La mare aux nénuphars

Bonjour à tous !

Depuis début juillet, je bosse sur un nouveau projet. Je me suis imposé plusieurs challenges dessus et l'un d'entre eux me demande de prendre vraiment beaucoup de recul et de marcher sur des oeufs : j'ai choisi d'adopter pour l'un des deux personnages principaux une narration avec "tu" au présent (avec des passages de narration "classique", et des intermèdes qui ressemblent presque plus à du vers libre).

J'ai été clairement inspirée par le roman de Luxia qui s'intitule "Meute" et que j'ai adoré, en grande partie à cause de (ou plutôt, grâce à) cette narration. Il faut aussi dire qu'à la base, j'écris de la poésie, d'où le vers libre qui vient se glisser là dedans.

Y a-t-il des écueils, selon vous, à éviter, lorsqu'on écrit avec "Tu" ? Par exemple, certains trouvent que c'est difficile à lire car ils ont l'impression qu'on s'adresse directement à eux/qu'on leur donne des ordres. D'autres trouvent qu'il y a un côté très distancié (pour le coup c'est un peu ce que je recherche aussi, ce paradoxe entre une grande proximité et une certaine distance).

Pensez-vous qu'il s'agit juste de sensibilité personnelle, où y a-t-il vraiment des tournures à éviter, des solutions pour rendre cette narration plus agréable/fluide ?

Merci à ceux et à celles qui répondront/donneront leur avis !

Hahaha, la narration au "tu" dominera un jour le monde j'ai moi-même écrit un roman avec cette narration (on s'est mutuellement influencées sur le sujet avec Luxia ). Mais pour moi, ce n'est pas vraiment distancié dans la façon dont nous l'utilisons. À mes yeux, c'est encore plus proche qu'un "je" parce qu'il n'y a pas le recul et la réflexion sur soi qu'implique le "je", c'est vraiment le flux de pensées libre du personnage, comme la petite voix dans notre tête, les émotions et les pensées en roue libre (il y a plusieurs façons d'écrire au "tu", dont celle qui donne les ordres, celle qui consiste à parler à quelqu'un d'autre et qui sous-entend un "je").

Je ne pense pas qu'il y ait vraiment de tournures à éviter ou alors un peu comme la narration au "je" : les incises rendent un peu étrange "dis-tu", "t'exclames-tu", et j'ai tendance à ne pratiquement pas en mettre en m'appuyant sur la narration : le dernier personnage qui agit est celui qui parle. De même tous les verbes qui mettent de la distance : "tu vois", "tu entends" (je ne dis pas qu'il ne faut en mettre aucun, mais pour moi il vaut mieux que ça reste occasionnel.)
Je pense qu'il faut garder en tête que c'est une narration inhabituelle et que cela perturbera forcément des lecteurices sans que ce soit la faute de l'auteurice. Perso, je détestais cette narration avant que des personnages ne me l'imposent et maintenant j'adore, c'est vraiment une question de sensibilité.

Je n'ai pas vraiment d'expérience avec cette narration (le seul exemple qui me vient c'est la série you, où le perso principal parle beaucoup dans sa tête en s'adressant avec un tu, pour rappeler le roman duquel s'est inspiré qui est écrit comme ça; mais du coup c'est un mélange de je et de tu).

Pour moi ça perturbe les lecteurs parce qu'on n'est pas habitué mais une fois qu'on est rentré dans le roman, je pense que ce n'est plus un problème. Mais si certains n'aiment pas parce qu'on a l'impression qu'on leur donne des ordres, je pense qu'il faut y penser en écrivant pour trouver des tournures qui ne font pas trop impératives (par exemple j'imagine que les phrases très courtes sujet + verbe peuvent donner cette impression d'ordre).
Bin après je dis ça mais j'ai peut-être tort !

Je n'ai pas d'expérience avec cette narration et pour tout avouer, je ne savais même pas que cela existait. Je pense qu'il est important de lire des livres construits de cette manière ( je ne sais pas s'il y en a beaucoup par contre) et essayer de les analyser. Ensuite tout dépend selon moi ou ce place le narrateur. Avant de commencer, je pense qu'il est indispensable de se questionner, en particulier sur la relation du narrateur avec le " tu ".

Est ce le "tu " désigne une seule et unique personne en particulier ? Ou est de façon plus générale ? Quel est le rapport du narrateur avec le " tu ?

Qui est la narrateur ? Un personnage de l'histoire ? Ou autre ?

Le narrateur ressent il toutes les émotions et penses du fameux" tu" ?


Un autre conseil : n'hésite pas à un proposer un extrait en Beta Lecture ( ou même un très court extrait ici) pour avoir un avis plus détaillé, plus posé

C'est un sujet fort intéressant, de mémoire je n'ai lu qu'une nouvelle qui utilisait ce type de narration (en exam de 4ème). Et à vrai dire, si la thématique n'avait pas été aussi lugubre et bien romancé, ça m'aurait rappelé une recette de cuisine et elle aurait été vite oublié. Du coup, si quelqu'un se sent de partager un exemple, ça serait cool.
Par ailleurs il y a ce vieux lien qui en parle
https://tremplinsdelimaginaire.com/cocy ... 4&t=207542

En référence tu as Lambeaux, de Charles Juliet. La première partie est la biographie de sa mère, en "tu". Je trouve l'effet magnifique, c'est un livre qui m'a vraiment bouleversé alors que les biographies bon.... C'est pas mon genre.
Au début le " tu" déstabilises forcément un peu et puis finalement il créait une intimité, il traduit bien la pudeur des sentiments.
Je trouve que cette pudeur et intimité se retrouve aussi dans Meute, ce qui me fait penser que le "tu" ne dois pas y être étranger.

L'avantage du "tu" c'est que ton narrateur parle au personnage. Du coup tu es dans un narrateur omniscient mais tu peux avoir une focalisation sur un seul personnage. En tant que narrateur tu donnes la voix à un personnage qui ne serait pas capable de raconter son histoire sans toi, et je trouve que c'est là qu'il y a la magie tout en pudeur.

Niveau écueil je pense qu'il faut faire plus attention encore à la musicalité des phrases, le lecteur sera déstabilisé donc un rien peut le sortir de sa lecture je pense. Il faut éviter un côté trop répétitif, trop litanie parce que c'est déjà un effet que tu risques d'avoir ( le "je" et le "il/elle" sont rarement soulignés comme des répétitions, alors que le "tu" vas sans doute plus sauter aux yeux.
Pour le côté " autoritaire" je pense que ça va dépendre du ton général. Personnellement je n'ai jamais eu ce sentiment mais bon je n'ai pas lu 300 ouvrages de ce type!

Woah ! Merci à tous pour vos réponses et pistes de réflexion. Pour l'instant, j'ai travaillé vraiment à l'instinct, dans l'état d'esprit d'un pdv interne distancié, comme si le personnage se regardait agir et analysait ses propres émotions/sentiments et celle des autres (c'est un vrai parti pris parce que c'est un androïde, j'ai un pdv humain avec "je" en face qui lui répondra et sera vraiment très différent pour le coup).

Je posterai bientôt des extraits dans mon challenge si cela vous intéresse de voir ce que je frabrique

Je suis toujours preneuse de conseils si d'autres veulent mettre leur grain de sel, of course ! Mais je vois déjà que la question divise, entre ceux qui aiment et ceux qui se méfient