fifine a écrit :bonjour les grenouilles !!
J'ai écris quelques nouvelles et à chaque fois j'ai éprouvé le besoin de faire mourir le personnage principal ( est-ce grave docteur ?). Le problème, c'est que j'ai l'impression que j’échoue à donner à cette mort une charge émotionnelle.
Elle apparaît comme banal ou anecdotique. Comment peut on rendre la mort des personnages vraiment tragique ? Quels procédés utilisez-vous pour cela ?
Je vous remercie d'avance de votre réponse.
Je te rassure, moi aussi j'aime trucider mes personnages
(mais pas tout le temps non plus !)
Et je crois que pour que le lecteur en soit bouleversé, il faut qu'il soit "habitué" au personnage, qu'il le connaisse et veuille qu'il continue son chemin, au point d'éprouver de la tristesse d'en être d'un coup séparé.
Je met un spoiler pour ceux qui n'auraient pas lu Simetierre, de King, et voudraient le faire :
L'une des morts les plus terribles que j'ai lues est celle de l'enfant qui s'y fait écraser par un camion sous les yeux de son père. C'est très bien retranscrit, et vraiment perturbant : on en éprouve un vraie peine !
Techniquement quand un personnage meurt, je pense qu'il ne faut jamais, justement, faire d'envolées lyriques sur la sublimissime tragédie que représente le décès de cet être sans égal et sans nul autre pareil
Ça dessert le réalisme. La mort est crue, il faut l'écrire crue. Après il faut aussi voir si l'on parle à la première ou troisième personne ; si l'on est celui qui meurt, celui qui voit mourir, ou les deux. Mais de manière générale, et sauf récits particuliers, la mort est synonyme de peur pour celui ou celle qui l'expérimente. C'est un changement brutal d'état qui effraie, comme tout changement brutal d'état. Le récit doit retranscrire cela.
Enfin, la mort, c'est bref. Sauf cas particuliers, c'est réglé en vingt secondes. Je ris souvent devant les films où le héros se prend un rafale et arrive encore à marcher 200 mètres, prononcer un long ultime discours et mourir pile à la fin dudit discours. C'est touchant mais irréaliste et donc, ça n'est pas crédible dans un récit. Dans les faits, la mort est souvent aussi brutale qu'inattendue (chute d'un obus, d'un piano, etc etc). Peu de gens savent qu'ils vont mourir dans 5 minutes. Inutiles donc les scènes où le héros est prêt à mourir. C'est juste joli à écrire, mais pas crédible pour un sou. Idem pour les "je me sens mourir". Je crois qu'on a pas le temps de dire ça, réellement.
Donc, attacher le lecteur au personnage, et le faire partir d'un coup, sans que le personnage s'y attende, et si possible sans que le lecteur s'y attende (quand le lecteur s'y attend, généralement ça fait juste un bruit du style "flop"). Or le lecteur, il faut le surprendre ; et comme la mort surprend, ça tombe bien (si je puis dire).
Dernier point, qui peut paraitre compliqué : la mort d'un personnage ne doit pas forcément être logique du point de vue du scénario. Il ne faut pas que le lecteur puisse se dire "c'est normal qu'untel soit mort à ce moment, sinon etc". Il ne faut pas que le libérateur de la princesse meure comme par hasard deux secondes après l'avoir libérée, la laissant seule dans sa fuite. Ni que le vieux sage qui est le seul en mesure d'aider le héros meure juste après lui avoir donné d'ultimes conseils. C'est ce qu'on appelle un cliché, et les clichés, c'est plutôt terrible à mon goût. A ce que j'ai cru comprendre, d'ailleurs, ça ne plait pas non plus tellement aux lecteurs, qui a l'impression de relire la même histoire que la veille.
Après, tuer le héros, c'est aussi la fin radicale du récit. Donc au-delà de ce moment de l'histoire, il n'y a plus grand chose à rajouter, et surtout pas de morale : si le lecteur a compris l'histoire, il en fera ses propres déductions sur la moralité de celle-ci et sa portée symbolique.
Voilà à peu près tout ce que je peux en dire ; mieux vaut sortir des sentiers battus quand il s'agit de la fin d'un personnage !