Roanne a écrit :
A cela s'ajoute un problème de reconnaissance sociétal : vous n'êtes reconnu dans le milieu que si vous faites du "lourd".
Si vous préférez travailler sur des textes légers ou pire, humoristiques, ne rêvez pas : vous ne serez jamais considéré (ou alors, comme bouffon). On peut faire le parallèle avec le milieu du cinéma. Tout le monde sait que rien n'est plus difficile que la farce et la comédie, surtout utilisés pour dénoncer les travers humains, mais ce n'est jamais primé (ou rarement). C'est pareil pour les romans.
Hélas, je crois que c'est ça le fond du problème : la mode, en particulier la mode actuelle (je pense que ça n'a pas toujours été aussi net) tend à considérer que pour quelque chose soit "adulte", "intelligent", qu'on puisse le lire sans se dire qu'on prend un petit moment de détente pas transcendant ; il faut que ce soit sombre. Violence et sexe... mais pas forcément. Ça c'est des ingrédients. Personnellement, j'ai plutôt l'impression que c'est au niveau de l'ambiance et du message global : si ce n'est pas pessimiste, ce n'est pas intelligent. Si les héros restent moraux, c'est "gentillet" et pas réaliste. Déprécié.
Et pas qu'en littérature, il me semble que ça se sent pas mal au cinéma, et même au niveau des séries télé. Un héros gentil est immédiatement accusé d'être un Gary Sue.
De mon côté je suis absolument contre ce principe : il y a des trucs sombres qui ont la profondeur psychologique d'une petite cuiller, des trucs légers qui abordent des choses très profondes.
Je rappelle que les tragédies de Shakespeare sont truffées d'humour, par exemple
BREF. Je suis d'accord avec Eva et ceux qui disent que c'est pas toujours évident de trouver quelque chose qui ne soit pas sombre et qui soit à la fois de qualité et reconnu, actuellement.
Comme exemple j'ai envie de citer - comme d'hab ! - Jasper Fforde, mais vous me rétorquerez : il y a de l'humour, donc ce n'est pas un livre sérieux, c'est juste pour rire.
Ben non. Lisez
La tyrannie de l'arc-en-ciel, vous rirez, mais vous aurez aussi un monde très original, complexe, et sous des dehors d'humours, pas du tout léger ou idyllique. Pourtant, ce n'est vraiment pas sombre. Et en filigrane on y perçoit même une réflexion assez acide sur la société actuelle.
Je pense aussi aux romans d'Ursula Le Guin autres que Terremer qui a déjà été cité : ses livres de science-fiction comme
La Main gauche de la nuit. On est loin de l'humour ou du léger, les personnages sont profondément humains, les planètes décrites sont quasiment réalistes, la réflexion porte sur des thèmes graves. Mais ce n'est
pas sombre ni violent.
Beorn a écrit :Le seigneur des anneaux, pour moi, par exemple, pour moi, est très violent dès le tome 1. Cependant, le monde est si particulier que nous ressentons cette violence comme à travers un filtre.
Hm, justement, je me rappelle que quand je l'avais lu pour la première fois à 12-13 ans, jeune âme impressionnable que j'étais, je m'étais dit que j'aurais peur de le voir en film, parce qu'en livre ça passe très bien ("il lui trancha la tête", bon ben voilà, il lui trancha la tête, c'est tout), alors qu'en film ça pourrait virer dans le sanglant/sombre.
Mais je ne pense pas que le SDA soit en soi violent. La violence ne tient pas au nombre de morts ou de batailles, mais à la façon dont elle est abordée. Parce que sinon, Le Chaperon rouge c'est hyper violent. Mais on ne le ressent pas comme tel quand on lit l'histoire (il faut réfléchir pour se dire "mais en fait c'est affreux comme conte !").