Ivan a écrit : Même quand on vend des salades ou des télés, on tombe sur des gens qui sont mécontents pour des raisons qui n'ont rien d'objectif, et ça reste de la responsabilité (encore une fois, pas de la faute) du "vendeur" que de prendre ça en compte.
Et la question de responsabilité est cruciale à mes yeux : même si ce n'est pas l'auteur qui est critiqué mais son œuvre, n'en est-il pas responsable ?
Je suis d'accord avec l'idée que l'appréciation d'une personne, que ce soit pour un bien de consommation ou un produit culturelle, est essentiellement subjective. Même le fait d'apprécier ou non autrui est purement subjectif (même s'il y a des caractères plus faciles à apprécier que d'autres
)
je pense que là où notre point de vue diverge, c'est sur la question de la responsabilité justement. Quand un client achète un fer à repasser dans le but de repasser des vêtements, et que les vêtements sont mal repassés, ou que la glisse n'est pas optimale ou n'importe quel autre critère subjectif qui fait que le fer à repasser n'est pas adéquat - il y a responsabilité du service client (s'il veut être de qualité) d'essayer au moins de comprendre et, en effet, de présenter des excuses car le consommateur n'est pas satisfait de l'objet qu'il a acheté pour un usage bien précis.
Dans le cas d'un produit culturel, l'artiste met une intention sur le marché, une sensibilité, un univers, une vision des choses, un style, une plume. Les fers à repasser sont interchangeables en quelque sorte.
Tu es consommateur, tu veux un fer à repasser, tu vas trouver celui qui est optimal, le plus adéquat, pour tes besoins (même si ces critères d'adéquation sont subjectifs).
Tu es lecteur, tu ne vas pas choisir un seul livre et le lire toute ta vie. Les livres ne sont pas interchangeables, ils n'ont pas été créés dans le but d'être adéquats à un usage précis.
En quelque sorte, ma vision des choses est que les objets d'art ne sont pas créés pour faire plaisir à l'utilisateur mais pour exprimer son âme si on veut - du point de vue de l'auteur en tout cas. Et je ne vois pas pourquoi on s'excuserait d'avoir présenté son univers d'une manière qui déplaît à certains lecteurs, on n'est pas là pour fournir un service.
Au pire, comme le disait Roanne, ce serait plutôt le rôle de l'éditeur/du libraire d'endosser le travail du "service client", et encore, de mon point de vue, ça se limiterait à répondre aux réclamations liées à la livraison, à la qualité du papier, aux coquilles, à la couverture, la taille des caractères, mais pas forcément à l'oeuvre elle-même.
En fait je pense que la divergence entre nos points de vue vient du fait que tu vois la relation auteur-lecteur comme une relation fournisseur-client, et moi je ne la vois pas comme ça. Pour moi l'auteur met "un bout de son âme" sur le marché, elle est imparfaite, à l'image de son auteur, mais c'est un morceau de l'humanité. Il n'est pas là pour plaire ou remplir un besoin. Du coup pour moi, ce n'est pas de la responsabilité de l'auteur si son oeuvre ne colle pas avec certains lecteurs. Il existe autant de bouts d'âme que de livres, le lecteur n'a qu'à aller en lire un autre qui lui correspondra mieux.
Ivan a écrit :Purée, c'est complètement fou, en revanche, tu vois, je ne m'excuserais jamais pour un truc comme ça... J'ai l'impression qu'on est sur des visions non pas contradictoires, mais vraiment parallèles.
Effectivement je crois que l'exemple illustre bien la divergence de point de vue. Pour moi, l'auteur n'et pas responsable de l'effet que fait ses livres sur le lecteur dans le sens où c'est juste une proposition, un "bout d'âme", et pas une oeuvre dont le but est de satisfaire tout le monde.
En revanche, une attitude personnelle offensante revient à engager sa responsabilité propre face à ses actions en tant que personne, ce n'est plus du livre dont il s'agit, mais bien de toi en tant qu'être humain et de la manière dont tu choisis de te comporter. Et là, pour moi, il y a une responsabilité personnelle d'engagée. Comme n'importe quelle relation inter-personnelle, ça ne veut pas dire qu'il faut s'excuser d'avoir agi d'une manière qui nous semble juste, mais plutôt s'excusé d'avoir blessé ou offensé sans le vouloir.
Bon, le débat est poussé loin là, je ne sais pas si mon idée est compréhensible