Je ne suis pas psy, mais j'ai un doctorat en psycho. Pour les tortures mentales des personnages, je m'y connais un peu, surtout que j'adore tourmenter les miens.
Pour répondre à la question sur la dépression, il n'y a pas LA dépression, mais LES dépressions. Tout dépend de comment le personnage y entre et si c'est une dépression psychotique ou pas, etc. Sans compter que le risque de passage à l'acte (tentative de suicide, voire automutilations), diffère en raison du type de dépression. De plus, les différents types de dépression ne surgissent pas à n'importe quel âge et ont des effets différents en fonction de l'âge, du sexe, etc. Le plus simple serait de lire sur le sujet, la littérature scientifique est très vaste sur le sujet.
Je me penche moi-même sur le sujet, car je me focalise actuellement sur un type bien particulier, avec un personnage assez complexe : un deuil non accompli provoqué par un meurtre (le meurtrier est le veuf et il est dans le déni, en gros). Le personnage en question est pervers et ne ressent pas de culpabilité, du moins consciemment, surtout qu'il est persuadé que c'est un accident. C'est un être violent qui s'est réfugié dans l'alcoolisme, il est dans une détresse affreuse, souffre d'insomnie et d'hallucinose (où le sujet est conscient que ses hallucinations ne sont pas réelles) et, ce qui complique les choses, un fantôme qui pourrait rappeler la défunte vient hanter les lieux (dans mes romans, les fantômes existent pour de bon, même si je laisse des doutes à ce sujet et tout un tas d'esprits plus ou moins méchants viennent emmerder les vivants). Le tout se passe en Languedoc dans une société revenue à la féodalité, en plein XXVIe siècle, il n'y a donc pas de psychiatre. En fait, ce personnage, qui est un noble, est inspiré, pour une certaine part, du personnage de Barbe-Bleue et donc de Gilles de Rais.
Autre exemple, un personnage du même roman, un sorcier qui fait partie d'une tribu errante, laquelle a été massacrée. Il se croit longtemps le seul survivant et, pour couronner le tout, il est fait prisonnier par le méchant décrit plus haut, qui le torture assez vilainement. Je n'en dis pas plus, ce serait du spoil, mais comment faire réagir notre sorcier à ce traumatisme ? Par un syndrome de désordre post-traumatique, bien sûr ! Alias PTSD, alias névrose traumatique ou encore, plus anciennement, névrose de guerre. Laquelle a pour caractéristique principale que le sujet croit revivre dans le présent des scènes du traumatisme, avec des amnésies partielles sur les événements en question, des revivances déformées où le sujet se vit en dehors de son propre corps, voire des hallucinoses - non, ici carrément des hallucinations, car mon personnage est un sorcier et abuse de substances hallucinogènes, ce qui complique son cas - des passages à l'acte sur lui-même et sur autrui, des insomnies, là encore, un état d'alerte constant et un épuisement conséquent. Une bonne grosse méchante dépression, en somme.
Je ne parlerai pas des autres dépressions ici, car je ne les ai pas tout à fait en tête, au niveau du fonctionnement. Mais une autre sorte de dépression bien connue est celle qui survient, par épisodes, dans la psychose bipolaire, en alternance avec des périodes d'euphorie intense, appelées épisodes maniaques. Je vous conseille de lire l'autobiographie d'Althüsser à ce sujet, qui souffrait de ce type, intitulée "L'Avenir dure longtemps", si votre personnage s'en rapproche, bien entendu.
Il faut cependant garder de vue à l'esprit que les dépressions ne se caractérisent pas tout le temps par des états d'âme chagrin. Les personnages peuvent tout à fait avoir des moments où ils ressentent de la joie, etc. On peut compliquer à loisir et même imaginer des situations où ils réagiraient de manière inopportune - éclater de rire à la nouvelle de la mort d'un être cher, par exemple. On peut y rajouter, évidemment, des troubles alimentaires du genre anorexie, boulimie - éviter le pica qui consiste à manger des choses non comestibles, car c'est plutôt rare et c'est surtout un symptôme qui apparaît chez les grands psychotiques ou les personnes atteintes de handicap mental profond. Un petit sentiment d'étrangeté peut couronner le tout, qui peut aller jusqu'à une déréalisation - où le monde, soi-même et les autres apparaissent vides, étranges, lointains, etc. En revanche, on peut parfaitement compliquer la dépression d'un problème psychique sous-jacent, qu'il ait existé auparavant ou qu'il se soit révélé à la faveur de la dépression.
Pour des personnages encore plus cinglés, il vous faudra taper dans le registre des psychoses : le journal de Nijinski - sur lequel j'ai travaillé dans ma thèse - est une excellente illustration de ce que peut être un épisode dépressif avant-coureur d'une schizophrénie catatonique. Ou encore, des névroses très graves : voyez "Un voyage dans la folie" de Mary Barnes (c'est une autobiographie) et vous trouverez une très bonne source d'inspiration.
Après, il existe des dépressions plus courantes que ce que je viens d'exposer là, mais j'avoue que je n'en suis pas spécialement familière. On peut considérer cependant que le personnage de L'Étranger de Camus file un très mauvais coton suite au deuil mal digéré de sa mère tout juste décédée, ce qui le conduit à un passage à l'acte sous la forme d'un meurtre (si je me souviens bien), ce qui a l'avantage d'être une mise en scène romanesque très simple, efficace et brillante d'une forme de dépression. Complexe ! car le personnage en question ne semble justement pas se rendre compte de ce qu'il lui arrive, il est étranger à lui-même (d'où le titre). Je vous conseille sinon de voir sur Wikipedia, non pas pour l'article lui-même, mais surtout pour la bibliographie qu'il y a à la fin, où vous trouverez pas mal de littérature scientifique sur le sujet :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Dépression ... liographie
Bonnes recherches et excellente écriture à vous !