Orca a écrit : Les expériences de bêta-lecture des grenouilles
Orca a répondu au questionnaire de la Gazette aux Nymphéas sur la bêta-lecture !
Bêta-lire :
• Avant la BL :
Comment choisis-tu le texte à bêta-lire ? Au hasard ? En suivant des critères scientifico-littéraires ? Autrement ? (exemple : lecture dans le marc de café... )
Je regarde les textes (que des nouvelles, pratiquement) en ON, bien sûr, et le genre quand il est précisé : je ne prends aucun récit qui me semble humoristique, mais sinon tous les genres me conviennent. La taille ne me pose pas de problème, sauf quand je manque de temps, mais, au final, j’aime bien quand c’est une V1.
Lis-tu le texte une première fois avant de décider de faire une BL dessus ?
Rarement. Je lis les premiers paragraphes pour me donner une idée du ton employé et après j’attaque directement. J’aime découvrir l’histoire au fur et à mesure même si j’ai conscience que le fait d’analyser les mots et les phrases en lisant gêne pour le rythme global.
• Pendant la BL :
As-tu une méthodologie particulière pour aborder un texte à bêta-lire ?
Toujours la même (je trouve que ça fait gagner du temps) : des codes couleurs pour ce qui me gêne dans la forme, ce qui me gêne dans le fond, pour les répétitions qui m’ont interpellé (elles ne sont pas toutes gênantes, je trouve), pour ce que j’ai particulièrement aimé, et pour mes commentaires au fil du texte. Quand je n’ai rien trouvé de particulièrement bon (dans le sens « des parties très bonnes », car le texte général peut être très bon sans qu’il y ait de phrases ou de paragraphes remarquables), je supprime le code couleur pour ce que j’ai particulièrement aimé. Ça risque de porter à confusion et faire croire que je n’ai rien aimé.
Ensuite, les remarques générales sur le fond, la forme, le rythme et mon impression globale.
Personnellement, quand je commence à bêta-lire, que le texte soit aboutit ou non, bien écrit ou non m’importe peu : s’il est bien, je donne très peu d’indications, je le remarque en commentaire, j’estime que c’est une indication en soit.
Y a-t-il des points que tu aimes particulièrement décortiquer quand tu bêta-lis ? À l'inverse, y a-t-il des choses à côté desquelles tu passes sans t'en apercevoir ?
Je ne relève pas l’orthographe sauf quand c’est trop gros (il existe de très bons correcteurs informatiques bien meilleurs que moi) et je ne fais pas trop cas de la règle du « show don’t tell », car je trouve qu’il y a des styles qui se prête plus au show et d’autre plus au tell (si j’ai bien compris la différence entre dire et montrer).
J’aime bien souligner les problèmes de psychologie des personnages quand ils sont trop stéréotypés, et j’aime aussi relever les lourdeurs ou l’aspect bancal de certaines phrases, car j’estime que c’est 80 % du problème de la forme. Je pense que si on élimine de son texte les erreurs d’équilibre, de sens et de fluidité de ses phrases et de ses paragraphes, on atteint déjà un niveau acceptable pour un lecteur pas trop exigeant et un texte qu’on peut retrouver dans beaucoup de livres publiés par ailleurs.
Je trouve inutile, quand je n’aime pas le texte, de le préciser. J’estime que je ne suis peut-être pas le bon public pour ce genre de récit et je préfère essayer de voir les bons côtés du texte, il y en a presque toujours : le rythme, l’idée finale ou initiale, etc.
Lis-tu les autres bêta-lectures sur un même texte ? Avant de faire ta BL ? Après ? Jamais ? Pourquoi ce choix ?
Je lis les autres BL seulement après, pour ne pas être influencé.
• Autour de la BL :
Apprécies-tu d'échanger avec l'auteur après la bêta-lecture, ou bien aimes-tu autant qu'il n'y ait pas trop de discussions autour de ta BL ?
Cela ne me dérange pas d’échanger après la bêta-lecture, mais s’il n’y a pas d’échange, ce n’est pas trop grave non plus. D’un côté, la discussion peut être intéressante et de l’autre, gagner du temps, c’est pas mal aussi.
