La mare aux nénuphars

Bonjour à toutes les grenouilles,

Il m'est venu une réflexion et j'aimerais avoir votre avis :

Pensez-vous qu'il faille nommer tous ses personnages ? Pensez-vous que ce soit judicieux de ne pas nommer des personnages ?

Il y a des personnages qui n'apparaissent que dans une scène. On peut alors se demander la nécessité de les nommer.

Mais ma question porte davantage sur les personnages qui représentent une idée. Par exemple, dans l'Amant de Marguerite Duras, les personnages principaux ne sont jamais nommés. L'amant, c'est l'amant et cet absence de nom lui donne du mystère et le fait aussi, à mon sens, représenter une idée.
On retrouve ce procédé dans d'autres œuvres. Pour en citer une autre, je pense à La Furie des Nantis, pièce post-apocalyptique d'Edward Bond où nous avons Femme-1, Homme-2 qui représentent les derniers humains.

D'un autre côté, il peut être assez dérangeant d'avoir des personnages qui n'ont pas de nom. Par exemple, parler du "monstre de Frankenstein" dans le roman de Mary Shelley, c'est long. Ça ne m'a jamais perturbé dans ma lecture et puis pour le coup la créature n'a pas de nom. Mais par la suite, dans les reprises, filmographiques notamment, on a fini par appeler la créature par le nom de son créateur et donc la nommer Frankenstein.

Voilà le fruit de ma réflexion. Qu'est-ce que vous en pensez ? Vous voyez d'autres avantages et inconvénients à ne pas nommer des personnages ?

Personnellement, je ne peux pas écrire sur un personnage si je ne connais pas son nom. J'ai besoin de connaître son identité, c'est indissociable, sinon, il reste un inconnu pour moi. Par ailleurs, trouver des prénoms et des noms à mes personnages est une étape que j'adore énormément lorsque je commence à créer mon univers. Un prénom avec des sonorités particulières peut parfois donner un début d'indice sur la personnalité.
Je n'ai jamais écrit quoique ce soit en laissant un prénom de côté.

George RR Martin, auteur de Game of Thrones, a expliqué dans une interview qu'il ne pouvait pas écrire sur un personnage sans l'avoir rencontré et présenté, sans connaître son nom. "Je ne peux pas écrire sur la vie d'un personnage si je ne sais pas qu'il s'appelle Fred, savoir qu'il s'appelle Fred influence toute ma façon d'écrire à son sujet". Je suis exactement pareil.
Il a également parlé d'une très fameuse autrice de fantasy qu'il avait rencontré et qui lui avait expliqué ne pas nommer ses personnages avant la fin de l'écriture de son roman. Elle les nommait X13, A1 ect. Une méthode totalement étrangère pour moi, je ne pourrais jamais fonctionner de la sorte.

Je pense qu'on est tous différents à ce sujet, mais pour ma part, ne pas connaître le nom du personnage me dérange. J'ai la sensation de ne pas le connaître assez pour le comprendre. C'est une part entière de son identité.

Les avantages sont clairement au moment de la construction de l'univers et de l'histoire. Ne pas nommer un paquet de personnages peut faire gagner du temps à ce moment, mais ça dépend ce qu'on veut faire avec et quel ton on veut faire passer (l'exemple de l'Amant est parlant dans ce cas).
L'inconvénient de ne pas les nommer est une perte d'identité et aussi une façon plus complexe d'identifier les personnages au cœur du récit, surtout lorsqu'il y en a plusieurs.

Est-ce qu'il faut nommer tous ses personnages ? Je pense qu'il n'y a pas de règles en écriture, chacun est libre d'écrire comme ça lui chante. De plus, ne pas nommer un personnage dans une nouvelle me semble possible, surtout une très courte (ça arrive d'ailleurs très souvent). Par contre, dans un roman fantasy à plusieurs tomes, ça me paraît compliqué. Les prénoms et noms sont porteurs de l'univers que l'auteur veut faire passer.

Pour moi aussi le nommage est très important et a toujours du sens. Cependant dans l'un de mes romans, d'abord inconsciemment, puis sciemment, je n'ai nommé aucun personnage masculin (qui sont tous des figurants ou très petits rôles de toute façon) à part un à la fin.

Je vais rabattre ma rengaine habituelle : on fait ce qu'on veut mais il vaut mieux savoir pourquoi.
Pour moi choisir de ne pas nommer un personnage (principal voire secondaire, j'entends, je parle pas de ceux qui font un petit tour et puis s'en vont), ce n'est pas anodin, donc je m'attends en tant que lectrice à ce qu'il y ait une réflexion ou une raison derrière (dans la symbolique, la construction de l'univers, que sais-je, il y en existe sans doute plein auxquelles je ne pense pas).

