gilou a écrit :Après avoir reçu plusieurs réponses types (négatives bien sûr), je regrette que les comités de lecteurs prennent si rarement la peine de faire un retour quelconque. J'ignore combien de temps ils passent par manuscrit, mais est-il si difficile d'expliquer en une ligne ou deux c'est quoi le problème, et à quelle distance on était d'être accepté ? Il est évident qu'un auteur ne peut juger son manuscrit lui-même (pour ce qui est de ses chances d'accès à l'édition, en tous cas), mais au bout de 5 refus genre "mettez-y le feu et il produira de la chaleur, c'est sa seule qualité", ça lui mettrait la puce à l'oreille comme quoi c'est peut-être pas la peine d'insister.
Y a-t-il ici un lecteur qui puisse m'expliquer ?
Je pense qu'il suffit d'imaginer le point de vue de l'éditeur.
Il doit lire, mettons, 500 à 10000 manuscrits par an. C'est à dire qu'il se fait de temps en temps des séances de 100 ou 1000 manuscrits au minimum. Son travail est de choisir un ou deux manuscrits chaque année dans cette masse, en y perdant le moins de temps et d'énergie possible. C'est à dire en éliminant un maximum de manuscrits, écartés en deux minutes.
Matériellement, faire cette sélection de base du tout venant, c'est un travail énorme. C'est fatiguant, c'est décourageant, on voit beaucoup de médiocrité, on devient cynique, froid et désenchanté. La plupart n'aiment pas cela.
C'est la raison pour laquelle les éditeurs s'appuient énormément sur un réseau de relations qui leur apporte des manuscrits censés être déjà un peu "pré-sélectionnés". Des libraires, des copains, des auteurs, voire d'autres maisons d'édition. Ou CoCyclics, dont c'est l'un des buts affichés...
Sélectionner, c'est déjà long, pénible, ingrat, et beaucoup d'éditeurs font tout ce qu'ils peuvent pour l'éviter. Mais
écrire en plus un mot à 1000 personnes, c'est carrément une tâche dantesque.
Ensuite, que gagne l'éditeur à faire cela ?
Il risque de vexer l'auteur, qui est un acheteur potentiel.
Le seul avantage qui peut exister, c'est le cas du manuscrit qui a du potentiel : l'éditeur peut alors écrire un mot pour que l'auteur pense à lui plus tard, quand il aura mûri et écrit un autre roman.
Il faut voir que sélectionner les manuscrits, c'est une tâche mineure dans l'emploi du temps de l'éditeur. Et pour cause : son travail à lui, c'est de vendre des romans. Il faut donc travailler avec les auteurs, les correcteurs, les préparateurs, les illustrateurs, les maquettistes, les imprimeurs, le diffuseur, les journalistes, les membres des prix, les libraires, les salons, les bibliothèques, les bloggers. Il faut payer les factures, les impôts, faire la compta, nourrir le site internet, faire la promo des livres au quotidien. Il faut acheter les droits étrangers à des agents étrangers, choisir les traducteurs, essayer de revendre ses propres livres aux éditeurs de poche ou aux éditeurs étrangers... Il faut réfléchir à ce qui marche et ne marche pas, avoir une stratégie de long terme, il faut gérer les conflits de personnes dans la maison, engueuler les auteurs en retard et faire fonctionner le comité de lecture.
Alors oui, il faut
aussi sélectionner les manuscrits : c'est important pour découvrir les auteurs de demain. Mais il le fait quand il a le temps et le besoin (pour boucler son catalogue de l'année prochaine, parce que pour l'instant, il a un trou en juin et un autre en septembre, sinon, il aurait balancé ces 500 manuscrits d'un coup sans les regarder, comme l'année passée...)
Je résumerai donc ma réponse en deux phrases :
Il fait tout cela parce que c'est son métier : il est payé pour cela.
Il ne répond pas aux auteurs parce que ce n'est pas son métier : il n'est pas payé pour cela.
S'il le fait, il néglige ses autres tâches, ses autres auteurs et toute sa maison.
Quelques éditeurs le font quand même, en général par esprit de partage et d'entraide - de façon bénévole, donc. Mais ils sont rares.