Tsumire a écrit :Bonjour les grenouilles.
Une question me turlupine ces derniers temps à propos du point de vue interne, à la première personne du singulier. Là, il faut choisir un personnage-narrateur, et s'y tenir.
Ma question est donc la suivante : comment bien choisir ce personnage ?
Vous me répondrez : celui qui vit le plus de conflit.
Je vais donc préciser le contexte.
Vous avez deux personnages principaux, X et Y.
X débarque dans une histoire abracadabrante dont il ne connaît rien. Mon choix de personnage-narrateur tourne naturellement autour de ce personnage. Son conflit principal vient de son ignorance et de cette projection soudaine dans une situation compliquée. Néanmoins, celui qui risque gros durant toute l'aventure, c'est le personnage Y. Oui, c'est vrai, il comprend tout. Mais il est le personnage qui risque sa vie. En gros, celui qui a le plus à perdre.
Alors, voilà, lequel choisir ? X ou Y ?
X permet d'introduire les enjeux au compte-goutte. Y est un choix plus dramatique, plus conflictuel.
Dilemme.
A titre personnel, j'aurais choisi Y, parce qu'un nombre incroyable de romans de fantasy choisissent X, et que du coup ça aurait été plus original (personnellement, quand je lis un quatrième de couverture qui commence par "Tartempion est un humain ordinaire qui soudain découvre un passage vers un monde fantastique et...", je repose immédiatement le roman). Tandis que mettre un personnage comme X dans une histoire racontée par Y, ça pourrait produire une mise à distance de ce procédé éculé... Mais bon, c'est un choix parfaitement personnel
Pour l'aspect théorique, je plussoie Beorn (la question avait pas déjà été abordée, d'ailleurs ? Il me semble que les exemples de Sherlock Holmes avaient déjà été cités dans le même contexte...).
Ceci dit, quelque chose me turlupine dans ta question même : tu inventes une histoire avant de définir le protagoniste ? J'avoue que ça me surprend : personnellement, quand j'invente une histoire, j'invente toujours par rapport aux personnages, par rapport à la "ligne directrice" où je vais guider le lecteur. Du coup je ne me suis jamais posé la question. Je me suis tout au plus posé la question de savoir si j'allais raconter à "je" ou à la troisième personne en focalisation interne, mais jamais je ne me suis demandé qui serait le narrateur... Du coup, c'est un peu annexe par rapport au sujet, mais : comment tu fais pour inventer l'histoire ? Tu plantes d'abord l'enjeu ? Le monde ?
EDIT : j'ai repensé à ta question et autre chose me turlupine : X et Y ne vont pas vivre la même histoire. En fait je cherchais des exemples où le point de vue est "braqué" sur un personnage qui n'est pas le coeur de l'action. J'ai pensé par exemple au
Château de Hurle : l'héroïne est Sophie, mais le personnage mystérieux, le personnage réellement puissant, le personnage qui agit, qui vainc la méchante, le personnage vers qui est portée la malédiction, bref le personnage au "coeur" du conflit comme tu dis, c'est Hurle. Mais si Hurle avait raconté l'histoire, tout aurait été différent. Certes, différent pour son personnage (il n'aurait pas été mystérieux et charismatique, en focalisation interne). Mais l'histoire elle-même aurait été différente. En l'état, l'histoire principale, la ligne directrice, c'est Sophie qui essaye de se libérer de son enchantement. Par rapport à l'histoire globale (une sorcière qui essaye d'éliminer Hurle et de prendre le pouvoir), Sophie n'est qu'un dommage collatéral aussitôt oublié. Mais si on avait suivi Hurle, l'intrigue aurait été toute différente : le rôle de Sophie aurait été mineur, on aurait suivi les investigations de Hurle par rapport à la sorcière et ses combats. Ça aurait été un autre livre (plus cliché, à mes yeux, mais bon).
Du coup je pense que la question à se poser ce n'est pas de savoir si X ou Y va raconter, mais de savoir quelle histoire du veux raconter. Celle de X accompagnant Y, ou celle de Y accompagnant X ?
EDIT 2 :
En fait en y repensant (non j'ai rien de mieux à faire je sais...
Enfin si mais j'ai la flemme de le faire
), en y repensant je ne suis pas d'accord avec ton présupposé de départ :
Ma question est donc la suivante : comment bien choisir ce personnage ?
Vous me répondrez : celui qui vit le plus de conflit.
Je pense pas. Je pense que (avec une histoire qui tient), le personnage-narrateur (ou sur qui est centrée la focalisation) sera, quoi qu'il arrive, au coeur du conflit. Parce que : qu'est-ce que tu appelles
le conflit ? Le personnage-narrateur vit forcément une histoire :
son histoire. Et cette histoire deviendra l'histoire du roman (ou de la nouvelle ou qu'importe). Le fait même qu'il en soit le narrateur va produire du conflit, en quelque sorte. A part des cas extrêmes comme Watson qui n'est là que pour tenir la caméra devant Holmes, le personnage-narrateur vit sa propre histoire, et dès lors, c'est elle qui intéresse le lecteur. Dans
Le seigneur des anneaux, si je me souviens bien, il y a un long passage dans la forêt où on suit Pippin et Merry avec Sylvebarbe. C'est plutôt annexe par rapport à l'histoire. Oui, ça a une conséquence sur la quête de Frodon et la lutte d'Aragorn, mais pendant ces moments-là, on n'est pas du tout au cœur de ce que tu appelles le conflit. Pourtant, est-ce qu'on s'en désintéresse ? Non, parce que l'histoire, le "conflit", à ce moment-là, pour le lecteur, ce n'est plus "Frodon va-t-il arriver à la montagne du Destin ?", c'est "que vont devenir Pippin et Merry ?".
Du coup, je pense vraiment que l'auteur ne peut pas choisir d'un côté une histoire, et d'un autre côté un narrateur. Les deux sont nécessairement imbriqués : c'est le narrateur qui fait l'histoire ; pas seulement au sens où il la raconte, mais au sens où c'est sa vie à lui qui va devenir l'histoire, c'est sur lui que se porte le centre de gravité de la narration...
Je suis sans doute en train d'enfoncer des portes ouvertes et de m'exprimer de façon peu claire, mais bon, je vais tenter de ne
pas revenir pour un EDIT 3, mdr.