ilham a écrit : ↑
janvier 17, 2020, 4:10 pm
Perso, à cause de ma formation d'historienne, ça me ferait sourciller, car la guérilla n'est pas apparue comme ça par hasard. Ce n'est pas pour rien si ça n'existait pas avant le 20e siècle... ça été une façon de se défendre en cas de déséquilibre des forces militaires entre les deux camps, notamment face à une armée moderne. Mais si tu veux aller vers là, vraiment regarde la chute du faucon noir, ce film est magnifique. Très dur, mais on a tout de la guérilla urbaine , les forces très mobiles, les embuscades, les pièges, l'utilisation des immeubles.. voir de la population locale.
je ne sais pas si je vais aller là-dedans parce qu'à titre personnel, même si je ne suis pas historienne, je fais de mon mieux pour rester dans ce qui a été plausible dans notre monde, mais du coup ça m'intéresse de creuser le sujet pour bien le comprendre et faire le moins de faux pas possible.
La guérilla est apparue dans l'époque moderne parce que du coup, les déséquilibres des forces militaires est encore plus flagrant avec des armes à feu, de l'artillerie et compagnie, que face à une cavalerie et des lances, c'est ça ? Pourquoi l'équivalent n'a pas existé avant ? Comment faisait une plus petite armée qui voulait affronter une armée plus organisée / plus moderne, pour s'assurer la victoire (la réponse est peut-être : elle faisait pas !) ?
Je ne suis pas spécialiste de l'histoire militaire. Je connais assez bien les mouvements révolutionnaires, par contre (qui sont, au fond, les inventeurs de la guérilla urbaine, la Palestine (là, on est en plein dedans durant par exemple les interventions militaires de Tsahal dans les territoires occupés de la 2nde intifada).
Alors pour te répondre, je vais le faire dans les grandes lignes.
Déjà quand je parle de guerre moderne, c'est depuis la 1ere guerre mondiale. Pourquoi ? D'abord à cause de l’intervention massive de la technologie ( diverse et variée : gaz, blindés...) depuis cette date. Cette technologie, tout le monde ne l'a pas au même moment. Et la guérilla urbaine a été inventée par des mouvements qui se savaient inférieurs militairement/technologiquement à leur ennemi (et comme je te disais, ça fait trois millénaires qu'on sait que prendre une ville est très couteux en énergie et en temps).
Pour être précise, le concept de guérilla urbaine a été créé après l'échec des guérillas rurales menées par Che guevara en Amérique Latine dans les années 60.(Castro s'en était débarrassé comme ça) J'ai dû aller rechercher ça car je connais un peu moins bien mais ça été théorisé par
Carlos Marighella dans son Manuel du guérillero urbain.
Avant 1914, une guerre c'était quoi ? C'était deux armées sur un champ de bataille qui s'affrontaient et l'une défaisait l'autre (ou bien souvent l'une voyait ses troupes s'enfuir !) et c'était plié. Ou quasiment... Et donc, on ne se battait pas dans une ville car c'était très compliqué à faire pour l'un comme pour l'autre camp qui, grosso modo, avait la même façon de se battre, le même armement ( bon, dans les détails, c'est plus compliqué, les Anglais ont mis la patée aux français durant la guerre de cent ans grace à leurs archers longue portée, mais je simplifie). Mais pour illustrer simplement, utiliser la cavalerie ou les archers dans une ville c'est un non sens pas possible, surtout une ville du moyen-age (petites rues... pas pour rien que Napoléon III a fait construire les grands boulevards hausmaniens sur Paris : c'était un moyen d'empêcher les insurrections (pas facile de monter une barricade, une vraie, qui tienne, prenne toute la largeur, sur les Champs-Élysées) tout en permettant à l'armée de circuler facilement. Ca c'est un truc que tu peux utiliser du coté du pouvoir pour garder la main mise sur la ville. Alors que les insurgés eux s'installeront plutot dans des quartiers enchevêtrés, avec de petites rues...
Cette façon de faire la guerre n'impliquait d'ailleurs pas forcément que c'était la plus grosse qui gagnait (non, ce n'est pas la taille qui compte !
) : la tactique jouait beaucoup. Napoleon a remporté des batailles sans avoir un nombre d'hommes très supérieur aux autres, et il a perdu la campagne de Russie avec 600 000 soldats au départ ( et seulement 100 000 à l'arrivée). Et il faut être honnête le paiement des soldes ( car pas d'armée de conscription la plupart du temps, mais des mercenaires payés. la révolution française a été la première a faire appel à la conscription) jouait aussi beaucoup dans le résultat ! Les mecs pouvaient décider que finalement, non, ça ne leur convenait plus...
L'apparition de la technologie moderne a tout changé dans cette façon de faire. On en trouve les derniers résidus en 1914 avec les tranchées, espèce de front immobile avec deux armées qui s'affrontent, mais depuis ça n'existe plus, grace à l'aviation, aux blindés ultra rapides ( le blitz d'Hitler en 1940, par exemple).
Y'a d'autres choses qui comptent aussi : l'urbanisation massive du 20e s. Aujourd'hui la majorité de la population humaine vit dans des villes et beaucoup dans de très grandes villes et donc les villes sont devenues un but important dans une guerre. Ce n'était pas le cas avant sauf villes emblématiques (Jérusalem, Constantinople) ou ports commerciaux.
L'émergence de mouvements révolutionnaires au 19e siècle puis au 20e siècle aussi. On se retrouve alors avec un mouvement armé plus ou moins vaste face à un état, un occupant, un colon... ce qui nous donne déséquilibre des forces + urbanisation = guérilla urbaine.
L'invention d'armes légères automatiques, comme la Kalachnikov, mine de rien a dû jouer. On peut l'utiliser dans une rue, la transporter pour se déplacer rapidement d'un lieu à l'autre. C'est très facile à utiliser, pas cher du tout, rustique et c'est quand même très efficace face à un ennemi.
Avant, pour pas cher, t'avais pas grand chose, un fusil chassepot au 19e s, pas automatique (mais léger) et encore avant, ben t'avais les pelles et les fourches. Je caricature, mais à peine...
En fait, on se battait que très peu en ville parce qu'on n'avait pas les outils, que les villes avaient très souvent des remparts aussi et ça c'est embêtant pour entrer se battre ! on l'oublie aujourd'hui car beaucoup de ces remparts ont été détruits, mais une ville avait des défenses qui rendaient sa prise très compliquée. Et ce n'étaient pas les villes qui étaient intéressantes à prendre (mis à part quelques exceptions comme les ports commerciaux que l'on prenait par la mer d'ailleurs) On les attaquait pour piller ( Constantinople, Jérusalem ont été prises et reprises pour ça plus quelques massacres pour bien effrayer l'ennemi...) pas pour gagner une guerre.
Ca c'est pour la guérilla urbaine et pourquoi elle n'a pas existé avant.
L'insurrection armée est beaucoup plus vieille. Déjà tu as les évènements de la Révolution française à Paris qui peuvent être classés comme ça. La prise des Tuileries, par exemple. Tu as 1848 un peu partout en Europe. Blanqui s'inscrit là dedans ( ah, ça me revient la biographie a été écrite par Alain Decaux ! ) Je mets la Commune de côté qui est vraiment un truc à part. Mais c'est très intéressant comme période et évènement. si tu veux t'y intéresser, tu ne perdras pas ton temps !
Tu as aussi la tentative de soulèvement révolutionnaire en Allemagne de Rosa luxembourg et Liebnicht ( répression féroce au lendemain de la 1ere guerre mondiale) qui est assez inspirée de la Commune.
Et puis tu as tout ce qui est émeutes (en ville) ou jacqueries quand on parle des campagnes en France. Ce sont des mouvements sociaux spontanés, pas organisés. Attention, on emploie souvent le terme émeute aujourd'hui pour désigner une manif qui tourne mal et qui fait de la casse. C'est pas ça. Ca c'est juste des manifestations qui dégénèrent, très souvent en réponse à une violence policière...
Une émeute, c'est ce qu'on a connu en 2005 avec les émeutes des banlieues. La GB a connu ce phénomène aussi plus récemment. Ou les émeutes raciales aux USA dans les quartiers noirs (Détroit est très symbolique pour ça, mais aussi Los angelès, chicago). Ca dure plusieurs jours, y'a du pillage, des destructions importantes, des agressions.
Mais ce ne sont pas des insurrections qui elles sont armées et ont un but politique clair.
Niveau insurrection, je connais moins bien mais on peut aller voir du coté italien avec Garibaldi, notamment avec l'opération en Sicile qu'il a menée en 1860.
La chouannerie durant la révolution française peut être qualifiée d'insurrection, mais là plutot rurale.
la guerre d'indépendance irlandaise en 1919-1920 aussi.
Budapest en 1956
La libération de Paris en 1944 a aussi été un moment d'insurrection.
La révolte de Spartacus peut être classée dedans aussi
A titre perso, je trouve qu'il y a eu des mouvements pacifistes malgré tout. Le combat de Gandhi contre l’empire britannique avait quelque chose d'insurrectionnel et il n'a jamais tiré un coup de fusil ( bon, l'histoire de l'indépendance de l'inde a été violente quand même) La Commune de paris en 1871 peut-être intéressante à étudier pour toi aussi pour voir comment c'était organisé ( très mal... mais bon ils ont fait avec ce qu'ils avaient dans une situation compliquée : assiégés par l'ennemi)
le mouvement anti-apartheid en Afrique du sud est une autre forme d'insurrection, plutot urbaine (pas que, mais beaucoup quand même à cause des Townships), au long cours, avec des pics de violence, mais qui s'est dénouée sans bain de sang...
Et pour finir, une petite liste sympa ( et intéressante car dépassant le cadre européen) où tu trouveras sans doute ton bonheur !
https://fr.wikipedia.org/wiki/Chronolog ... A9bellions
Mais pour résumer
guérilla urbaine = technique de combat dans un monde urbanisé en cas de conflit où les forces en place sont assymétriques. Classiquement mouvements révolutionnaires vs Etat en place, mais pas que... Le film la chute du faucon noir se passe en somalie à Modagiscio et montre les shebabs face à l'armée US... (et c'est vrai aussi que les techniques de guérilla urbaine inspirent certaines façons d'agir dans les mouvements sociaux actuellement, face à la répression policière)
insurrection : soulèvement (armé ou non. C'est personnel, mais moi j'inclus les mouvements pacifistes) d'une population avec un but politique précis : destituer un gouvernement, refuser la conscription pour les Vendéens ou les chouans, obtenir l'indépendance en Irlande ou l'égalité civique. Tout le monde ne sera pas d'accord, mais je pense qu'on peut y mettre la chute du mur de Berlin, les évènements de la place Tien An men en chine à la même époque. Mais aussi les révolutions arabes de 2010-2011, au moins l'Egypte et la tunisie.
émeutes : violences urbaines spontanées, non organisées, sans but politique précis car attention à l'emploi de ce terme dans les médias de nos jours : on qualifie d'émeutes tout et n'importe quoi à présent... il serait plus juste de parler de mouvements sociaux
Bon courage pour la suite !
C'est passionnant ces choses, mais je n'ose pas imaginer pour jouer avec dans un roman !
Mais c'est super intéressant ! C'est très riche et y'a beaucoup de ressources et de possibilités.