Ta pratique de la bêta-lecture influe-t-elle sur ta façon de lire ? Et sur ta façon d'écrire ?
Il y a toujours des moments, quand je lis un livre, où j’analyse le style de l’écrivain façon BL et où je me rends compte que les erreurs que je peux détecté parfois relève souvent du style propre de cet écrivain, et devient son point fort quand c’est bien fait, du coup je repense à ce que je peux avoir remarqué dans une BL et constater que souvent ce n’est pas la règle mise en application ou non qui fait le défaut de style, mais la façon dont ça été fait (et les goûts personnels de celui qui lit, mais ça c’est un autre débat).
Pour écrire, c’est différent : je repense à certaines critiques récurrentes que j’ai reçues et j’essaye de remédier à ce problème-là en particulier si j’estime que c’est pertinent.
Bêta-lisais-tu avant de t'inscrire sur cocyclics ? Si oui, participer aux sections de travail a-t-il fait évoluer ta façon de bêta-lire ? De quelle façon ?
Je ne bêta-lisais pas avant de m’inscrire sur cocyclics. Je crois même que je ne connaissais pas le terme.
Aurais-tu des conseils à donner à celles et ceux qui débutent en bêta-lecture ?
Je ne sais pas si je suis légitime pour donner des conseils en bêta-lecture, mais je pense qu’il faut aborder une BL comme un escalier où chaque marche à son importance et où vouloir que le bêta-lu devienne un écrivain parfait tout de suite est illusoire (comme si on voulait qu’il saute plusieurs marches à la fois). Cela est, je pense, valable aussi pour celui qui écrit. De plus, on a parfois tendance à calquer un style qu’on estime bon à ce qu’on lit, comme s’il n’existait qu’un style, qu’une façon d’écrire. J’ai lu beaucoup de bêta-lectures qui m’ont un peu gêné, car j’avais l’impression que le bêta-lecteur voulait trop que le texte rejoigne ce qu’il aimait lire et non pas ce vers quoi le bêta-lu tendait. J’ai l’impression, d’ailleurs, de faire aussi cette erreur, et le difficile de l’exercice me semble de rester neutre, d’aider simplement le texte (et peut-être aussi l’auteur du texte) à monter une marche, devenir un peu meilleur, et cela sans porter de jugement de valeur et en oubliant ses goûts personnels.
Le plus difficile est, du coup, de savoir ce qui relève du goût personnel pour un certain style, un certain rythme, une certaine psychologie ou même un genre et ses archétypes, et de réelles erreurs. On ne peut pas, d’ailleurs, se débarrasser complètement de sa vision personnelle, et il est bien, je trouve, de le préciser dans ses BL quand on s’en rend compte. Croire que la longueur des phrases, par exemple, est importante en soi et que les phrases trop longues sont à exclure, c’est affirmer que Proust écrit mal. Dire qu’il est difficile d’écrire comme Proust me semble plus correct.
Être bêta-lu :
As-tu déjà reçu une BL que tu as trouvée particulièrement utile ? Qui est restée dans ta mémoire ? Pourquoi t'a-t-elle marqué.e ? (n'hésite pas à partager ici le lien de cette BL)
Je les ai toutes trouvé utiles (ou presque) dans leur genre différent, pour, souvent, de simples détails techniques.
Comment choisis-tu les textes que tu fais bêta-lire ?
Souvent, je ne choisis pas vraiment : dès que j’ai fini une nouvelle assez courte pour être présenté dans le port incertain je le fais. Mes textes trop gros restent dans mon ordi.
Comment gères-tu le "blues post-BL", quand tu t'aperçois que ton bébé n'était pas si parfait que ça ?
Je n’ai pas de « blues post-BL », mais plutôt de la perplexité, car j’ai souvent des retours contradictoires, et je me retrouve à devoir trier ( je pense qu’on est pas mal dans la même situation) entres les commentaires pour savoir lesquels sont les plus pertinents pour mon histoire. Avec le côté « pas si parfait que ça » je n’ai pas de problème, car je n’ai jamais eu d’histoire où je me suis dit : ‘‘mon pote, cette nouvelle est parfaite !’’.