout de leurs pensées ou de leur actes (même s'ils en arrivent à tuer froidement, et dans ce cas je le montre).
Enfin, je suppose que ce genre d'évolution arrive à beaucoup de personnages dans le cadre d'une révision d'un texte, mais je trouve que ça reflète bien la pudeur du premier jet. D'ailleurs, c'est là où l'on peut parfois se rendre compte tout seul qu'on n'a pas développé une idée pourtant sous-jacente.

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : mer. nov. 30, 2011 11:26 pm
par Roanne
Jean-Claude Dunyach a écrit :
Celia a écrit :On découvre beaucoup de choses quand on a un regard étranger sur ses textes et qu'on apprend à prendre de la distance.
C'est justement l'intérêt...
Que signifie la pudeur, dans ce cas ? En écrivant, on expose son inconscient, son image de soi, bref quelque chose qui vient des profondeurs... Or, des profondeurs, tout le monde en a. Faut-il s'autocensurer ? Et surtout, est-ce que ça donne de si bons résultats que ça, cette autocensure, ou non ? Personnellement, je penche pour non. Je préfère aller là où l'histoire exige d'aller, même si ça me fait pleurer, (ça m'arrive) ou si ça me noue les tripes. J'ai moins peur de ce que ça peut éventuellement révéler sur moi que de rater l'histoire ou de l'affadir.
Tout dépend pourquoi on écrit.
Personnellement, je n'écris pas pour m'auto-psychanaliser, mais alors pas du tout. C'est peut-être d'ailleurs pour cette raison que la réaction de mon frère m'avait autant énervée.
(en même temps, je ne prétends pas non plus être un auteur, j'écris en dilettante et des trucs pas du tout sérieux, ceci explique peut-être cela)