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Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : jeu. avr. 26, 2012 9:35 pm
par Colcoriane
J'ai suivi ce fil passionnant sans rien dire jusqu'ici, mais l'autre jour j'ai repensé à un détail qui m'a fait réfléchir...
Beorn a écrit :
Scipion a écrit :Bref, je reviens à Titanic. On a bien 3 adversaires, selon la vision de Truby : Rose, Cal et le paquebot. Pourtant, à première vue, on pourrait dire qu'il n'y a que Cal comme méchant, le paquebot, c'est les circonstances, Rose le but.
Tiens, oui, Titanic est un bon exemple !

Mais selon moi, tu te prends pas le bon protagoniste : le héros de l'histoire, c'est Rose. C'est celle qui a le problème le plus puissant, le plus grand "chemin intérieur" à parcourir. La faiblesse de Rose, je crois, c'est d'être obéissante. (Jake a une faiblesse qui est sa pauvreté, mais il n'évolue pas dans le film).
Son adversaire principal est Jake (il attaque sa faiblesse qui est d'être obéissante en la séduisant, il lui permettra de trouver la "révélation" à la fin)
Les deux autres adversaires sont Cal (qui attaque sa faiblesse en la menaçant)
Et sa mère (qui attaque sa faiblesse par la force de la mauvaise conscience, du devoir, etc.)
Ces adversaires sont soit alliés entre eux (Cal et la mère) soit adversaires entre eux (Jake vs Cal et la mère)

Considérer Jake comme "l'adversaire", alors que c'est un personnage hyper gentil, cela permet de mieux comprendre cette notion : dans le système de Truby, l'adversaire n'est pas nécessairement quelqu'un que le héros n'aime pas, au contraire. C'est celui qui attaque sa faiblesse.

Pour moi, le paquebot n'est pas un personnage (je me base sur la catégorisation de Lavandier : un personnage doit avoir un but et une volonté, et selon Truby, il doit avoir un plan).
Dans cet exemple, il y a quand même une différence fondamentale entre Jack d'un côté, et Cal et la mère de l'autre.
Jack, certes, attaque l'obéissance de Rose, mais dans le but qu'elle la dépasse. Il cherche à la faire évoluer, à dépasser sa faiblesse.
Alors que les deux autres attaquent Rose sur son obéissance pour servir leurs propres buts. Ils ont besoin de son obéissance, en l'occurance, et cherchent à la renforcer, qui par la peur, qui par le devoir. Certes, ils obtiennent l'effet inverse, mais il n'empêche que l'intention est là.

Ne pourrait-on donc pas parler de deux catégories d'adversaires ?
- les profiteurs, qui tirent un avantage à la faiblesse du personnage, et vont donc manipuler cette faiblesse pour leurs intérêts. Naturellement, ils se sentent poussés à maintenir cette faiblesse, en attaquant là où ça fait mal.
- les (heu... une suggestion, peut-être ?), qui attaquent cette même faiblesse, non pas pour en profiter, mais pour aider le personnage à la dépasser.
Du point de vue du personnage, on aurait là la distinction méchant/gentil... mais il peut être très intéressant de jouer là dessus, de ne pas dévoiler tout de suite quel est le but sous-jacent des attaques.

Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : ven. avr. 27, 2012 8:36 am
par Dawood
Colcoriane a écrit : Ne pourrait-on donc pas parler de deux catégories d'adversaires ?
Pourquoi pas, mais ça complique un peu les choses. Je trouve la schématisation de Truby plutôt efficace ; il peut y avoir nombre de motivations diverses (et des tas de classification de personnages, donc) qui amènent des persos à s'attaquer à une faiblesse d'un personnage, mais quelque soit la façon dont ils s'y prennent, le perso en question va bien souvent devoir dépasser cette faiblesse sur laquelle il est attaqué, et c'est davantage ce qu'il y a à en retenir, je crois, plutôt que les motivations des uns et des autres. (je parle au niveau schématique, théorique)

Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : ven. avr. 27, 2012 1:27 pm
par tigrette
J'aimerai revenir sur Titanic.

Je suis d'accord, le personnage principal est Rose.
Jack, sa mère et son fiancé sont ses adversaires, mais je trouve le personnage de Rose assez mal caractérisé et peu crédible.
La scène où elle se retrouve en troisième classe est très exagérée, dix-sept ans d'éducation "upper" balayées en dix minutes, elle danse sur les tables. Ensuite plus tard elle fait l'amour dans une voiture, elle fait un geste grossier à son ex fiancé (qui est lui très caricatural aussi). Rien ne la choque, elle est prête à se lancer dans une vie de pauvreté, elle pose nue pour un quasi inconnu, etc.
Pourquoi pas, mais je n'ai pas trouvé que les bases de son personnage avaient étaient posées pour permettre une telle transformation.
J'ai trouvé les ficelles bien trop grosses, ses revirements ne sont pas bien expliqués à mon sens alors que les adversaires sont bien présents et l’interaction pourrait être plus logique et subtile.
Tout repose sur la tentative de suicide (qui pour moi arrive comme un cheveux sur la soupe) et le coup de foudre qui s'en suit (très disney)

Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : ven. avr. 27, 2012 9:06 pm
par Monsieur Loup
Puisqu'on est sur Titanic.
Autant je suis d'accord pour faire de Rose le personnage principal, mais je ne vois pas du tout Jack comme un adversaire. Il ne s'attaque pas à la faiblesse de Rose, encore et encore, jusqu'à ce qu'elle craque pour la faire changer, il l'a prend telle quelle (y compris donc avec ses défauts et faiblesses donc) et la remodèle en quelqu'un de "meilleur" (j'y reviendrai plus tard). Il la grandit, la transforme sans lui faire du mal. Pour moi, Jack est clairement un adjuvant.
Pour la caractérisation de Rose et Jack, ils s'avèrent être l'incarnation des concepts de l'animus et de l'anima (merci Jung). Rose, c'est l'animus, l'ordre, la maîtrise de soi (qui tend ici à la rigidité), le contrôle, le matériel. Jack, l'anima, est la force créatrice, mais qui part un peu dans tous les sens, l'inconscient. Théoriquement, chaque personne est constitué des deux facettes, mais ici, la partie anima de Rose a totalement été écrasé par son éducation, son entourage familial et social, et son côté animus (Jack a une forte dominante anima, mais sait être animus aussi).
C'est pour ça, ses
tigrette a écrit :dix-sept ans d'éducation "upper" balayées en dix minutes
une force longtemps écrasée, sous pression, subitement libérée grâce à sa rencontre avec Jack. Ca ressort d'autant plus fort.

Pour la scène de sexe, c'est là où Jack remodèle complètement Rose (la symbolique de la main est d'ailleurs très présente tout le long du film), y rétablit sa partie anima (Rose le lui demande d'ailleurs, certes pas explicitement, mais c'est limpide quand on connaît les concepts). Une fois de plus, je pense que Jack est un adjuvant plus qu'un adversaire, pour moi il ne s'attaque pas vraiment à sa faille, il rétablit l'équilibre "en douceur", sans écraser pour autant sa partie animus.

Du coup, je ne suis pas tout à fait d'accord non plus sur les bases des persos (Rose en particulier) mal posées :lol: