cedricg a écrit :J'ai entendu dans une conférence (sans doute les imaginales) de l'an dernier que la SF actuelle ne porte plus les espoirs que l'on pouvait y trouver il y a quelques années : exploration de l'espace, projection de l'esprit dans le cyberespace, etc...
La possibilité du voyage spatial s'éloigne (quoique...), le cyberespace est là au quotidien (presque), bref, il n'y a plus d'enchantement dans la SF puisque les thèmes des débuts sont dépassés, et que nous vivons dans une évolution technologique effrénée depuis l'apparition d'Internet. Qu'en pensez-vous, et que pouvons nous faire en tant qu'auteurs de SF ?
Tiens, c'est marrant : ça fait un moment que j'observe ce phénomène (moins de SF "optimiste" et d'aventure ; beaucoup plus de mondes sombres, d'anticipation oppressante, de post-apo ou de science-fiction qui se veut non manichéenne et plus dure dans ses thèmes). Ça se voit énormément au niveau des séries télé de SF, je trouve : dans les années 80-90, flopée de séries de SF d'aventure et présentant des mondes qui font rêver (Stargate, le plus gros des séries dérivées de Star Trek, Farscape, ou même des séries comme Sliders.). Par contre, fin des années 2000 et années 2010, on met en avant les séries dites plus adultes, plus sombres, comme Battlestar Galactica ou, maintenant, Games of Thrones (ok c'est pas de la SF mais c'est la même évolution).
Mais personnellement, je ne l'attribue pas du tout à nos avancées technologiques. Je pense que c'est beaucoup plus une question de société et de mentalités actuelles. Par mentalité actuelle, je ne veux pas dire que tout le monde pense pareil, bien évidemment, mais à travers le temps, toutes les époques ont des idées dominantes, des thèmes marquants qui prennent le dessus. (Par exemple, je sais pas, la fin du XIXe siècle avec l'idée que la science est un progrès en marche qu'on voit avec optimisme ; ou la période après la 2e guerre mondiale où il y a eu toute une vague de littérature désenchantée).
Et j'ai l'impression que, de tous les genres littéraires, la SF est peut-être, paradoxalement, celui qui offre le plus nettement un reflet de la société. Sans doute parce qu'il mêle l'imaginaire, l'invention d'un monde (parfois possible, parfois pas), et qu'en même temps il a parfois un côté social... Enfin je sais qu'en étude d'histoires, j'avais eu à faire un dossier sur les liens entre SF et société aux Etats-Unis au XXe siècle, et c'était dingue de voir combien la SF, plus que les autres genres, était une sorte de reflet des évolutions de la société américaine, que ce soit la peur de l'envahisseur (dans le contexte de la guerre froide), l'arrivée des idées de la contre-culture dans les années 60 (Star Trek et toutes les règles de Starfleet (non-ingérance, non-colonisation, tolérance raciale, etc.)).
Et bref, tout ça pour dire que j'y vois davantage un élément sociétal qu'une conséquence des avancées de la science qui auraient blasé le public. Ces dernières années, l'emporte quand même un sentiment de désenchantement, de cynisme ; que ce soit dans les fictions ou dans le discours des gens, l'avenir est souvent vu comme sombre (pollué, dominé par les inégalités et le chacun pour soi, parfois totalitaire, parfois carrément post-apocalyptique). Et ça se ressent dans la SF.
(Ceci dit, là je m'aperçois que je parle plus de la sf "de masse" : cinéma et séries. Dans les livres, étant donné l'ampleur de la production, c'est peut-être moins vrai).
Par contre, ces derniers temps, j'ai l'impression qu'on revient à des fictions plus optimistes et axées sur l'aventure et la découverte (la vague de mode d'adaptation d'histoire de super-héros, le retour des Star Trek, des séries légères comme Once Upon a Time... (là encore, pas de la SF, mais je pense que c'est le même mouvement). Ou même le retour à la mode du thème du zombie, qui certes présente des mondes détruits et des situations difficiles, mais qui est souvent traité sous l'angle du "dégommons joyeusement des vilains monstres et défoulons-nous !", un peu comme l'alien plein de tentacules dans les pulps des années 30...
Nariel Limbaear a écrit :
En fantasy, il y a le TGCM, mais en SF, on peut sortir le TGCS (poliment : tais toi c'est de la science) avec un virus que l'on inventerait.
Haha, comme c'est bien dit !
La SF étant un genre littéraire, je ne grince des dents questions science que quand la cohérence interne du livre ou du film ne tient pas de bout. Si le livre commence par me dire "on va traverser un trou noir pour remonter le temps", eh bien, ok, dans cet univers, on peut remonter le temps en traversant un trou noir. Pourquoi pas, tant que l'auteur ne nous dit pas trois chapitres plus loin que c'est impossible ? (par "dans cet univers", j'inclus les livres censés se passer dans notre monde, parce qu'un livre est
toujours une fiction, si réaliste se veut-il, et donc, chaque livre, même Zola, plante un univers imaginaire et est responsable de sa cohérence interne).
tomate a écrit :
C'est bien ce genre de récit qui contribue à la réputation de la SF comme "littérature pas sérieuse".
Je pense pas, Tomate... A mon avis, la SF a réputation de littérature pas sérieuse parce qu'elle s'assume comme un monde de fiction pure (comme le fantastique et la fantasy) et demande au lecteur d'adhérer à une histoire qui ne fait pas semblant de se passer dans son quotidien. Et parce qu'elle tend à mettre en scène des situations extrêmes avec des personnages flamboyants et des péripéties pas réalistes. Mais c'est pas une question d'adéquation avec la "vraie" science, c'est une question de structure littéraire, de thèmes principaux, et de support de publication (la SF a débuté dans les pulps de bas étage aux Etats-Unis, et a eu du mal à gagner ses lettres de noblesse...)
Et tu sais, toi tu tiques pour bactérie/virus, mais ça dépend des compétences de chacun. Moi ça me semble relativement mineur, par contre si un chevalier va acheter une armure dans une boutique, ça me semble un anachronisme inadmissible - parce que je suis historienne, et que je tique sur les détails propres à mon métier. Mais je comprends tout à fait que les autres lecteurs ne soient pas choqués par ce qui me fait tiquer du point de vue historique, et tant que le livre s'assume tel qu'il est (une fiction, c'est-à-dire un texte qui, par définition, déforme la réalité), je passe outre
Crazy a écrit :Si vous cherchez de la bonne vulgarisation scientifique, je vous conseille "La science du Disque-Monde" (un chapitre "histoire" écrit par Pratchett, un chapitre "science" écrit par des scientifiques).
Et lisez
Alice au pays des quantas ! (mais on s'éloigne du sujet
)
Et flûte, encore un post trop long que personne ne va lire
Désolée... !