Après en ce qui me concerne, nommer un personnage lui donne à la fois une identité et une importance. Ce n'est pas tant le nom que je lui donne qui fait ça (ça m'arrive de changer de nom en cours de route, voir à la fin : je l'ai fait récemment pour deux persos en fin de correction, pour différentes raisons). Mais c'est l'acte de nommer qui est important : d'un point de vue philosophique, nommer c'est faire exister. C'est pour ça que dans certains contextes, il est si important de nommer les choses, mais c'est une autre histoire.
Bref, tout ça pour dire que pour moi, nommer mes persos c'est un peu dire qu'ils sont uniques et ne sont pas des archétypes.

+1

Je pense que ne pas le nommer peut être très intéressant dans certains récits, mais c'est un parti pris fort qui peut rebuter le lecteur mais être une force aussi!

Par exemple dans un récit type conte. La plupart des personnages n'ont pas de noms ou sont nommé selon une caractéristique. Au final ça donne un effet intemporel assez chouette.
Dans certain roman qui se passe dans le monde réel le fait de " cacher" le nom donné une impression d'autobiographie et c'est super je trouve en tant que lecteur d'avoir ce doute. Par exemple dans un roman sur j'avais lu ( blanche) un personnage rencontré une célébrité du cinéma nommé ***. Est-ce un vrai acteur que l'auteur décrit ou pas? En tout cas ça donne une impression assez sympa, qui joue avec la frontière fiction/ biographie.

Le fait de ne pas nommer peut aussi être une indication sur le personnage pdv. Si un personnage principal ne nommé jamais le personnage secondaire, ça dit un truc de lui, de sa manière de considérer le dit personnage.

J'ai connu des auteurs qui nommaient tous les personnages. Je trouve que ça donne ce que j'appellerais l'illusion de la vie : en lui donnant un nom (même simplement ça), on le rend plus tangible, même si ce n'est que pour une seule scène. Ca évite l'effet remplissage où on ressent, en tant que lecteur, qu'un personnage n'est qu'une fonction (un peu comme un PNJ de jeu vidéo, pour ceux à qui ça parle).

Question ( et réponses) intéressantes, mais ça dépend aussi du nombre de personnages et du point de vue de la narration. Si les personnages ne sont pas trop nombreux et que le narrateur est omniscient, l'auteur peut se permettre de nommer tous ses personnages. Mais si l'auteur choisit d'adopter le point de vue d'un (ou de plusieurs de ses héros), ces derniers peuvent très bien croiser certaines personnes ou même les côtoyer un certain temps, ils ne connaissent pas forcément leur nom! Il faudra donc obligatoirement utiliser des palliatifs l'étranger, le gars en noir, la jolie Elfe aux oreilles pointues!

Je dirais qu'à moins de vouloir amener quelque chose de précis, donner un nom humanise un personnage.

Après, tous les personnages n'ont pas besoin de noms. Les figurants, les barman, les rencontres de passage...
Certains personnages de par leur fonction ont plus de "pouvoir" sans nom qu'avec (ce qui leur donne un dimension plus humaine, tandis que sans nom, ils deviennent une allégorie, une figure inquiétante...).

Il peuvent aussi être nommé par leur fonction. Dans un de mes romans en réécriture "Le Chemin jusqu'à Demain", je mets en scène différents enfants et ados qui ont survécu à une catastrophe et pendant et après tentent de survivre et de se retrouver. (Oui, je sépare les frangins) Et un des personnages adulte perd peu à peu son nom pour être rebaptisé l'Ogre qu'il incarne, finalement.

Yop,

Hmm alors beaucoup de choses intéressantes ont été dites. En les lisant j'en suis arrivée à la conclusion que ce qui compte, ce n'est pas de nommer un personnage, mais de l'identifier.

Le nom est un puissant identificateur qui possède une grosse charge symbolique (relativement à la culture des leucteurices) :

• L'origine du nom/prénom. Sakura : prénom japonais, personnage probablement d'origine asiatique.
• Le statut social des gens qui le porte habituellement : Charles-Édouard, prénom composé associé culturellement à la bourgeoisie.
• L'époque de popularité d'un prénom : Raymond et Alberte ont plus de chances d'être octogénaires que Théo et Tiffany.
• Les connotations qui lui sont attribués dans la culture : Kevin, connotation négative de personne bête ; Jean-Michel : connotation négative de gros beauf.

