Je vois que ce fil n'arrête pas d'être remonté depuis 2013, alors je fais de même !
Avant tout :
Xavier a écrit :Flume a écrit :Suis-je donc le seul à écrire pour la gloire et les lauriers ?
Les lauriers c'est dépassé ; maintenant c'est le champagne, la coke et les escort girls !
Lol
Je vois qu'on en revient tous à peu près à la même réponse : parce que c'est une partie de nous, parce qu'on le fait depuis petits, parce qu'on ne peut pas s'en empêcher, parce qu'on a grandi dans les histoires, pour pouvoir vivre celles qu'on aurait aimé lire, etc. etc. Je me reconnais dans tout ce qui a été dit sur le fil !
Si je devais aller plus loin et chercher
pourquoi j'ai cette impression qu'écrire fait partie de moi, comme l'ont bien dit les posts d'avant, je tombe sur plusieurs choses, qui sont complètement intriqués à mon caractère et à ma façon de percevoir le monde. En vrac :
- parce qu'écrire, c'est
faire exister un "truc". C'est créer quelque chose à partir de rien, du néant, du vide : créer une histoire. C'est la rendre réelle - pas au sens où elle se passe en vrai mais où, au-delà de juste avoir des idées enfermées dans son cerveau, elle acquiert une existence, fixe, dans la réalité, puisqu'elle peut être lue, transmise, discutée, comprise par autrui. C'est un peu magique. Ça fait partie de ces choses qui enchantent la vie. On prend des bouts d'idées, on les tisse, on les fait pousser, et hop, ça fait une histoire, une "chose" qui existe en soi et qu'on peut partager. On fait de la magie quand on écrit. Je trouve ça fou
(<-- regard illuminé de savant fou)
- parce qu'écrire, c'est
communiquer. Même si on écrit pour son propre plaisir, dès lors qu'on décide de travailler un texte, c'est pour qu'il soit potentiellement lisible, c'est-à-dire qu'il provoque des effets sur autrui (évoque des sentiments, des pensées, des envies de lire la suite, etc. etc.). Mais c'est une communication, par les mots, qui va au-delà des mots. On peut dire, dans un roman, une infinité de choses qui seraient très ennuyeuses si on essayait de les exprimer directement. On peut créer un sentiment épique, on peut magnifier la haine, l'espoir, l'amour, le courage, la peur, on peut exprimer des idées sur le monde, sur la vie, sur l'être humain, sans partir dans une péroraison rébarbative. Le lecteur puisse dans ce qu'il lit des choses qui échappent à l'auteur : il fait son marché dans le texte à travers sa propre sensibilité. Mais lesdites choses sont là, dans le livre, que l'auteur ait fait exprès de les y mettre ou non. C'est pour ça qu'on peut écrire pour être moins seul, et que c'est pas pour autant pathétique - au contraire. L'auteur peut communiquer une multitude d'idées et d'impressions - et ce qui est superbe, je trouve, c'est que le lecteur n'est pas passif, il est le second pôle de cette communication, il pioche, il réinterprète. C'est comme une sorte de dialogue entre de parfaits inconnus... (dans le cas des livres publiés ; avec des moins inconnus, quand vous montrez votre roman à tata Marguerite, mais l'idée est la même
).
- parce qu'écrire c'est raconter, et que raconter, c'est
donner du sens. C'est vrai : si vous avez une chose qui existe quelque part sans que quelqu'un la voie, la nomme, la comprenne - mettons, un caillou perdu dans l'univers -, cette chose n'existe que tout faiblement, elle n'a pas de
sens. Elle est là, c'est tout.
Dans la vie, c'est pareil : on vit notre vie, qui a certes un début et une fin (snif), mais qui est pleine de chaos, de changements, qui n'a pas de sens, de direction. Tandis que dès qu'on raconte une histoire (que ce soit raconter une anecdote vécue ou écrire une trilogie époque), on met du sens. Tous les éléments sont là pour une raison. Ils s'agencent, mènent à un dénouement, le sort des personnages est réfléchi. C'est rassurant. C'est beau, d'une certaine façon. En écrivant des histoires, on donne un peu de sens à la vie - littéralement.
