Silène a écrit :Ben moi, ça m'arrive jamais. C'est moi la chef.
Et bien t'es sacrément douée, parce que j'ai beau être un planificateur absolu, il y a toujours un moment où je me rends compte qu'il y a une incohérence dans mon histoire - que ça soit au moment de monter le plan ou au moment de l'écriture, voire de la relecture. Un moment où ça m'arrangerait qu'untel soit plus généreux, un moment où untel devrait être plus courageux qu'il ne l'est vraiment. Et je ne vais pas refaire mon personnage pour un moment de l'histoire, ce serait me demander de réviser toutes les autres scènes : c'est donc bien dans ce cas mon personnage qui me mène par le bout du nez
Bon, ok, en vérité, je pourrais le changer, ce personnage. Et si mon plan avait été meilleur dès le début, je n'aurais pas eu ce souci. Et de toute façon, je trouve toujours une raison, une justification que je distille dans le texte et qui me permet de le forcer à aller dans mon sens, mais pour que cette fois il y aille de manière logique et rationnelle. Mais il n'empêche que mon perso s'est rebellé, que je me suis retrouvé coincé entre la vraisemblance de son caractère et mon scénario initial qui ne collaient pas entre eux.
Aussi, j'ajouterai que cette idée que les protagonistes mènent la danse n'est pas nouvelle, et il me semble que pas mal de grands écrivains passés ont déjà avoué être l'esclave de leurs personnages. Vite fait, je pense à Sherlock Holmes que Doyle a dû ressusciter (bon, il était plutôt prisonnier des fans de Sherlock dans ce cas), ou à Conan, duquel Howard disait qu'il lui était apparu et lui avait ordonné d'écrire ses véritables aventures (si si) !
Silène a écrit :Déjà, on ne peut pas dire que l'auteur est dans le récit [...] L'auteur est celui qui écrit l'histoire, il n'existe pas dans le récit, une fois que le récit est écrit, il continue à vivre, il peut écrire d'autres histoires avec d'autres narrateurs. Sinon, les récits s'auto-détruiraient à la mort de l'auteur
Pour moi si, on peut dire que l'auteur est parfois dans le récit - ok, en jouant sur les mots, on sait tous qu'il n'y est pas pour de vrai. C'est quand on voit les rouages et les ficelles de l'histoire, ou quand on sent le démiurge qui met de la fumée pour qu'on ne voit pas les marques au sol pour les acteurs. On sent dans ces cas là qu'il y a une intervention
extérieure, et qui brise le contrat avec le lecteur - je t'ai fait un joli monde, avec une jolie histoire, mais des fois j'ai mis du scotch et je te demanderai de fermer les yeux quand ça m'arrange
Quant à la question du narrateur, elle me semble hors propos ici vu que je n'ai jamais voulu aborder son rôle dans mes arguments. Ceci dit, c'est une remarque très juste très intéressante, car l'empreinte du narrateur dans le récit n'est jamais petite. Le simple fait que ça soit un narrateur, plusieurs, un omniscient, que cela soit au passé ou au présent, ça en dit déjà sur le déroulement de l'histoire - genre, si un narrateur unique parle au passé, comme dans l'Assassin Royal, on peut supposer qu'il ne mourra pas vu qu'il est là pour nous raconter l'histoire.
Silène a écrit :Je pense pour ma part que se laisser porter par sa fantaisie sans suivre de plan peut être intéressant en premier jet, mais qu'un récit qui n'est pas maîtrisé de bout en bout à la fin, lors de la publication, c'est ça qui est contraire au rapport entre l'auteur et le lecteur. Mais là-dessus, je suis psycho-rigide.
Je ne peux que rejoindre ce camp : je fais partie des
plotters plutôt que des
pantsers.
Ceci dit, j'avoue admirer le fait qu'avant d'écrire la première ligne du roman, tu saches produire un plan qui tienne la route à 100% - comme je le disais au début, j'ai toujours un moment ou un autre où on sent les grains de sable entre les engrenages.
Tout ça pour dire, je pense qu'on est plutôt d'accord depuis le début, mais qu'on se brouille sur la terminologie. Oui les personnages ne contrôlent pas pour de vrai l'auteur, oui l'auteur n'est pas pour de vrai dans l'histoire. Mais des fois, un personnage ne rentre pas dans la case prévue par l'histoire, et des fois, on a l'impression qu'on voit un vieux à lunettes tirer les cordes derrière le buisson, c'est tout