Y'avait un article fort intéressant dessus dans New Scientist il y a deux ans — j'ai fini par le retrouver ici, si vous lisez l'anglais : https://notes.utk.edu/bio/greenberg.nsf ... enDocument
En gros ils expliquent que ce que l'on trouve drôle repose la plupart du temps sur une incongruité. La nature de cette incongruité peut varier grandement :
- Incongruité entre la dignité d'une personne et l'indignité de sa position : ex. quelqu'un qui trébuche et se retrouve sur les fesses (absolument hilarant pour les 6-12 ans).
- Incongruité entre ce qui devrait se passer et ce qui se passe réellement : ex. le prof de Chimie qui énonce à la salle "Et ainsi que vous pouvez le voir, la solution tourne au vert pomme" — alors que l'éprouvette derrière lui est rouge vif et commence à fumer. L'absurde fonctionne aussi comme cela. À noter que "ce qui devrait se passer" peut être compris au sens physique… ou au sens moral : par exemple, la plupart des blagues sur les prêtres, qui reposent généralement sur leurs interdits. À noter enfin que cela fonctionne aussi à l'inverse, càd dans un contexte où la physique et/ou la morale fonctionnent différemment : par exemple dans De Bons Présages (Neil Gaiman / Terry Pratchett), l'antéchrist reçoit pour son 12è anniversaire un molosse des enfers, qui aura pour mission de le protéger et dont la forme va dépendre du nom qu'on lui donne. Le gamin décide de l'appeler "Toutou".
- Incongruité entre ce que l'on comprend/attend initialement d'une situation (de par notre tendance à "remplir les trous"), et la réalité révélée ensuite :
Groucho Marx a écrit :"Votre livre m'a fait mourir de rire. Un jour, j'ai bien l'intention de le lire."
La Cité de la peur a écrit :"N'entrez pas, M. le commissaire, c'est une véritable boucherie là-dedans." -- Et lorsque la porte s'ouvre...
- Incongruité entre ce que deux personnes comprennent. Friends fonctionne souvent comme cela. Pratchett l'utilise aussi souvent -- je ne sais plus dans lequel mais à un moment, un jeune sorcier réalise une invocation et croit avoir appelé un démon; en fait il a récupéré l'incapable magicien Rincevent, qui est bien à la peine de lui accorder ses souhaits. Un peu plus loin (en VO), le jeune sorcier lui réclame des minéraux ("Ores"), Rincevent rougit et lui répond qu'il est trop jeune (il a compris "wh...", ahem).
- Etc.
Une différence intéressante entre l'humour classique et l'absurde, est que le premier aura tendance à "résoudre" l'incongruité à la fin (exemple : Friends, l'erreur d'un personnage finit par lui apparaître, tout rentre dans l'ordre) alors que l'absurde n'en a pas besoin ; il peut même en fait accumuler les incongruités (exemple : les Monty Pythons, Douglas Adams, etc.). La préférence entre les deux genres d'humour semble lié à la personnalité (une préférence pour l'ordre et la rationnalité dans le premier cas, ou pour l'aventure et la découverte dans l'autre) et à certaines parties du cerveau (mais bon après, inné/acquis…).
Enfin, un dernier point intéressant est que certains animaux rient aussi : certains primates, et même peut-être les rats (http://moreintelligentlife.com/story/th ... -of-humour) — autant pour Descartes. Les chercheurs pensent donc que l'humour pourrait être un cadeau de la nature (rejoignant ainsi d'autres, comme les chatouilles* ou l'orgasme) pour nous forcer à apprécier les choses qui ne se passent pas comme prévu — en d'autres termes, chercher les exceptions et ne pas se fier aux premières impressions.
I hope it helps...
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* PS: Sur les chatouilles, une théorie (observées sur les rats, notamment) est qu'elles servent à inciter les jeunes d'une espèce à apprendre à se défendre en faisant attention à ses points faibles (les articulations, les parties molles du corps) et en se bagarrant "gentiment" entre eux. Pas grand-chose à voir avec l'humour, en effet.