Un personnage non-nommé pourra être identifié de manières différentes :

• Par son métier : le garde, la boulangère.
• Par son stéréotype : le Prince charmant, la sorcière.
• Par sa vertu/vice archétypale : le paresseux, la courageuse, le fourbe.
• Par sa description (ne peut être un identificateur que si aucun autre ne lui ressemble, marchera mieux avec une nouvelle, une histoire avec peu de perosnnages) : le barbu, la chauve.
• Probablement d'autres auxquels je n'ai pas pensé.

Comme Nana, je pense qu'il est toujours mieux de faire des choix éclairés. Ainsi je dirais qu'il faut faire attention à la cohérence et au implications de vos choix.

• Le premier aspect concerne, je pense, le type de récit que vous allez écrire et ses codes. Comme dit précédemment, dans un compte on identifie généralement les personnage par leur archétype. Le bûcheron, le loup, le chasseur, la grand-mère, etc.
• La deuxième chose importante à mes yeux c'est la focalisation de la narration. En focalisation interne, donner un nom à la boulangère indique que le personnage la connaît personnellement, en externe ou omnisciente, pas nécessairement.
• Enfin, la fonction que vous donnez à vos identificateurs. C'est à dire, quel effet vous recherchez dans l'usage de tel ou tel type (voir les posts précédents) : allégorie, monde vivant, etc.

Léonore a écrit : ↑

lun. oct. 17, 2022 7:40 am

Jean-Michel : connotation négative de gros beauf.

Le prénom de mon papa s'est pas fait respecter.
Mais bon c'est vrai que les prénoms ont une charge symbolique. Mon petit plaisir c'est de donner des prénoms qui ont une étymologie en rapport avec le perso, mais ça devient vite galère quand celui qui a l'étymologie parfaite ne correspond pas au contexte !

Et c'est surprenant parce que des fois, on ne met pas la même connotation. J'avais choisi Gabin pour un personnage vieux, mais Gabin, c'est aussi un prénom qui est revenu à la mode chez les petits. Ma béta-lectrice l'a pris pour un enfant. Il y avait aussi un contexte qui était mal géré, mais le nom n'aidait pas. Bon, bah, j'ai changé pour Marcel. Marcel, je crois que ça n'est plus très tendance .

Nana a écrit : ↑

lun. oct. 17, 2022 9:48 am

Léonore a écrit : ↑

lun. oct. 17, 2022 7:40 am

Jean-Michel : connotation négative de gros beauf.

Le prénom de mon papa s'est pas fait respecter.

Désolée.

Nana a écrit : ↑

lun. oct. 17, 2022 9:48 am

Mon petit plaisir c'est de donner des prénoms qui ont une étymologie en rapport avec le perso, mais ça devient vite galère quand celui qui a l'étymologie parfaite ne correspond pas au contexte !

Heu, tu aurais un exemple parce que je ne vois pas bien de quoi tu parles ?

Nastasia a écrit : ↑

lun. oct. 17, 2022 10:01 am

Bon, bah, j'ai changé pour Marcel. Marcel, je crois que ça n'est plus très tendance .

"Ignace", une valeur sûre.

Léonore a écrit : ↑

lun. oct. 17, 2022 12:03 pm

Heu, tu aurais un exemple parce que je ne vois pas bien de quoi tu parles ?

En gros je vais sur les sites qui expliquent l'étymologie des prénom et je donne en fonction de si ça correspond ou non au personnage. Par exemple, Frank vient du latin francus et veut dire "libre", nom tout trouvé pour mon perso qui dirige un groupe nommé les libérateurs. Arielle vient de l'hébreu ari (lion) et el (dieu) ce qui est pas mal pour une élue choisie par un lion divin. Ça m'est déjà arrivé aussi de créer mes propres prénoms à partir du latin ou du grec ancien.
Mais des fois ça m'arrive de trouver un nom qui a une étymologie que j'aime bien, mais qui ne fonctionne pas pour le perso : ce serait bizarre qu'un petit garçon franchouillard porte un nom de fille amérindien, ou alors faut trouver comment l'expliquer.

Des fois c'est un peu tiré par les cheveux, mais ça m'amuse de faire ça. Même si personne ne le remarquera jamais.

Léonore a écrit : ↑

lun. oct. 17, 2022 12:03 pm

"Ignace", une valeur sûre.

Oh, je ne connaissais même pas.