[A] Pourquoi vous riez ? (comment faire rire)

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Beorn
Bond, Alexander Bond
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Re: Pourquoi vous riez ?

Message par Beorn »

Thomas D a écrit :Milora a raison de remarquer que l'humour n'est pas forcément synonyme de "distance" avec le personnage. Je me sens très proche de Han Solo pour son humour (c'est le seul exemple qui me vienne à l'esprit, et en lisant la dernière page de ce fil tandis que j'écris, je vois que Tristeplume a cité le magnifique Tyrion Lannister et je m'en veux de n'y avoir pas songé !).
Oui mais, comme pour Tyrion, il s'agit de l'humour du personnage. On ne rit pas à ses dépens, à cause de ses erreurs/de sa malchance, on rit de ses blagues et de ses attitudes. Son humour fait partie de son charme personnel, il n'y a donc pas de mise à distance avec le personnage.
On retrouve d'ailleurs fréquemment ce cas de figure dans beaucoup de films "d'action" dont les ressorts dramatiques reposent pourtant sur l'identification et l'émotion.
Thomas D a écrit :Certains romans de Pratchett sont drôles et profonds et touchants et ils ménagent souvent un grand suspens.
Je n'ai lu que quelques-uns de ses romans et je ne suis pas un spécialiste. Aurais-tu un titre en particulier ?
Dans la huitième couleur, toujours, Rincevent est à mourir de rire, mais pas instant je n'ai eu peur pour lui, et je me fichais bien de savoir s'il va réussir ses objectifs ou non. Ce qui n'empêche pas le roman d'être un petit bijou, d'ailleurs, et pas seulement pour son humour (il y a énormément de choses dans ce roman).
Tommas D a écrit :Au final, j'ai quand même l'impression que les livres qui soient intéressants et qui fassent vraiment rire, comme ceux de Pratchett, sont rarissimes et si vous en connaissez en SFFF, je suis très preneur. :]
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Tristeplume
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Re: Pourquoi vous riez ?

Message par Tristeplume »

Beorn a écrit :Ah oui, je vois ce que tu veux dire et c'est un point intéressant.

Dans ce cas précis, l'humour n'est pas extérieur au personnage. Ce n'est pas un narrateur qui le rapporte ou un autre personnage qui nous fait rire de Tyrion : au contraire, on est dans l'auto-dérision, c'est à dire une forme d'expression interne du personnage.
Ce n'est pas comme si on riait de lui, de façon extérieur : c'est lui-même qui rit (jaune).
Je ne sais pas si je suis clair. Mais dans ce cadre-là, il n'y a pas vraiment de distanciation avec le personnage, on reste dans ses propres émotions, dont le rire fait partie. C'est peut-être une parade à l'effet de distanciation, en effet.
Oui, il y a une différence entre un personnage qui fait de l'humour et le traitement humoristique du narrateur.
Le premier cas est bien plus fréquent et peut prendre place dans n'importe quel roman, même les plus sombres.

Cela-dit, l'humour du personnage s'exerce aussi aux détriments des autres acteurs du roman. Quand Tyrion se moque de son frère ou de sa soeur, il peut provoquer une distanciation du lecteur. D'ailleurs, à cause de Tyrion, je ne vois en Jaime qu'un crétin de bas étage. ^^
Bon, par ailleurs, le rire crée pas forcément de la distanciation. ;)
Mais c'est juste un écueil possible à avoir en tête, je crois.
Clairement. L'équilibre est difficile à trouver car tourner un personnage en ridicule, par exemple, peut avoir des conséquences irréversibles.
De ma petite expérience, le traitement humoristique ne déroge pas aux règles de cohérence qu'on doit utiliser pour n'importe quel roman. Un personnage peut être tourné en ridicule mais ça doit respecter la cohérence de ce perso, sa logique de fonctionnement, son caractère et sa personnalité.

