Coucou ! (ça fait plaisir de revenir sur la mare après une longue absence
)
Sans vouloir enquiquiner personne (je commence mal
), je pense qu'il faut faire attention à ne pas être trop réducteur avec le show don’t tell. Je peux me tromper, mais pour moi :
- le show don't tell est ancien et n'est pas juste une technique récente popularisée par le cinéma américain comme je l'entends souvent. Le show don't tell s'est diffusé grâce aux ateliers d'écriture aux États-Unis d'abord, car dans la culture anglo-saxonne, l'écriture est un vrai métier. Là-bas, il n'y a rien de honteux à vouloir améliorer ses techniques dans un atelier avec un auteur expérimenté. Comme l'Amérique est devenu un grand pays du Septième Art, le show don't tell est fort logiquement apparu très tôt dans ce pays car les scénaristes de la télévision et du cinéma fréquentaient les mêmes ateliers d'écriture que les romanciers, mais en définitive, c'est plutôt la France qui était en retard en ce qui concerne les ateliers d’écriture ! Au niveau universitaire il a fallu attendre les années 60 pour qu’un vrai atelier d’écriture apparaisse à la faculté de Aix-Marseille, alors qu’aux Etats-Unis, dès les années 30, on recensait des cursus universitaires. D'ailleurs, avant de gagner son prix Pullitzer, Philip Roth avait fréquenté celui de l'université d'Iowa, comme beaucoup d'autres auteurs connus. Dans la première moitié du XXe siècle, beaucoup d’auteurs français de littérature blanche pensaient qu’un atelier d’écriture était une hérésie, il fallait naître écrivain, « inspiré », et malheureusement certains le pensent encore aujourd’hui. Et que dire du cinéma... En France, on a l'habitude de cloisonner, mais heureusement c'est (doucement) en train de changer.
- Il ne faut pas confondre point de vue narration et show don't tell. Une narration à la première personne (le "Je") peut être extrêmement tell, pour ne pas dire chiante… Un éditeur se fiche éperdument de la quantité de show don’t tell qu’on injecte dans le récit, car quand il lit un manuscrit, il est d’abord et avant tout un lecteur qui veut ressentir des émotions. C’est un lecteur plus exigeant qu’un autre, certes, mais il reste un être de chair et de sang et non un robot venu du futur programmé pour briser un auteur.
- Le show don't tell n'est pas une règle, seulement un principe. Il n'y a pas de pourcentage idéal ou de recette miracle. A mon sens, ce qui compte, c’est l’immersion avant même l’idée de show. Dans
Dune ou
l’Assassin Royal, quand je lis en tête de chapitre une citation ou un extrait encyclopédique austère tiré d’une oeuvre fictive, c’est effectivement du tell… mais j’y crois, comme si je lisais l’extrait d’un manuel d’Histoire avec plaisir. Je sais que ce sera court et que j’apprendrai des éléments de background de l’univers.
- Pour moi, la peur de mettre trop de show est infondée pour une raison, hélas, très simple : il faut avoir un talent extraordinaire pour réussir à écrire un récit complètement « show » ! C’est très difficile, ne serait-ce que parce qu’il faudrait que le lecteur connaisse déjà un univers donné sans avoir à lui expliquer quoi que ce soit. C’est possible dans un roman fantastique qui se passe en France en 2018, mais c’est déjà beaucoup plus compliqué en SF ou en Heroic-Fantasy. Je pense que jamais un lecteur ne se plaindra de lire un récit trop immersif
J’ai beau ne pas aimer
la Horde du contrevent à cause du style de l’auteur, je suis bien obligé de reconnaître que c’est une oeuvre immersive de grande qualité, avec un univers très original, qui a marqué le paysage de la SFFF française.
Après, ce n'est que mon avis, bien sûr