- parce qu'écrire, c'est
avoir un but. Je parle pas d'édition, de succès, de lauriers dans la soupe et d'escort-girls dans le champagne (euh, je m'embrouille
). Mais quand on écrit, on est toujours dans le "et si...?". On marche dans la rue, on voit une petite fille courir après son ballon, et on se dit "et si elle arrivait à l'attraper, et que le ballon la soulève du sol et l'emporte dans une contrée magique ?". On goûte un plat nouveau et on se dit "tiens, comment je décrirais ce goût, cette texture, si je devais la mettre dans un texte ?". Tout ce qu'on dit est une source d'inspiration potentielle, du coup ça magnifie un peu ce qu'on vit, parce que tout peut servir les histoires qu'on écrira. Ça donne du sens à la vie, aussi, d'une autre façon. Des fois je me dis - non sans une certaine inquiétude pour ma sociabilité
- que l'une des rares choses sûres et certaines à laquelle je peux me raccrocher dans ma vie, une des rares choses qui ne passe pas avec le temps, qui ne va jamais se retrouver vide de sens par un coup de déprime... c'est le fait d'inventer des histoires (et d'en lire). Parce que ça fait partie de ma façon de percevoir le monde, et que c'est "productif" au sens où cette façon de voir le monde
produit un résultat (l'histoire, le texte). Qu'il soit bon, mauvais, inachevé, illisible, sans intérêt, etc., c'est secondaire. Ce qui compte c'est qu'il sera toujours là.
- parce qu'écrire,
ça permet de rentrer dans les têtes des gens. Faut dire que j'ai toujours rêvé d'avoir le pouvoir du professeur Xavier de X-Men
Et pour écrire, il faut faire un peu ça. D'une part, il faut essayer de se mettre dans la tête du lecteur pour voir comment il percevra la scène qu'on est en train d'écrire, afin d'arriver à le prendre par la main pour l'amener où on veut. Bien sûr, c'est illusoire, parce qu'on ne contrôle jamais le lecteur, mais l'exercice est là, nécessaire, consciemment ou pas, pour arriver à faire passer des impressions dans son texte. Mais, surtout, écrire c'est inventer des personnages et des situations, des caractères et des façons de penser. C'est entrer dans une tête qu'on imagine (et qu'on ne contrôle pas toujours
), c'est se glisser dans la peau d'un personnage qui n'a ni le même vécu ni le même caractère que soi, c'est devenir un peu lui le temps de l'écriture, transposer une façon de penser et de percevoir le monde. C'est sortir de soi, aller vers
ailleurs. Et ça, ça, c'est addictif
- et puis, du coup, parce qu'écrire c'est
avoir touuuut le Pouvoiiiiir, muahaha ! Non, sérieusement : quand on écrit un texte, même si on ne contrôle pas tout, on est le maître absolu. On peut faire ce qu'on veut. Être qui on veut. On contrôle tout, depuis le menu de la taverne jusqu'à l'orage qui se déchaîne sur les personnages. On est derrière tout ce qui se passe, même si c'était pas prévu et qu'on improvise, qu'on change de plan avec l'impression que le personnage nous mène par le bout du nez ; au final, tout ça, cet univers, ce personnage récalcitrant, ils n'existent que parce qu'on est là. On est un peu Dieu dans nos textes : on les crée, on est à l'origine de tout ce qui se passe, on leur donne du sens, et ce, juste parce qu'on a eu envie de les écrire - on peut faire ce qu'on veut. Et ça, c'est super cool
#JeVeuxDesSuperPouvoirs.
Je dis "on" pour pas dire "je" parce que je me sens un peu ridicule avec mes grandes assertions
Rhaaa, du coup, j'ai envie d'écrire, maintenant