Par exemple, si on a une grosse brute dont le crédo est "si la violence ne résoud pas les problèmes c'est que tu n'as pas tapé assez fort", on ne pourra pas le faire apparaître déguisé en petit rat de l'opéra pour ruser. Même si l'image est drôle (cf Fantasia), ça ne colle pas avec la logique du perso et ça risque effectivement de le descréditer aux yeux du lecteur. Après, on peut parvenir à cette scène mais faudra vraiment bien l'amener.
C'est là où le traitement humoristique s'avère aussi contraignant que n'importe quel type de traitement.
On peut avoir tendance à penser que "ouais, je fais de l'humour, c'est le vase ouvert à toutes les gouttes d'eau", or ce n'est pas du tout le cas.
Pour moi, l'humour, c'est quand même faire rire ou sourire. Effectivement, on y parvient par un décalage. Cependant, le décalage peut avoir d'autres effet que de faire rire : il peut aussi servir à provoquer la surprise, la curiosité, etc.
Faire rire ou sourire, certes, mais pas seulement. L'humour noir, le cynisme, l'insolence, la transgression, etc... peuvent susciter tout un panel d'émotions, du dégoût à la compassion, de la colère à la révolte.
Pour prendre l'exemple des humoristes, Bigard, Coluche, Desproges et Bedos font de l'humour mais les effets en sont tous très différents.
Je n'ai lu que quelques-uns de ses romans et je ne suis pas un sépcialiste. Aurais-tu un titre en particulier ?
Je te conseille les ch'tits hommes libres. Je ne sais pas s'ils sont profonds, touchants ou ménageant un grand suspens mais ils sont excellents. :mrgreen:
Au final, j'ai quand même l'impression que les livres qui soient intéressants et qui fassent vraiment rire, comme ceux de Pratchett, sont rarissimes et si vous en connaissez en SFFF, je suis très preneur. :]
Ils sont très rares, oui. Y a les livres écrits par Zelazny-Scheckley.
Scheckley tout seul est excellent.
Frédéric Brown, nouvelles et romans (le célèbre : Martians go home !) est aussi très bon. C'est drôle et intelligent. Certaines de ses nouvelles de SF sont énormes. Malheureusement, j'ai paumé mes reccueils et c'est vieux, j'aurai donc du mal à te donner des titres précis.
Sinon, Jack Vance avec Cugel et Rhialto.
— Malach, avez-vous entendu ça ? Je suis, je cite, "drôle, tourmenté, incompris".
— Je ne vois pas en quoi c'est flatteur.
— Mon cher, cela veut dire que je plais aux femmes !
— Décidemment, je ne les comprendrai jamais.

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Thomas D
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Re: Pourquoi vous riez ?

Message par Thomas D »

Pour Tyrion je maintiens que son humour est précisément ce qui le rend si pertinent et attachant, ce qui fait que j'ai hâte de retrouver un chapitre qui porte son nom. Et que l'humour soit de son fait (sur le mode auto-dérision ou attaque cinglante) plutôt que celui du narrateur ne me semble pas vraiment la question, puisque dans le Trône de Fer la narration change en fonction des personnages Point de Vue. Je pense donc que cet exemple suffit à réfuter l'idée que le rire provoque de la distance.
Bien sûr cette distance qui empêche l'identification est un risque avec l'humour, mais je pense que c'est un risque qui est toujours présent quel que soit le style et le genre, et ce n'est donc pas une caractéristique de l'humour.
Je pense que cela trouve ses racines dans la vieille idée selon laquelle la tragédie serait par essence supérieure à la comédie, idée qui continue de hanter de nombreuses têtes, la vilaine.

@Beorn,
Chez Pratchett, je te conseille la lecture de "Jeu de Nains" par exemple, ou encore le "Régiment monstrueux", tout ça est bourré de sentiments et de suspens (en tout cas pour moi ça marche).

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Beorn
Bond, Alexander Bond
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Re: Pourquoi vous riez ?

