Un dialogue pour exposer ?

[Gernier]

Bonjour,

Personnellement j'ai du mal avec les dialogues en incipit, sans description (même de la part de Jules Verne), car ayant une imagination avant tout visuelle, j'ai besoin de visualiser le décor, la place des personnages dans celui-ci et bien sûr le physique de ceux-ci, leurs attitudes corporel pendant ledit dialogue... Tout cela fait partie d'une dramaturgie efficace, à mon sens, qui adjoint à un dialogue trop "sec", une couche supplémentaires de détails. Mais je sais que je suis vieux jeu, là-dessus...

Bien à vous,
Gernier.

[Glaucophane]

Ça peut marcher si le dialogue ne s'adresse pas au lecteur. Perso, je préfère utiliser les atouts qu'offre l'écriture, la possibilité de décrire avec des mots. Après tout, on n'est pas au cinéma. On n'est pas obligé de seulement montrer par
le dialogue. Même celui de Jules Verne aurait pu gagné en intensité avec un paragraphe introductif, afin de camper les persos et leurs émotions dans la tête du lecteur. Mais au moins les persos échangent et se répondent. Il faut faire attention aux dialogues d'exposition. Après, il n'y a pas de règle gravée dans le marbre, commencer par un dialogue peut fonctionner si c'est bien fait.

[Laurent Vanderheyden]

Bien entendu, personne n’a dit qu’on était obligé de quoi que ce soit. De même, l’exemple de Jules Vernes n’est peut-être pas le plus bel exemple d’efficacité, cependant l’objectif n’est, je pense, pas du tout de gagner en intensité comme tu le suggères (l’intensité peut venir plus tard, on n’en est jamais qu’à l’incipit).
Je crois surtout qu’un démarrage de cette sorte sert davantage à titiller la curiosité : où sommes-nous ? Qui s’exprime ? Dans quel contexte et à qui ? Des questions qui trouvent des réponses par fragments, à mesure que le dialogue nous éclaire, un peu comme un jeu de piste ou une enquête à plus petite échelle. Certains films commencent comme ça aussi d’ailleurs, par une ou des voix qui s’expriment sans qu’on sache encore qui ou pourquoi. Ça crée simplement une attente.
Certains apprécient, d’autres pas, c’est une question de goût (comme le style ou le genre, qu’on ne songera pas à remettre en question). Et surtout, c’est aussi l’un des atouts de l’écriture ; écrire un dialogue n’est pas moins écrire qu’écrire une description. C’est même souvent un moyen plus subtil d’esquisser ses personnages que la simple description. Quand on écrit une histoire, on passe notre temps à exposer, que ce soit subtil ou moins subtil, finalement. Tout est pensé pour transmettre au lecteur ce dont il a besoin.
Quant au cinéma, on peut s’en approcher au moyen de l’écriture. Je connais un auteur fort talentueux qui est passé maître dans cet exercice. Il a étudié les mécanismes du scénario, il passe son temps à décrire des actes et à planter des atmosphères, un peu comme une caméra, sans s’attarder sur la dimension interne des personnages et se doit donc de tout transmettre par « l’image ». Il se trouve que c’est très efficace (mais très complexe à mettre en place).
Encore une fois, c’est une question de goût et c’est simplement une alternative aux moyens de raconter plus éprouvés.