[A] Le Kishôtenketsu, une narration "sans conflit"

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Celia
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Re: Le Kishôtenketsu

Message par Celia »

Mais en fait, le sujet du fil, c'est si on peut écrire une histoire SANS passer par le conflit qui construit la majorité de la littérature occidentale, surtout en littérature de genre.
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Insoupçonné
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Re: Le Kishôtenketsu

Message par Insoupçonné »

Je pense qu'on peut le faire. Je n'ai pas encore écrit de roman ou de nouvelle "conséquente" donc mon avis ne se limite qu'aux histoires que j'imagine et à quelques écrits isolés, sur des forums par exemple.

Mais jusque là, c'est le shitokente.. le kishôtenketsu qui vient de m'en faire prendre conscience, j'imaginais pas des histoires avec un conflit qui grossissait.

Je pense que c'est lié au fait qu'à travers un kstk, on peut faire passer un message beaucoup plus complexe qu'un simple "le bien triomphe du mal" plus ou moins nuancé. Le monde n'est pas manichéen.

Le conflit apparaît, mais c'est pas l'essence de l'histoire de le résoudre, il la rend plus palpitante sans la remplacer.

Anonyme_Quatre

Re: Le Kishôtenketsu

Message par Anonyme_Quatre »

Un conflit n'est pas forcément le bien contre le mal, nuancé ou pas ^.^ On en discutait dans les topics sur Lavandier et Truby (les livres techniques sur l'écriture), dans un roman amoureux, le conflit peut être de ne pas réussir à charmer l'autre par exemple.

Insoupçonné
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Re: Le Kishôtenketsu

Message par Insoupçonné »

Nariel : Je parodiais ^^

Anonyme_Quatre

Re: Le Kishôtenketsu

Message par Anonyme_Quatre »

Oui, mais tu réduis ici le conflit à deux partis qui s'affrontent, ce qui n'est pas forcément le cas ;)

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Celia
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Re: Le Kishôtenketsu

Message par Celia »

Nariel Limbaear a écrit :Oui, mais tu réduis ici le conflit à deux partis qui s'affrontent, ce qui n'est pas forcément le cas ;)
Exact. Si on commence à caricaturer le conflit, on risque encore moins de comprendre ce qui fait l'originalité du Kishôtenketsu.
Nariel a raison : le conflit n'est pas uniquement l'affrontement de deux partis. Il s'agit d'établir une intrigue où un conflit apparaît et où le ou les protagoniste doivent le surmonter (battre le méchant, trouver un objet perdu, posséder l'être aimé, etc) Il y a annihilation de l'obstacle.
Alors que dans le Kishôtenketsu, cet obstacle n'en est pas vraiment un. Il s'agit d'un élément extérieur qui s'ajoute à l'intrigue principale et les protagonistes doivent faire avec.
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Anonyme_Quatre

Re: Le Kishôtenketsu

Message par Anonyme_Quatre »

Je ne sais pas si mon exemple tient la route, Celia me corrigera, mais par exemple :
Schéma "classique" : Martin veut faire des études d'histoire, mais ses parents l'en empêchent. En les convainquant ou en s'affranchissant d'eux, il va quand même faire des études d'histoire.
Schéma kishôtenketsu : Martin veut faire des études d'histoire, mais ses parents l'en empêchent. Il suit alors des études de biologie et réussit/sombre dans la dépression/adore ça, mais continue d'étudier l'histoire dans les livres.

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Re: Le Kishôtenketsu

Message par Celia »

Ou prenons les films de fantômes.

Cas 1 : le fantôme apparaît, hante la maison, on fait un exorcisme et on s'en débarrasse. Conception occidentale : le fantôme c'est le Diable, le Mal.
Cas 2 : le fantôme apparaît, hante la maison, il est aussi meurtrier que le fantôme occidental. Mais là on ne fait pas un exorcisme, on cherche à comprendre pourquoi le fantôme et comme ça et on le rassure. On répare ce qui a été mal fait dans le passé pour que le fantôme parte.
C'est un cas particulièrement intéressant parce que les fantômes (japonais) ont très fortement influencé le cinéma d'horreur occidental (notamment chez les cinéastes espagnols)
Le conflit se déplace : il ne s'agit plus de protéger les vivants des morts, mais d'aider les morts. Les vivants ne sont plus victimes mais outils.
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Re: Le Kishôtenketsu

Message par Insoupçonné »

Déjà, pour moi, conflit, quand je dis "bien et mal", c'est juste caractériser les deux partis. Et là où y'a un conflit, dans l'extrême majorité des cas, ça tourne autour de deux alternatives même si dans la majorité des cas, c'est le "bien" qui triomphe. (l'amoureux séduit la belle, l'enquêteur trouve le criminel etc.)