Message par Beorn »

Thomas D a écrit :Je pense que cela trouve ses racines dans la vieille idée selon laquelle la tragédie serait par essence supérieure à la comédie, idée qui continue de hanter de nombreuses têtes, la vilaine.
Sur ce point, ce n'est pas du tout ce que je pense.
Personnellement, j'apprécie les deux. L'important, c'est qu'elles soient bonnes.
Thomas D a écrit :Pour Tyrion je maintiens que son humour est précisément ce qui le rend si pertinent et attachant, ce qui fait que j'ai hâte de retrouver un chapitre qui porte son nom. Et que l'humour soit de son fait (sur le mode auto-dérision ou attaque cinglante) plutôt que celui du narrateur ne me semble pas vraiment la question, puisque dans le Trône de Fer la narration change en fonction des personnages Point de Vue.
Mais justement, si la narration change de point de vue, c'est bien que l'on s'immerge à chaque fois complètement dans le point de vue du personnage : ici, Tyrion. On suit ses pensées intimes, sa manière personnelle de penser et ses répliques de l'intérieur, on colle toujours de près au personnage.

Ce qui provoquerait du détachement, ce serait que le narrateur nous fasse rire en nous parlant des petites marottes de Tyrion, comme Hergé avec le capitaine Haddock, par exemple. Et bien sûr, je ne parle pas non plus de tous ces personnages antipathiques qui se moquent de lui (nous ne rions pas : nous souffrons pour lui). Je parle du rire du lecteur aux dépens de Tyrion. Je ne trouve pas ce rire-là dans le Trône de fer.

Je vais prendre un autre exemple moins littéraire, à propos d'un film d'action dont "l'efficacité" n'est plus à démontrer : Piège de cristal

1) scène un,
Mc Cane fait de l'humour. Il se contorsionne dans un conduit étroit, tout en se faisant mitrailler et tirer dessus de partout, et soudain, il marmonne dans sa barbe en imitant sa femme disant : "viens-nous voir pour Noël, tu verras, on va bien s'amuser, on passera les fêtes en famille..."
Moi, ça me fait sourire. Mais cela ne m'empêche pas d'avoir les tripes nouées pour lui. Parce que personne ne "met à distance" Mc Cane : c'est son humour à lui qui nous fait rire.

2) scène deux
A un autre moment, on voit un des gangsters attendre l'assaut de la police derrière une vitrine remplie de friandises. On le voit tendre la main à l'intérieur et se manger une barre de chocolat.
A cet endroit précis il y a "mise à distance", il y a rupture de l'action. On rit du gangster, à ses "dépens" (on rit de lui, de sa petite gourmandise). Ce n'est pas grave pour le film, au contraire : il est tellement bourré d'action que cela soulage la tension accumulée. De plus, il ne s'agit pas du personnage principal, qui n'est pas attendu dans la scène. L'émotion est donc à un niveau assez bas.
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Thomas D
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Re: Pourquoi vous riez ?

Message par Thomas D »

Beorn, nous sommes donc d'accord pour dire que l'humour peut installer une distance vis-à-vis le personnage (ton exemple 2) ou bien ne pas en installer (exemple 1), on peut donc en conclure que la distance n'est pas une caractéristique obligatoire de l'humour.
C'est tout ce que je voulais dire. :)

Je suis heureux que tu ne considères pas la comédie comme inférieure au drame.
Tes interventions sur ce fil ne me permettaient pas de penser le contraire, d'ailleurs.

Le guide du voyageur galactique est un très bon exemple, en effet. Malheureusement je connais déjà !

---

@Tristeplume.
Tu me conseilles Sheckley, mais pourrais-tu être un tout p'tit peu plus précise. Aurais-tu un titre ou deux s'il te plait ?
Et je note Cugel dans un coin de ma tête ;).

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Elikya
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Re: Pourquoi vous riez ?

Message par Elikya »

Grâce à vous, j'ai réalisé quelque chose d'important :

- Le lecteur rit du personnage => prise de distance
- Le lecteur rit avec le personnage => complicité

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Beorn
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Re: Pourquoi vous riez ?

Message par Beorn »

Ce n'est qu'une hypothèse. ;)
Mais c'est une hypothèse intéressante, je trouve.
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