Pour ma part, j'ai toujours été très hautaine avec l'écriture. J'ai été élevée comme ça. J'estimais que les autres n'avaient pas à m'expliquer comment je pouvais raconter des histoires. Puis après, plus insidieuse, il y a eu la peur de faire quelques chose de plat, en suivant les guides, que cela m'enlève la saveur d'une histoire.
Le plus gros soucis, je pense, c'est que je pense aux histoires par une association de scène, et que je me lançais à corps perdu dans l'écriture, pour arrêter très vite, une fois les bases de l'histoire posée, pour reprendre avec les bases mieux expliqués.
J'estime maintenant que je m'attache un peu trop à ce genre de bouquins. J'ai tendance à vouloir les collectionner, les comparer, vouloir en écrire, et pas forcément vouloir écrire. Donc oui, j'ai changé d'idées depuis quelques années (j'ai croisé la mare, entre autre choses qui font murir)
Pour en revenir aux questions, plutot que l'historique :
-> Quelles sont vos réserves ou vos craintes :
Clairement, c'est dénaturer un objet d'art en lui imposant une structure ou des outils qui ne lui conviennent pas. Un peu comme le fait qu'il y ait environ 250 structures de contes, et donc que si on essaye de tout faire avec une seule structure, on fonce droit sur un mur.
Et un jour, j'ai lu (de Beorn, si mes souvenirs sont bons) que ce n'était qu'une caisse à outils. On prenait ce qu'on voulait dedans, et ce qui s'appliquait à notre cas, au moment où on le prend;
Cette idée en poche, j'ai pu acheter un livre de technique narrative. Je l'ai trouvé tellement intéressant, que j'ai commencé une "collection" dont je ne lirais surement pas la totalité.
-> Qu’est-ce qui vous rebute ?
L'idée que ce soit quelqu'un de l'extérieur qui m'impose ses idées, sa manière de voir l'Art. Je suis comme déjà dit, quelqu'un d'assez orgueilleuse, et j'accepte très mal qu'on me dise comment faire ce que j'aime faire. (mais je me soigne, vous inquiétez pas).
J'aime écrire et j'ai utilisé cette activité à une époque (l'adolescence) où j'étais totalement réfractaire à l'enseignement de ce qui n'était pas scolaire.
(Je vous dit pas mon année de terminale avec une prof de philo bloquée dans sa petite conception coincée du monde... La première à faire des lois de généralités. Et j'étais la première à lui dire que cette loi était un ramassis de **** qui ne correspondait en rien au monde dans lequel je vivais...)
L'idée que quelqu'un puisse te dire, puisse te découper, puisse te charcuter un art me paraissait sacrilège (me parait toujours un peu, on casse le mythe quand on s'intéresse à comment c'est fait. Comme les effets spéciaux au cinémas. Je refuse les explications technique pour rêver quand je vois un film)
-> Votre allergie tient au contenu que vous y avez trouvé ou n’avez-vous jamais ouvert un de ces manuels parce que vous ne voyez pas en quoi cela peut vous aider ?
Ce n'est plus de l'allergie, mais au moment où ça l'était, je trouvais ça sacrilège de vouloir découper un roman ou une histoire, pour savoir comment ça tient debout.
Et en plus, je ne savais pas ce qui manquait dans mes histoires, mais ça, c'est simplement venu avec la maturation, et la prise de conscience de ce que je ne savais pas bien faire.
-> A ceux qui étaient réticents mais qui ne le sont plus, pouvez-vous me dire pourquoi ?
Je suis dans cette catégorie, et comme j'aime bien raconter ma vie, je vais en rajouter une couche.
J'ai commencé à écrire dans une période où je considérais que j'étais la meilleure (j'étais orgueilleuse, et je le suis toujours un peu, mais je sais le cacher)
Je me suis retrouvé confronté à des soucis technique. J'avais une idée de ce que je voulais faire, mais je ne savais pas du tout comment.
Et surtout, ce qui a été très très mauvais pour moi, c'est que je me suis rendue compte que ce que je lisais était mauvais.
J'ai toujours aimé comprendre pourquoi telle chose fonctionnait, tel jeu m'accrochait et tel autre jeu me laissait tellement indifférente. Tel thème dans une histoire m'accrochait et quel autre thème me faisait fuir.
Sans le savoir, sans ses mots là, je décortiquais comment ça me plaisait. Pourquoi.
Et je me suis aussi mise à décortiquer pourquoi certaines histoires étaient mauvaise. Jusqu'à ce moment, je lisais tout, tant que c'était écrit dans une langue que je comprenais.
Puis j'ai découvert que des histoires que j'avais adoré... était en fait simplissime, trop simple, trop fouillis, trop ... trop mal écrit, en fait.
Il m'a fallu deux ans, tout de même pour accepter l'idée que des histoires puissent être mauvaise, puis pour comprendre que ce n'est pas forcément l'histoire en elle-même, mais peut-être la technique autour, qui est mauvaise.
Je ne crois pas qu'on puisse dire qu'une idée puisse être mauvaise. Avant je ne regardais que l'idée. Maintenant, je sais regarder la façon de traiter l'idée, et surtout, j'ai compris que c'est surtout ça qui est important.
Pour moi, il s'agit d'un cycle organique. Au début, on ne voit pas, on a pas le regard aiguisé.
Puis on voit, on veut aller au fond des choses, on dévore les bouquins de théorie.
Après, je pense qu'on peut s'en passer... C'est intégré dans la façon de penser. On l'a digéré.
Il s'agit évidement aussi d'une manière très scolaire de voir l'écriture. Elle répond à des contraintes et des schémas plus ou moins répétitifs, plus ou moins différents. On peut rester à un niveau où on cherche à comprendre les différents exemplaires de schémas, ou alors aller dans la théorie et comprendre le méta-modèle.
Un dernier truc que je voudrais dire avant de laisser la parole à quelqu'un d'autre, c'est que je pense que cela dépend beaucoup du premier ouvrage de ce genre qu'on ouvre. Pour ma part, cela s'est fait avec Personnages et Point de vues, d'Orson Scott Card, qui est un auteur dont j'admire énormément les livres, et je suis certaines que cela a joué dans le coté "je comprends ce qu'il veut dire par là".
(Et aussi un peu de "si lui il le dit, ça doit pas être de la **** vu que j'aime beaucoup ses histoires") Ce qui n'empêche pas que j'adore la focalisation interne en première personne, et que dans ce livre c'est pas forcément bien vu, mais ça ne m'a pas empêcher de continuer à écrire à la première personne...
Ce sont des outils à notre disposition, c'est pas une science exacte, et encore moins une parole divine.
Edit : plein de monde a répondu. J'espère que mon intervention reste dans le sujet, je vais lire maintenant les interventions;
En tout cas, un sujet passionnant
Au fait, j'ai oublié de demander mais c'est pour quoi comme projet ? Tu nous tiendras au courant ?