Et le bien a pas un sens morale, c'est juste le parti du protagoniste *

Toujours pour moi, le Kishôtenketsu, ça fait que le bien et mal ne sont que des péripéties, plus chercher à comprendre que de juger. Pour reprendre l'exemple précédent, c'est bien, la fille a réussi a prendre la cannette, mais c'était avant tout pour la passer au garçon. Le conflit "machine-fille" est auxiliaire.

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tomate
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Re: Le Kishôtenketsu

Message par tomate »

En fait, je comprends pas pourquoi on l'oppose au conflit. Je trouve qu'il permet largement d'introduire un conflit ou non. C'est pas soit l'un soit l'autre.
Dans Roshomon ,il y a plein de conflits, physiques et moraux, il me semble. Simplement, il n'y a pas UN conflit unique sur lequel repose toute l'histoire. L'idée de centrer toute une histoire sur un conflit me semble d'ailleur très réducteur. Même en littérature occidentale, il y a plein d'histoires qui fonctionnent très bien sans: chroniques au jour le jour, tranches de vie, vrais et faux souvenirs (ex: Marcel Pagnol)...
Cependant, je suis d'accord que c'est difficile à appliquer à un roman de SFFF.

Anonyme_Quatre

Re: Le Kishôtenketsu

Message par Anonyme_Quatre »

Peut-on dire que la Horde du Contrevent soit un roman sans conflit ? Ils affrontent le trajet, mais c'est l'apprentissage via un voyage non ?

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tomate
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Re: Le Kishôtenketsu

Message par tomate »

En y réfléchissant, je crois que j'ai utilisé cette forme plusieurs fois sans le savoir pour obtenir l'effet de surprise :lol:: on commence par une quête pour un objet magique et à mi-chemin, juste en changeant de perspective, on se rend compte que cet objet est inutile/dangereux/ sert à tout autre chose que prévu/le héros est un salaud... Idem pour une situation donnée.
Je me demande si ça s'appliquerait aux nouvelles de Philip K Dick?

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tomate
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Re: Le Kishôtenketsu

Message par tomate »

Autres trames qui rentreraient dans le cadre du kishôtenketsu, àmha: les histoires à tiroirs, comme les films du genre "Pulp fiction" ou "Usual suspects".

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Re: Le Kishôtenketsu

Message par Khellendros »

Nariel Limbaear a écrit :Peut-on dire que la Horde du Contrevent soit un roman sans conflit ? Ils affrontent le trajet, mais c'est l'apprentissage via un voyage non ?
Il me semble bien que dans le texte, il est dit que tout l'intérêt de la Horde est dans le Contre en effet, que l'Extrême-Amont est un but, mais pas une finalité (c'est pour cela que Golgoth a tant de mal avec les Fréoles justement). Mais je pense que l'absence de conflit vis-à-vis du vent dépend de chaque personne et de sa place dans le Pack. Si on découpait le livre en 23 parties, on pourrait voir que certains ont le Vent comme adversaire (Golgoth, les Crocs peut-être), mais que pour d'autres (Oroshi, Tourse, Darbon), ce n'est pas le cas. Et d'autres encore ont un tas d'autres considérations (Caracole, Sov, Talweg,...)

L'exemple des fantômes, Célia, est très parlant, en tout cas, merci !

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Kam'Ui
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Re: Le Kishôtenketsu

Message par Kam'Ui »

On peut toujours trouver du conflit, à partir du moment où les personnages veulent quelque chose. Mais toute la différence est dans le traitement de ce conflit et son importance.
Le point essentiel, àmha, est qu'il ne s'agit pas d'une opposition déterminée, frontale et devant s'achever par une confrontation (qui est le climax, mène à la révélation et amène la situation finale, post conflit). C'est à dire qu'avec le kishôtenketsu, il n'y a pas forcément de vainqueur et de perdant. D'où les fins ouvertes en général.

Comme expliqué entre autres ICI, kishôtenketsu permet de ne plus dépendre du conflit (ce qui inclut sa résolution) tout en conservant la tension du récit. C'est possible simplement en intégrant la tension dans la structure-même du récit. En résumé, la structure du kishôtenketsu génère d'elle-même la tension et l'intérêt, ce qui permet de diminuer la place du conflit dans le récit.


Un autre point important, pour moi et de la manière dont je comprends ce kishôtenketsu, est que la partie 3 (ten) est vraiment distincte des parties 1 et 2 (kishô). Ces deux ensemble sont autonomes, et ce ne sera que le ketsu, la conclusion, qui les rassemblera en un seul récit, un tout, en en faisant le lien, la révélation. L'exemple dessiné en 4 cases (ICI) illustre vraiment très bien ce point.
Ça me fait forcément penser à des histoires à narrations multiples (à tiroirs ou chorale...), comme La Fin des temps de Murakami, mais c'est également applicable, je pense, à des histoires plus linéaires.
Lord Hamlet, with no hat upon his head.

Pensée du jour :
« La police, par sa nature, est antipathique à toute liberté. » (Alphonse de Chateaubriand, Opinions et discours politiques, 1828)

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